Eglises d'Asie

Kerala : l’Eglise catholique s’oppose à un projet de loi visant à légaliser l’euthanasie

Publié le 25/03/2010




Au Kerala, les représentants de l’Eglise catholique se sont élevés contre un projet du gouvernement visant à légaliser l’euthanasie. Les médias locaux rapportent que la Commission des lois du Kerala (1), entre autres propositions, envisage, à l’occasion d’une réforme législative qui sera annoncée dans quelques jours, de légaliser l’euthanasie, une première dans l’Union indienne.

Le Conseil des évêques catholiques du Kerala s’est publiquement opposé à la motion, par des déclarations dans les médias, dès que le projet de loi a été diffusé par voie de presse, le dernier week-end de décembre. Le président de la Commission pour la Famille, Mgr Mathew Anikuzhikattil, évêque d’Idukki, de rite syro-malabar (2), a déclaré que l’Eglise comptait user de tous les moyens démocratiques à sa disposition pour s’opposer à une législation qu’elle ne peut accepter.

Une centaine de représentants de tous les diocèses catholiques de l’Etat se sont rencontrés le 14 janvier à Kochi, capitale commerciale du Kerala, afin de discuter du projet de loi. Ils ont manifesté leur opposition à ce dernier en en brûlant publiquement une copie. Mgr Anikuzhikattil a expliqué que l’approbation légale d’une telle pratique serait « inhumaine et contre les principes fondamentaux de la foi des chrétiens ». Le P. Jose Kottayil, directeur d’un mouvement pro-vie au Kerala, a déclaré que son association prévoyait d’organiser des manifestations dans tout l’Etat « afin de susciter une prise de conscience publique contre la motion et de faire respecter la valeur de la vie ».

L’Eglise catholique tient pour moralement inacceptable l’euthanasie, qui signifie littéralement « bonne mort » en grec – et est parfois désignée en anglais sous le vocable de ‘mercy killing’. Selon le Catéchisme de l’Eglise catholique, « un acte ou une omission qui, de soi ou dans l’intention, donne la mort afin de supprimer la douleur, constitue un meurtre gravement contraire à la dignité de la personne humaine et au respect du Dieu vivant, son Créateur […] » (3).

Mgr Anikuzhikattil a également rappelé que la Cour suprême de l’Inde avait rejeté en 2006 une première proposition de légalisation de l’euthanasie (4). « J’espère et je prie pour que le bon sens inspire au gouvernement de ne pas accepter le projet », a déclaré l’évêque. De plus, l’Eglise reproche à la Commission des lois du Kerala de ne pas respecter les décisions de la Cour suprême, qui avait précédemment jugé, à plusieurs reprises, que l’euthanasie était un meurtre ou une tentative de suicide. En Inde, les tentatives de suicide sont punies par la loi.

V. R. Krishna Iyer, ancien juge à la Cour suprême de l’Inde (5), préside la Commission des lois de l’Etat du Kerala, laquelle compte 11 membres, dont deux anciens juges, deux membres du Parlement de l’Union et six juristes.

T.V. Ramakrishnan, ancien juge de la Haute Cour du Kerala et vice-président de la Commission des lois du Kerala, a déclaré à l’agence Ucanews que la commission avait achevé son travail en prenant en compte de nombreuses études de cas, avec l’aide de juristes et d’experts médicaux. « Si un patient souffre d’une insupportable douleur et n’a aucune chance de guérison, le maintenir en vie par une assistance artificielle est cruel. Il est préférable de l’autoriser à mourir en paix », a-t-il plaidé.

La Commission a également recommandé de ne pas sanctionner les personnes qui avaient fait une tentative de suicide. Si une personne tente de se suicider par désespoir, pour des raisons sociales, psychologiques ou économiques, et échoue dans cette tentative, emprisonner cette personne « n’est pas une façon d’exercer la justice », a déclaré le juge Ramakrishnan.

Sebastian Paul, député communiste du Parlement de l’Union et membre de la Commission des lois de l’Etat du Kerala, a affirmé que les recommandations du projet de loi étaient « en adéquation avec la société d’aujourd’hui ». « Les réformes en matière législative sont nécessaires pour construire une meilleure justice pour tous », a déclaré l’homme politique, ancien avocat et baptisé dans la religion catholique. Il a ajouté qu’« [ils s’étaient] donné beaucoup de mal pour considérer tous les aspects du problème », avant de proposer un projet de loi sur la légalisation de l’euthanasie, qui prévoit, précise l’ancien avocat, des mesures contre d’éventuelles dérives.