Eglises d'Asie

Les responsables religieux dénoncent le vote d’une loi autorisant la création de casinos à Taiwan

Publié le 25/03/2010




Le 12 janvier dernier, à Taipei, des responsables religieux bouddhistes, catholiques et protestants ainsi que les représentants d’une trentaine d’organisations civiques ont organisé un sit-in devant le Parlement. Ils manifestaient ainsi leur réprobation après le vote par les députés, le jour même, d’une loi autorisant la création de casinos à Taiwan.

La vénérable Chao Hwei, moniale bouddhiste et initiatrice de la manifestation du 12 janvier, a expliqué que son combat contre la légalisation des casinos dans l’île remontait à 1993. Depuis cette date, différents lobbies ont poussé à cette légalisation, en mettant notamment en avant que, la passion des Chinois pour les jeux d’argent étant bien connue, il était idiot pour le Trésor taïwanais de se priver de revenus substantiels en laissant les joueurs de Taiwan partir en-dehors du pays satisfaire à leur passion. La religieuse a fait valoir que de tels arguments, purement économiques, ne prenaient pas en compte les coûts cachés liés au développement de l’industrie du jeu, notamment ses coûts sociaux.

L’archevêque catholique de Taipei, Mgr John Hung Shan-chuan, a pris part à la manifestation du 12 janvier. « La cupidité, la paresse et le fait de s’en remettre à la chance ne sont pas des valeurs positives. L’Eglise, dans son enseignement, vise à ce que chacun distingue le bien du mal. Si les jeux d’argent sont présentés comme quelque chose de bon et sont légalisés, je ne vois vraiment pas ce que nous pourrons enseigner à l’avenir aux enfants », a souligné le président de la Conférence épiscopale régionale chinoise à Taiwan (1).

La loi votée le 12 janvier autorise la création de casinos dans les îles de Penghu, Kinmen et Matsu, trois groupes d’îles rattachés à Taiwan et situées pour certaines d’entres elles – Kinmen et Matsu – à un jet de pierre du continent chinois. Elle édicte aussi la provision selon laquelle l’érection d’un casino dans une de ces îles doit être précédée d’un référendum local recueillant au minimum 50 % de suffrages favorables.

La vénérable Chao, qui est professeur de religion à l’université bouddhique Husan Chuan, a déclaré que la disposition de la loi relative aux référendums locaux était non-constitutionnelle. En effet, les casinos seront ouverts à tous les Taïwanais et ce sont donc les 23 millions de Taïwanais qui doivent se prononcer par voie de référendum sur l’opportunité ou non d’ouvrir des casinos sur ces trois îles. De plus, a-t-elle fait valoir, à ce jour, seuls les Taïwanais les plus fortunés peuvent se permettre de partir jouer dans des casinos à l’étranger ; désormais, toutes les classes sociales auront un accès facilité à l’industrie du jeu et le coût social d’une telle évolution ne pourra qu’être négatif.

Enfin, parmi différents arguments contre l’installation de casinos à Penghu, Kinmen et Matsu, certains mettent en avant les flux financiers qui accompagnent l’industrie du jeu, des fonctionnaires corrompus du continent chinois ou de Taiwan pouvant y trouver des canaux propices au blanchiment des fonds douteux. Veut-on que Taiwan devienne « une région spéciale de la Chine (populaire) pour le recyclage des capitaux ? », interrogent certains, qui rappellent que l’essor fulgurant de l’industrie du jeu à Macao ces dernières années est menacé par une récente mesure de Pékin limitant les entrées dans l’ancienne colonie portugaise des ressortissants continentaux (2).

Les promoteurs de la manifestation du 12 janvier ont appelé à des marches de protestation pour le mois de mars prochain, peu avant la tenue du premier référendum local, qui doit avoir lieu à Penghu en avril. Le bien-être de tous les Taïwanais étant concerné, des débats doivent avoir lieu partout dans le pays. Ils expliquent qu’il n’est pas pensable d’interdire les jeux d’argent mais que « dans la perspective où le gouvernement légalise l’industrie du jeu, le nombre des personnes développant des comportements addictifs ira en augmentant et ce sera toute la société qui en pâtira ».