Eglises d'Asie

Jharkhand : l’Eglise catholique blâme l’inaction de l’Etat face à l’augmentation des attaques d’églises

Publié le 25/03/2010




La nuit du 21 janvier 2009, six hommes armés ont attaqué deux prêtres catholiques et violé leur employée de maison, à Bingaon, au Jharkhand, Etat situé dans la partie orientale de l’Inde (1). Il s’agit de la quatrième agression de ce genre dans la région depuis le 17 décembre, le dernier en date s’étant produit dans l’archidiocèse de Ranchi.Les assaillants, masqués, ont forcé le propriétaire de la maison la plus proche de l’église, Elijah Dhan, …

… à les conduire au presbytère et à frapper à la porte. Reconnaissant la voix de Dhan, le P. Pingle Kujur, 45 ans, a ouvert la porte. Les attaquants ont pénétré dans la maison et menacé le prêtre avec un revolver. « Ensuite, ils l’ont violemment battu, lui demandant où était l’argent », rapporte l’agence Ucanews (2). Puis ils ont attaqué l’autre prêtre présent, le P. Peter Ekka, et menacé d’éventrer le P. Kujur s’il ne leur remettait pas l’argent collecté dans la paroisse. Il s’agissait de 60 000 roupies (940 euros) destinées aux victimes des violences antichrétiennes de l’Etat voisin de l’Orissa. « Nous leur avons donné l’argent et laissé prendre tout ce qu’ils voulaient. » Des hommes du groupe ont ensuite violé leur employée de maison, sous la menace de leurs armes. « Elle a été emmenée à l’hôpital à Khunti, dans un état grave», rapportent les deux prêtres.

La paroisse avait déjà été dévalisée à deux reprises en 2004 puis en 2006. A chaque fois, les victimes ont porté plainte auprès de la police mais « celle-ci n’a jamais attrapé les malfaiteurs », fait remarquer le P. Kujur. « Cette fois non plus, je ne pense pas que la police fera quelque », déplore-t-il, ajoutant que l’inaction des forces de l’ordre est la raison de ces incidents répétés.

Les attaques d’églises au Jharkhand, qui, selon la police locale, sont le fait d’une même bande opérant selon les mêmes procédés, sont en augmentation mais n’ont, à ce jour, donné lieu à aucune arrestation.

Le 17 décembre 2008, un groupe d’hommes armés a dérobé 9 000 roupies à la paroisse de Patrachauli. Deux jours plus tard, le 19 décembre, à Dighia, 15 hommes armés ont battu un prêtre et un séminariste afin qu’ils avouent où se trouvait l’argent de la paroisse (240 000 roupies, soit 3 750 euros). Le P. Anthony Bruno Xalxo, curé de Dighia, âgé de 66 ans, a raconté à Ucanews qu’il avait ouvert la porte vers minuit, pensant que quelqu’un voulait le conduire auprès d’un malade. Les malfaiteurs ont pointé une arme sur lui et lui ont demandé un million de roupies, disant qu’ils savaient que la paroisse était très riche. Ils ont tout d’abord essayé de l’étrangler puis ont mis la maison à sac, mettant la main sur 100 000 roupies (1 550 euros). Ils ont ensuite roué de coups un jeune séminariste présent et exigé l’argent d’une organisation de crédit paroissiale, fondée pour venir en aide aux déshérités. Selon le P. Xalxo, les 140 000 roupies qu’ils ont trouvées dans la caisse de la société de crédit lui ont sauvé la vie. « Ils avaient prévu de me tuer » s’ils ne trouvaient pas plus d’argent, a-t-il dit.

Puis, le 6 janvier dernier, c’est à nouveau un groupe d’une dizaine d’hommes armés qui ont agressé deux prêtres de la paroisse de Nawatanr, les PP. Deonis Dang, 47 ans, et Andreas Dungdung, 35 ans. Les deux hommes ont été réveillés en plein nuit par les malfaiteurs tentant de forcer la porte de leur presbytère. Après avoir téléphoné aux religieuses du quartier, le P. Dungdung a enjoint au P. Dang, plus âgé, de se cacher dans la salle de bains. Les assaillants ont battu le P. Dungdung et menacé avec une arme afin qu’il révèle où étaient les 150 000 roupies destinées, là aussi, aux victimes de l’Orissa. Ils ont demandé ensuite les clés de la caisse de la mission catholique d’aide au crédit que dirige la paroisse, et ont violemment frappé les deux prêtres. Les agresseurs se sont enfuis à l’arrivée de paroissiens alertés par les religieuses.

Dès le lendemain, le 7 janvier, le cardinal Telesphore Placidus Toppo, archevêque de Ranchi fustigeait la faiblesse de l’administration du Jharkhand et la défaillance de la police : « Ces vols à main armée sont une honte pour l’Etat. C’est une honte que l’Etat ne prenne pas ce problème au sérieux » (2). Il a souligné que toutes ces églises attaquées se situaient dans des régions isolées et pauvres, où les prêtres catholiques et les religieuses travaillaient pour les personnes déshéritées, leur offrant éducation et soins médicaux. « Ils aident au développement de l’Etat. C’est de la responsabilité de l’Etat de leur assurer la sécurité et de les protéger des malfaiteurs. » Le prélat a ajouté : « Nous ne savons pas pourquoi ils attaquent et vandalisent nos églises et nos prêtres qui ne font de mal à personne (…). Nous sommes inquiets parce que ces incidents troublent nos activités dans les paroisses éloignées, mais nous n’arrêterons pas notre mission pour autant. »

Au Jharkhand, Etat récemment fondé et particulièrement pauvre, bastion des minorités aborigènes et terrain de prédilection des maoïstes et des hindouistes, les incidents, notamment contre les chrétiens, sont de plus en plus fréquents. Selon des sources policières, lundi 26 janvier 2009, 60ème anniversaire de la fête nationale, le Jharkhand a vécu des troubles remarqués. En ce jour du Republic Day, célébré dans toute l’Inde de manière particulièrement ostentatoire après les attentats de Bombay, des drapeaux noirs maoïstes avaient été hissés dans plusieurs régions de l’Etat. Le gouverneur du Jharkhand, Syed Sibte Razi, a exprimé, lors de son discours traditionnel, sa déception devant la persistance de l’instabilité politique et l’échec du développement de l’ancienne région méridionale du Bihar (3).