Eglises d'Asie

Une directive gouvernementale officialise la solution déjà adoptée de facto dans les récentes demandes de restitution des propriétés religieuses

Publié le 25/03/2010




Quelques mois après la transformation en jardins publics de deux propriétés de l’Eglise à Hanoi, alors que d’autres affaires sont en cours, une directive du Premier ministre Nguyên Tân Dung sur ce sujet vient d’être rendue publique. Elle a été mise en ligne sur le site de la Radio nationale vietnamienne (Tiêng Noi Vietnam) et rapidement reprise par d’autres sites officiels…

… comme celui du Parti communiste vietnamien. Une photocopie du texte dactylographié a été diffusée par VietCatholic News le 7 janvier. La directive est intitulée « Directive N° 1940/CT-TTg concernant les édifices et les terrains en rapport avec la religion ». Elle est adressée aux ministères, aux agences ministérielles, aux comités populaires de provinces et des villes relevant du pouvoir central. Elle leur demande de procéder à une remise en ordre des dispositions concernant la gestion et l’utilisation des terrains en rapport avec la religion.

Le Premier ministre demande aux destinataires de la directive de procéder à une révision générale en ce domaine. Il les invite à régler les problèmes qui se posent, dans « un esprit qui assure un accord entre les intérêts de la religion et ceux de la nation ».

Plusieurs points de la directive font, sans le dire directement, référence aux affaires qui ont défrayé la chronique en 2008 aussi bien à Hanoi, dans la paroisse de Thai Ha et sur le site de l’ancienne Délégation apostolique, que sur tout le territoire vietnamien, comme à Vinh Long avec l’ancien orphelinat des sœurs de Saint-Paul de Chartres ou à Hô Chi Minh-Ville avec le jardin d’enfants des Filles de la Charité. La directive, en effet, traite plus spécialement de propriétés religieuses qui ont été transmises (par l’Etat) à des « organisations », dont la nature n’est pas spécifiée. Le Premier ministre fait une obligation à ces dernières d’utiliser la propriété conformément au but pour lequel elle leur a été confiée. Dans le cas contraire, celle-ci leur sera retirée et sera mise au service « du bien de la nation, de l’intérêt public ». On peut remarquer qu’il n’est fait aucune allusion à une autre solution qui consisterait à rendre purement et simplement le bien à l’organisation religieuse qui le réclame. Cependant, une clause, difficile à interpréter, précise que « dans le cas où naîtrait un conflit après que l’organisme religieux a accepté de céder ou d’offrir son droit d’utilisation des terres, il faudra en revenir aux dispositions de la loi existant avant l’établissement du certificat du droit à l’utilisation de la terre ».

Par ailleurs, le chef du gouvernement vietnamien recommande que les actions troublant l’ordre public et violant la loi, dans le cadre des conflits autour de l’utilisation des terrains en rapport avec la religion, soient sévèrement jugées.

Tel est le document officiel proposant un canevas de solution aux très nombreuses affaires de terrains qui enveniment les relations entre diverses communautés religieuses et les pouvoirs publics. Une première lecture rapide montre que ce texte est directement inspiré des affaires qui ont eu lieu en 2008. La directive traite très précisément des terrains accaparés par l’Etat puis transmis à certaines entreprises ou organisations, lesquelles ne les ont pas utilisés selon le but fixé. Ce fut le cas de toutes les affaires de terrains qui ont eu lieu dans le passé.

Par ailleurs, l’unique solution préconisée par la directive du Premier ministre pour régler en dernier ressort ce genre de conflits, à savoir l’utilisation de la propriété contestée au service du bien public, ne fait qu’officialiser la solution imposée de force par les autorités publiques dans les affaires de Hanoi : les deux terrains contestés ont été transformés en jardins publics au milieu d’un grand déploiement de forces policières. C’est aussi la solution annoncée pour l’orphelinat des sœurs de Saint-Paul de Chartres à Vinh Long (1).

Traitant de ce même problème, dans le document intitulé : « Point de vue de la Conférence épiscopale sur un certain nombre de problèmes posés par la situation actuelle », publié le 25 septembre à l’issue de l’assemblée épiscopale annuelle, les évêques du Vietnam avaient pris davantage de hauteur et proposé de régler ce problème à la racine. Ils n’avaient pas séparé le problème des terrains religieux accaparés par l’Etat de celui des autres terres ayant subi le même sort. Ils avaient proposé de rétablir le droit de propriété privée, présenté par eux comme un droit de l’homme fondamental (2).