Eglises d'Asie – Indonésie
Papouasie occidentale : une association chrétienne dénonce la discrimination dont sont victimes les Papous
Publié le 25/03/2010
… qui a récemment eu lieu en Papouasie occidentale (1).
« Nous sommes convaincus que la façon dont a été réalisé ce recrutement pour la fonction publique a été extrêmement injuste, et pourrait déclencher des conflits sociaux », a déclaré à l’agence Ucanews le P. John Djonga, de la paroisse St-Mikail à Waris, un sous-district du Keerom, région frontalière avec la Papouasie-Nouvelle Guinée. Le prêtre catholique a expliqué que, parmi les 90 personnes qui ont passé le concours le 19 décembre dernier, 60 étaient originaires du district, mais qu’aucune de celles qui ont été finalement reçues (19 musulmans, 2 catholiques et 2 protestants) n’était d’origine papoue. Les résultats du concours, mené par le bureau provincial du ministère aux Affaires religieuses, ont été rendus publics fin décembre.
Dans la province de Papouasie occidentale, où les tensions ethno-religieuses sont endémiques, la « Loi d’autonomie spéciale », mise en place par Djakarta en 2001 dans le but d’enrayer les revendications séparatistes des populations autochtones papoues, n’a fait qu’exacerber le sentiment d’oppression des populations indigènes. La Loi d’autonomie spéciale affirme en effet l’identité papoue du territoire, accorde à sa population le contrôle de ses richesses naturelles (notamment une participation aux revenus de l’exploitation des ressources minières, atout majeur de la région), et garantit un accès égal à la santé et à l’éducation (2). Mais les rapports des Nations-Unies, de l’Union européenne et des ONG présentes sur le terrain sont accablants et soulignent tous que les populations aborigènes souffrent d’une très nette discrimination et dénoncent les violations des droits de l’homme commises à leur égard (3).
L’un des articles de la loi, comme le souligne le P. Donga, stipule que les Papous doivent bénéficier d’une priorité et d’une facilité d’accès aux emplois dans la province de Papouasie, dans tous les domaines et selon leurs compétences. « C’est simple, le gouvernement se doit d’appliquer la Loi », explique le prêtre, qui précise que la Loi d’autonomie spéciale exprime clairement, dans l’article 62, ces privilèges et droits de priorité des populations aborigènes.
Près de 74 % de la population de la Papouasie occidentale, l’une des provinces les plus pauvres d’Indonésie, est constituée de groupes tribaux (environ 250), vivant dans des zones isolées et souvent difficilement accessibles. La majorité de l’activité économique étant entre les mains des « migrants », venus des îles densément peuplées de la République indonésienne, la Loi d’autonomie spéciale devait permettre aux autochtones l’accès aux emplois et la participation active à l’économie de leur pays.
« Le ministère des Affaires religieuses doit recruter des personnes issues des six religions reconnues par le gouvernement central », ajoute le prêtre, qui dirige le doyenné du Keerom, dans le diocèse de Jayapura. Les six religions reconnues par le gouvernement sont l’islam, le protestantisme, le catholicisme, l’hindouisme, le bouddhisme et le confucianisme.
En Papouasie occidentale, la discrimination ethnique se double d’un clivage religieux, les populations indigènes étant dans leur grande majorité converties au christianisme (4). Les tensions interreligieuses entre autochtones chrétiens et « migrants », musulmans pour la plupart, se sont accrues ces dernières années du fait de la formation de groupes radicaux faisant craindre aux Papous une « islamisation » progressive de leur région.
A Djakarta, le 14 janvier, la délégation de Caring for People of Keerom a rencontré le secrétaire général du ministère aux Affaires religieuses, Bahrul Ayat. Le lendemain, elle a eu une entrevue avec Ali Hadiyanto, du ministère de la Fonction publique, et Stef Agus, directeur de la section ministérielle des Affaires religieuses supervisant la communauté catholique. Les délégués désiraient également rencontrer Muhammad Maftuh Basyuni, ministre des Affaires religieuses, mais cela fut impossible. « Nous sommes déçus », a déclaré le P. Djonga, ajoutant qu’ils étaient venus « d’une région très éloignée » pour rencontrer des responsables qui n’avaient pas l’air de « vouloir comprendre les besoins et la situation des populations autochtones ».
En plus de leur déclaration rejetant les résultats du concours, les représentants de Caring for People of Keerom ont remis aux membres du gouvernement des rapports sur la situation politique du district, le statut d’autonomie spéciale de la province et les procédures de recrutement dans la fonction publique.
Il y est souligné que les résultats de ce concours pourraient provoquer une grave contestation parmi les peuples aborigènes, étant donné que la plupart de ceux qui l’ont réussi avaient le statut de « résidents » de la province de Papouasie, bien qu’ils soient originaires d’autres provinces. De même, la façon dont a été mené le concours ne correspondait pas davantage au statut d’émancipation des Papous promis par la Loi d’autonomie spéciale et « ne [tenait] aucun compte de l’appartenance religieuse des autochtones de Papouasie, plus particulièrement dans le Keerom ».
Craignant que des troubles graves n’éclatent dans la région du Keerom, comme cela s’est déjà produit par le passé, la délégation a demandé au ministère des Affaires religieuses que « les résultats du concours soient annulés » et que le processus de recrutement soit redéfini.