Eglises d'Asie

POUR APPROFONDIR – Lettre pastorale de la Conférence des évêques catholiques du Vietnam pour l’année 2008 – L’éducation au sein de la famille catholique

Publié le 25/03/2010




Comme la lettre de l’année précédente, la Lettre pastorale publiée le 5 décembre 2008 (1) traite de la famille catholique et du rôle essentiel joué par elle dans l’éducation et la formation de l’homme. Elle insiste sur la spécificité de l’idéal familial au Vietnam et déplore de voir celui-ci perdre de son attrait. Les évêques reviennent aux sources chrétiennes pour restaurer…

et revivifier le rôle éducatif de la famille catholique au Vietnam. La lettre a été traduite du vietnamien par la rédaction d’Eglises d’Asie.

 

À la communauté du peuple de Dieu au Vietnam.

Introduction

1. Nous, les cardinaux, archevêques et évêques de la Conférence épiscopale du Vietnam, voulons vous faire parvenir nos salutations affectueuses et nos souhaits de paix dans le Christ.

2. Conscients de la mission de formation qui nous a été confiée en tant que pasteurs, à l’occasion de la Xème assemblée annuelle de notre Conférence de 2007 à Hanoi, nous vous avions fait parvenir une lettre commune sur le thème « L’éducation d’aujourd’hui, c’est la société et l’Eglise de demain ». Nous avons été heureux de constater que cette lettre a été bien reçue et mise en pratique grâce à de nombreuses et fécondes initiatives à l’intérieur des différents diocèses. Nous vous remercions d’avoir chaleureusement répondu à notre appel en apportant votre propre contribution à l’éducation religieuse et culturelle dans le cadre de l’édification de l’Eglise et de la société du Vietnam d’aujourd’hui et de demain.

3. En continuité avec l’esprit de cette lettre commune de 2007 sur l’éducation chrétienne, nous vous invitons aujourd’hui, frères et sœurs, à réfléchir et à agir avec nous pour contribuer à la restauration du milieu éducatif de la famille (voir lettre commune de 2007, n° 38). L’éducation à l’intérieur de la famille constitue un élément important et nécessaire. C’est elle qui créé les conditions préalables au développement de l’éducation générale, car la famille est le fondement de l’Eglise et de la société. Si le fondement familial est renforcé, l’Eglise et la société de demain s’en trouveront plus florissantes et iront en se développant. A travers cette Lettre pastorale, nous voulons exprimer notre inquiétude à l’égard de la situation présente de la famille vietnamienne et vous présenter des propositions concrètes qui contribueront au renouveau pastoral en ce domaine, un domaine fondamental de la vie humaine et de la vie de l’Eglise.

I – Le fondement de l’éducation familiale

4. Dans le dessein de Dieu, la famille est le lieu de l’éducation à l’amour. « Dieu est amour » (1 Jn 4,16). C’est par amour qu’il a créé l’homme à son image pour lui transmettre sa gloire éternelle. Il a créé l’être humain, homme et femme, qui, bien que différents par le sexe, sont entièrement égaux et complémentaires entre eux. Il leur a donné la capacité d’aimer pour réaliser leurs légitimes aspirations. Dans la vie conjugale, l’amour unit l’homme et la femme d’une manière si intime qu’ils ne sont plus deux mais forment une même chair. De plus, l’amour conjugal est un reflet de l’amour même de Dieu et, pour cela, il est béni par lui.

5. La famille a été la première école du fils de Dieu incarné

Lorsqu’il est venu en ce monde, le Seigneur Jésus a vécu dans une famille. Il a eu un village d’origine, un père, une mère, un voisinage. Les gens de son village le connaissaient bien, lui, « le fils du charpentier » dont « la mère était Marie » (Mt 13,55). Saint Joseph et la Vierge Marie ont élevé et éduqué l’enfant Jésus dès sa naissance. C’est dans le cadre familial que Jésus a reçu ses premières leçons fondamentales pour la vie, religieuses et culturelles. Pour sa part, Jésus « leur était obéissant » (Lc 2,51). On peut dire que ce type d’éducation donnée par Saint Joseph et la Vierge Marie a contribué à enrichir la prédication du prophète de Nazareth. Il a utilisé les expressions traditionnelles, les proverbes, les images populaires de la culture locale pour annoncer le royaume des cieux. Ainsi, la famille de Nazareth nous fait mesurer l’importance de la famille dans l’éducation. La Sainte Famille est un modèle pour tous ceux qui exercent les fonctions parentales dans toutes les cultures et milieux sociaux. Fils très aimant dans une famille, Jésus est aussi le fils bien-aimé de Dieu le Père qui l’a lui-même affirmé : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé, qui a toute ma faveur, écoutez-le. » (Mt 17,5). Il s’est toujours soucié d’accomplir le dessein de Dieu le Père, depuis son enfance, lorsqu’il était resté au temple au milieu des docteurs de la loi, jusqu’à l’heure de sa Passion sur la croix. Jésus a toujours réalisé la volonté du Père dans ses paroles comme dans ses actes. Obéir à la volonté de Dieu le Père, telle est sa nourriture (Jn 4,34).

6. La famille représente l’amour de Jésus et de son Eglise

Dans l’Ancien Testament, les prophètes ont l’habitude d’emprunter l’image des épousailles pour décrire les liens existant entre Dieu et son peuple. Plus tard, saint Paul sera encore plus concret en utilisant l’image de l’alliance amoureuse entre homme et femme pour décrire l’union de Jésus et de l’Eglise (Eph 5,21-33). Le mariage catholique a été élevé au rang de sacrement, devenant ainsi un signe et un instrument de l’amour qui unit le Christ à son Eglise. C’est un amour généreux par lequel on sacrifie et offre sa vie pour celui qu’on aime. C’est pourquoi, comme le Christ en a donné l’exemple en s’offrant pour son Eglise, l’amour conjugal doit être édifié sur ce modèle fondamental. Le pape Jean Paul II a rappelé cela dans son instruction apostolique sur la famille : « Le mariage des baptisés devient ainsi le symbole réel de l’alliance nouvelle et éternelle, scellée dans le sang du Christ. L’Esprit, que répand le Seigneur, leur donne un cœur nouveau et rend l’homme et la femme capables de s’aimer, comme le Christ nous a aimés ». (Jean Paul II, exhortation apostolique Familiaris Consortio, 13).

7. La famille est le milieu éducatif de l’amour de communion

« La famille, fondée par amour et vivifiée par lui, est une communauté de personnes: les époux, homme et femme, les parents et les enfants, la parenté. Son premier devoir est de vivre fidèlement la réalité de la communion. » (Jean Paul II, exhortation apostolique de 1981 Familiaris consortio, 18). Cette communion se renforce et se développe grâce à l’affection et au soutien mutuels dont font preuve les membres de la famille aussi bien dans la vie humaine que dans la vie de foi. Vraiment, si ses membres vivent dans la concorde et s’entraident mutuellement, la famille connaîtra une grande intimité. Cette communion contribuera même à renforcer la grande famille humaine et la famille de Dieu, à savoir l’Eglise.

8. La famille est l’école de l’amour filial et de l’amour de Dieu

La loi de l’Ancien Testament évoque l’amour filial immédiatement après avoir mentionné les devoirs de l’homme à l’égard de Dieu dans les trois premiers commandements. Ce qui nous enseigne que l’amour à l’intérieur d’une famille est lié à l’adoration de Dieu. Autrement dit, l’amour filial à l’égard de ceux qui nous ont engendrés, nourris et éduqués est un devoir important, venant juste après le culte dû à Dieu. Les auteurs de la littérature sapientiale (2) ont fait l’éloge des enfants animés par l’amour filial. Celui-ci n’est pas seulement une façon de se montrer reconnaissant pour la naissance et l’éducation reçues. L’Ecclésiastique (ou Livre de Ben Sirach le Sage) l’affirme : « Celui qui honore son père expie ses fautes, celui qui glorifie sa mère est comme quelqu’un qui amasse un trésor (…). Celui qui glorifie son père verra de longs jours, celui qui obéit au Seigneur donne satisfaction à sa mère » (Ecclesiastique, 3,1-6 ou Livre de Ben Sirach le Sage 3,2-14). On peut dire que l’adoration de Dieu garantit le bonheur de la famille et que la vénération à l’égard des parents constitue le devoir essentiel de ceux qui aiment Dieu et recherchent la perfection. La famille est à la fois le berceau et l’école où se forment les hommes qui sauront accomplir ce sublime idéal.

II – La famille dans le Vietnam d’aujourd’hui

9. Considérations générales

Le monde en général et la société vietnamienne en particulier sont en train de se transformer fortement. Certains changements sont positifs mais d’autres ont entraîné de très grands reculs. Le plus regrettable concerne les valeurs fondamentales en rapport avec la solidité des liens du mariage et de la famille, avec la solidarité entre ses membres. Nous vous invitons, frères et sœurs, à considérer avec nous la situation de la famille vietnamienne dans la société d’aujourd’hui afin de trouver des orientations pastorales qui répondent à des besoins effectifs et urgents.

10. Les crises de la famille

En tant que Vietnamiens, nous nous enorgueillissons d’une tradition familiale qui fait régner la bonne entente entre les parents et les enfants. L’amour filial tient une place importante dans notre vie familiale et sociale. On peut dire que la famille constitue un élément fondamental qui permet à l’homme de s’humaniser et d’acquérir de la valeur. Mais cette belle tradition court le risque de s’effacer et de disparaître demain. Il existe des familles qui sont devenues de véritables ‘auberges’ au lieu d’être des foyers d’amour. Beaucoup de personnes âgées sont abandonnées par leurs enfants, sans lieu où ils pourraient trouver asile. La violence familiale se répand. Plus particulièrement, beaucoup de femmes ne sont ni respectées ni aimées à la mesure de leur dignité. La proportion de divorces ne cesse d’augmenter avec, pour conséquences, des enfants de plus en plus nombreux qui désertent l’école, quittent la maison pour aller vivre dans les rues. Les médias mentionnent en permanence des actes criminels dont les auteurs, comme les victimes, sont des mineurs. Une grande partie d’entre eux viennent de familles divorcées, séparées ou brisées. Parallèlement à ces contradictions et ces crises qui affectent la famille, les statistiques connues nous apprennent que le fléau de l’avortement devient chaque jour plus grave, y compris chez les adolescentes encore à l’école. En plus des conséquences physiques obligatoires, l’avortement laisse des blessures psychiques dramatiques sur celles qui le subissent et sur leurs proches.

11. La famille dans le contexte de la mondialisation et des migrations

Autrefois, la vie des Vietnamiens était liée à la campagne. Toutes les activités sociales, économiques, culturelles et religieuses se déroulaient à l’intérieur des haies de bambous entourant le village. Dans les paroisses, pouvaient être organisés de façon commode les cours de catéchisme, les activités caritatives et le culte liturgique. Les fidèles avaient beaucoup d’occasions de se rencontrer et d’échanger dans de nombreux domaines différents. Les membres d’une même famille étaient toujours les uns auprès des autres dans chacune de leurs activités. Cette proximité permanente les aidait à s’encourager mutuellement, à se mobiliser mutuellement et ainsi, vivre leur foi effectivement et sans difficulté. Le milieu paroissial à la campagne était donc favorable aux rapports interpersonnels et à l’éducation chrétienne.

Un tel milieu est en train de changer progressivement sous l’influence de la vague d’urbanisation et d’industrialisation. De plus en plus de monde quitte la campagne pour trouver un emploi dans les villes. La plus grande partie de ces migrants sont des jeunes. Ce sont des étudiants, des écoliers, des ouvriers, des petits commerçants et beaucoup d’autres individus travaillant dans différents secteurs. C’est aussi pour gagner leur vie que beaucoup vont travailler à l’étranger ou encore que des jeunes filles vont chercher un mari à l’étranger. Ces expatriés sont confrontés à de nombreuses difficultés pour s’adapter à une nouvelle culture, à des coutumes totalement étrangères à celles de leurs pays, étrangères surtout à la vie familiale des catholiques vietnamiens. Particulièrement occupés par la lutte épuisante pour la subsistance, ils n’ont plus de temps à consacrer à la vie spirituelle. Dans une telle situation, la conception de l’amour conjugal et de l’amour familial est transformée. On assiste à l’apparition de façons de vivre dépourvues de moralité et fausses, comme le mariage à l’essai, la vie de couple en dehors du mariage et la liberté de divorcer. Beaucoup de familles se sont brisées et se brisent encore lorsque le l’épouse ou le mari partent à l’étranger pour y travailler. Le souci des migrants est une nouvelle forme de la pastorale de l’Eglise du Vietnam, aujourd’hui.

12. Les conséquences d’une éducation comportant beaucoup d’insuffisances

Devant cette longue série de caractères négatifs affectant le domaine de l’éducation, beaucoup de personnes ont élevé la voix pour appeler l’attention sur la qualité effective de l’éducation dispensée. Une éducation qui ne se préoccupe que des diplômes et s’efforce seulement d’acquérir des notes élevées au lieu de suivre le principe traditionnel : « D’abord apprendre le savoir-vivre et ensuite, la littérature », ne pourra que créer une génération d’hommes sans probité et sans talent. C’est précisément à cause de ce manque de « savoir-vivre » que la tradition du respect du maître est en train de se perdre, avec pour résultat l’aggravation de la violence dans le milieu scolaire. Des écoliers, encore dans leur prime jeunesse, sont devenus les auteurs de crimes, individuels aussi bien que collectifs. Il arrive que l’école qui devrait être le lieu où sont formés les sujets humains de demain, sachant respecter la vérité, devienne un milieu où les enfants apprennent le mensonge. Un certain nombre de parents d’élèves se laisse aller à des actes anti-éducatifs, par exemple, en achetant les notes ou même les diplômes pour leurs enfants, ou encore en faisant en sorte qu’ils passent à la classe supérieure. Par la suite, les enfants imiteront ce mensonge. C’est un des drames qui menacent l’avenir de l’Eglise, de la société et du peuple vietnamiens.

III – Quelques directives pastorales

13. Comme nous l’avons mentionné dans la lettre commune de 2007, l’éducation chrétienne relève de la responsabilité de tous et de chacun. La cible visée par elle, c’est la totalité des composantes de la société, sans exclure personne. Après avoir considéré ensemble la situation générale de la famille au Vietnam, nous vous proposons un certain nombre de pratiques éducatives en commençant par le domaine familial, car la famille est la première école, le lieu où se forme la personnalité, le lieu où l’homme s’oriente vers son avenir.

14. La famille et l’éducation de la foi

« Leur amour parental est appelé à devenir pour leurs enfants le signe visible de l’amour même de Dieu, ‘d’où vient toute paternité au ciel et sur la terre’ » (Jean Paul II, Familiaris Consortio, 14). De par la mission sacrée qui est la leur, les parents ont la responsabilité de transmettre la foi aux générations suivantes. Ce sont eux les premiers catéchistes de leurs enfants. Qu’ils leur présentent et leur fassent connaître Dieu dès leur petite enfance avec des prières toutes simples, des gestes (le signe de croix, les bras croisés, l’inclination de la tête, etc.). Des prières courtes, des leçons catéchétiques élémentaires, des histoires tirées des Ecritures saintes, inculquées par leurs parents, créeront chez eux des fondements doctrinaux solides et les prépareront à une vie spirituelle profonde. Mais la responsabilité des parents ne s’arrête pas là. Elle s’exprime également avec les directives qu’ils donnent à leurs enfants, en leur rappelant la nécessité d’étudier la doctrine, de participer aux diverses associations chrétiennes pour pouvoir ainsi grandir dans la foi. L’image d’une famille vietnamienne catholique a pour trait marquant la prière commune de tous ses membres. L’heure de prière récitée ensemble les aide à être plus près les uns des autres et à se prendre en charge mutuellement. La prière commune est un élément important pour dissiper les différends et aider les membres de la famille à se pardonner les uns les autres.

De nombreuses raisons expliquent la disparition progressive des activités éducatives, cependant, les causes principales sont la multiplication des occupations et des études, la différence de religion entre les membres de la famille, l’appétit immodéré de distractions. Nous appelons nos frères prêtres, les parents et nos collaborateurs apostoliques à encourager avec ardeur la restauration de la prière en famille. Les prières et les lectures de la Parole de Dieu, si elles ont lieu de façon permanente à l’intérieur de la famille, donnent à la jeunesse l’habitude de la prière. Ces comportements vertueux accompagneront les enfants tout au long de leur vie, y compris lorsqu’ils quitteront la famille pour vivre dans des milieux différents. La prière en résonnant quotidiennement à l’intérieur des maisons augmente en elle le bonheur et la joie. Car grâce à elle, nous transformerons nos familles en temples du Dieu Très-Haut.

15. La famille et l’éducation à la charité

Face aux diverses crises qui touchent la famille dans la société d’aujourd’hui, nous avons besoin de prendre conscience que, depuis le début, la famille est structurée par l’amour. Pour être conforme à la volonté de Dieu, elle doit se maintenir et se développer dans l’amour. Elle constitue ainsi un milieu éducatif particulier en ce qui concerne l’amour. L’éducation de la foi doit aller de pair avec l’éducation de la charité. Il est nécessaire d’apprendre aux enfants ce qu’est l’amour, pour qu’ils sachent aimer avec vénération leurs parents et grands-parents, aimer avec respect les membres de leur parenté, aimer et respecter tous les hommes. Il est aussi nécessaire de leur apprendre à s’aimer, se respecter, se soutenir les uns les autres et à se sacrifier les uns pour les autres. Celui qui ne sait pas aimer à l’intérieur de la famille, ne saura pas non plus aimer dans les différents milieux sociaux. L’éducation à l’amour a besoin de persévérance mais surtout de l’exemple donné par les parents, en tant que mari et femme. Le modèle de l’éducation à l’amour nous est donné par la Sainte Famille. Plus sublime encore est le modèle du Seigneur Jésus qui aime son Eglise, se met à son service, et va jusqu’au sacrifice de sa vie pour chacun de nous. Y a-t-il un sentiment plus beau que celui qu’éprouvent les membres de la famille lorsqu’ils se sentent aimés par les autres et que leur propre amour trouve un accueil et une réponse chez eux ?

16. La famille enseigne aux enfants à vivre en accord avec leur conscience et avec la vérité

Le pape Benoît XVI a affirmé : « Si au progrès technique ne correspond pas un progrès dans la formation éthique de l’homme, dans la croissance de l’homme intérieur, alors ce n’est pas un progrès, mais une menace pour l’homme et pour le monde » (Benoît XVI, encyclique Spe Salvi, 22). Ainsi, une conscience droite et une vie spirituelle profonde sont les éléments fondamentaux susceptibles d’assurer la solidité et le développement de la société. Les activités sociales, culturelles et politiques, pour avoir des résultats positifs, doivent être menées sur la base d’une conscience droite. La famille est un milieu important et irremplaçable pour sa formation. Le père et la mère sont les formateurs de la conscience de la génération à venir. Pour que cette formation porte des fruits, la collaboration de toutes les composantes de l’Eglise et de la société est nécessaire. La société est, en effet, le prolongement de la famille dans sa mission éducative. Si, à l’intérieur de la famille, les parents enseignaient la franchise à leurs enfants et que, eux-mêmes, à l’extérieur, pratiquaient la tricherie avec les autres, il y aurait là une contradiction insupportable. Le modèle des parents et des aînés joue un rôle important dans l’éducation de la conscience des générations qui suivent. Que deviendront notre Nation et notre Eglise du Vietnam si la génération d’aujourd’hui, indifférente, ferme les yeux devant la tromperie et la fourberie ? C’est une question que doivent se poser, avec gravité, les parents et les responsables de l’éducation s’ils veulent trouver à temps les mesures susceptibles de sauver la situation.

17. La famille et l’éducation aux vertus humaines

En raison de la vie industrielle et du développement urbain, l’homme d’aujourd’hui risque de vivre enfermé sur lui-même, privé d’amour et sans attention pour autrui. La famille est un milieu favorable qui aide ses membres à vivre la solidarité, l’altruisme, l’esprit de concorde et la générosité. Lorsqu’ils s’efforcent d’enseigner aux enfants les vertus humaines comme la sagesse, la justice, le courage ou la sobriété, les parents forment leurs enfants en sorte qu’ils deviennent des hommes. Cette éducation de l’humanité chez nos enfants vise aussi à former des hommes conscients de leurs responsabilités vis-à-vis d’autrui et du bien commun, contribuant à la protection et au développement de la vie sociale, respectant la nature et favorisant les activités caritatives. Encourager tous les membres de la famille à participer à des activités culturelles honnêtes est un moyen pédagogique concret et efficace de permettre aux générations à venir d’acquérir une formation humaine.

18. La famille et son devoir de respecter la vie.

L’Ecriture Sainte nous apprend que Dieu est Celui qui vit éternellement. Il a partagé sa vie et l’a accordée à l’homme, qui a été « créé à son image » (Gn 1,27). C’est lui qui bénit la vie humaine et en prend soin dès qu’elle apparaît dans le sein de la mère. A son tour, l’homme collabore avec Dieu pour donner cette vie qu’il a reçue. Bien qu’il ait la possibilité de propager cette vie humaine, l’homme n’a pas le droit d’attenter à sa propre vie. Le pape Jean Paul II a écrit : « La vie étant sacrée, elle est dotée d’une’ inviolabilité inscrite depuis les origines dans le cœur de l’homme’, dans sa conscience. » (encyclique Evangelium Vitae, 40). La vie étant un don accordé par Dieu, elle est le bien le plus précieux de l’homme. Elle doit « être respectée et protégée de manière absolue depuis le moment de la conception » (Catéchisme de l’Eglise catholique, § 2 270). Qu’il soit beau ou laid, intelligent ou non, l’être humain a été créé et aimé par Dieu. Sa vie est entre ses mains et le fils de Dieu est mort sur la croix pour lui. C’est pourquoi les interventions de la science visant à choisir le sexe, les actions provoquant la mort d’un être humain, comme l’avortement ou l’euthanasie, vont à l’encontre de la dignité de l’homme et s’opposent à Dieu, car elles transforment l’homme en une sorte de marchandise ou de produit alors qu’il est un être vivant précieux portant en lui l’image du Très-Haut. Les séances de catéchèse préparant au mariage devront aider les futurs mariés à comprendre cet enseignement. Les parents doivent eux aussi s’en imprégner afin d’enseigner à leurs enfants à respecter la vie.

19. L’année de saint Paul et l’éducation familiale

Parlant de l’éducation familiale, nous ne pouvons pas ne pas mentionner saint Paul, surtout cette année où l’Eglise commémore le 2000e anniversaire de la naissance de l’Apôtre. L’enseignement de saint Paul nous ouvre de nouveaux horizons en attribuant à la famille des dimensions grandioses, des dimensions trinitaires et éternelles. Selon saint Paul, chaque être humain qui naît à la vie est appelé à vivre dans la vérité et l’amour (Ep 4,15). Cet appel ne concerne pas seulement la vie en ce monde mais il oriente aussi vers la vie éternelle. C’est Dieu le Père qui est l’origine de toutes les familles au ciel et sur la terre, il est l’amour paternel par excellence. (Ep 3,14-15). Portant en lui ce précieux modèle, le chrétien, quitte sa famille et se met en route pour édifier une civilisation de l’amour, grâce à « l’amour de Dieu (qui a été) répandu dans nos cœurs par le Saint Esprit (…) » (Rm 5,5), un amour qui aide l’homme à persévérer dans le service et à supporter toutes choses (1 Co 13,7). Il est sublime de découvrir que, grâce au Christ, l’éducation de l’homme comporte une dimension salvifique et parvient jusqu’à la cime de l’humanité dans le mystère pascal (Ep 3,14-15).

Avec les conseils détaillés qu’il adresse à chaque membre de la famille dans la lettre envoyée à la communauté chrétienne d’Ephèse, saint Paul nous donne à connaître sa conception du bonheur familial et son enseignement à ce sujet. Une famille où règnent la discipline et l’ordre, où les supérieurs sont respectés et les inférieurs favorisés, n’est pas seulement un foyer d’amour, mais c’est aussi un reflet de l’amour du Christ pour l’Eglise. Les membres d’une même famille doivent se sacrifier les uns pour les autres avec les sentiments de Jésus qui s’est sacrifié et s’est offert pour son Eglise. Telle est l’étape initiale du bonheur et la condition pour parvenir à la perfection.

En résumé, selon saint Paul, par l’intermédiaire de la famille et d’une éducation conforme à l’esprit évangélique, l’homme construit positivement la société de ce monde tout en accomplissant sa mission d’édification de l’Eglise, pour finalement parvenir au salut par le Christ victorieux.

Conclusion

20. Par les propos ci-dessus, nous voudrions appeler chacune des composantes du peuple de Dieu à collaborer à la formation des générations à venir. Si la famille est un élément décisif pour la survie ou la disparition de l’Eglise et de la société, la première chose à laquelle nous devons réfléchir, c’est aux moyens de la fortifier et de la faire progresser de telle sorte que le couple puis la famille aient la force de vivre un amour débordant et de progresser humainement aussi bien que moralement.

Nous confions les perspectives pastorales de cette année à l’intercession de saint Joseph et de la Vierge Marie. Ils ont été des parents modèles, sans cesse attentifs à la volonté du Seigneur. Ils l’ont mise en pratique. Les membres de la famille de Nazareth se respectaient les uns les autres, chacun désirant pour les autres ce qui était le meilleur, réalisant tous ensemble la volonté du Père qui est au ciel. Joseph et Marie ont été des éducateurs de talent et ont accompli avec sagesse et loyauté la mission qui leur avait été confiée. Nous les prions d’intercéder pour nous et de toujours protéger nos familles.

Frères et sœurs, nous vous souhaitons de recevoir la grâce de Dieu en abondance et de vivre dans le bonheur et la paix.

Hanoi, le 5 décembre 2008.

pour la Conférence épiscopale du Vietnam,
Mgr Pierre Nguyên Van Nhon, président,
Mgr Joseph Ngô Quang Kiêt, secrétaire général.