Eglises d'Asie

Selon l’archevêque de Cagayan de Oro, la nature n’est pas seule responsable des récentes inondations meurtrières

Publié le 25/03/2010




Ces deux dernières semaines, les fortes pluies qui ont touché les Philippines selon un axe nord-sud (1), ont provoqué dans l’est de l’archipel, et principalement sur l’île de Mindanao, de graves inondations et des glissements de terrains qui ont englouti des villages entiers, faisant plus d’une vingtaine de morts et une quinzaine de disparus, selon les services de secours locaux.

Merlyn Rodriguez, dont la maison d’un village côtier du nord de l’île de Mindanao a été emportée par une montée des eaux atteignant trois mètres de haut, a raconté à l’agence Ucanews (2) comment la nuit du 14 janvier, les équipes de secours sont venus évacuer son village : « J’étais bouleversée ; je voulais rester et accepter le destin. » Merlyn est l’une des 83 122 victimes recensées par le conseil régional des désastres naturels, à la suite des inondations soudaines qui ont touché Cagayan de Oro, chef-lieu de la province du Misamis Oriental, la région la plus touchée de l’archipel.

Après des pluies incessantes, des torrents d’eau ont emporté 16 villages le long de la rivière Cagayan le 3 janvier dernier. Puis, le 11 janvier, ce sont 36 villages qui ont été envahis par les eaux de la rivière Iponan, à l’ouest de la cité. La rivière Cagayan a débordé de nouveau dans la nuit du 13 janvier et, deux jours plus tard, de très fortes vagues dans la baie de Macajalar ont frappé la côte le 15 janvier, inondant 46 villages. Selon le PAGASA, service de météorologie et d’observation géophysique des Philippines (3), ces pluies incessantes sont la conséquence d’un front froid qui se serait formé en « traîne » (4).

Le responsable de l’aide sociale pour la province, estime que 36 506 personnes ont dû fuir leurs maisons dans les régions qui entourent le Misamis Oriental. Les rivières en crue ont également submergé en partie Iligan City et quelques villes du Lanao del Norte, province à l’ouest du Misamis Oriental. Pour l’ensemble de l’archipel, plus de 300 000 personnes ont dû évacuer leurs habitations (5). L’action conjuguée des crues et des vagues venues de la mer ont provoqué d’importants dégâts aussi bien sur les infrastructures que dans les cultures, dégâts estimés par le conseil régional des désastres naturels à plus de 100 millions de pesos (1,62 million d’euros).

Mgr Antonio Javellana Ledesma, archevêque catholique de Cagayan de Oro, s’est adressé à la population le 14 janvier. Dans une allocution diffusée à la télévision locale et sur les chaînes de radio, il a fait l’éloge des paroisses qui ont ouvert les bâtiments d’Eglise aux évacués et ont distribué des biens de première nécessité ; il a aussi remercié les particuliers, entreprises et organismes divers qui ont fait des dons à l’archevêché et aux paroisses touchées.

Au-delà de la « solidarité » avec les victimes, a déclaré le prélat, les gens ont le droit de savoir pourquoi ce désastre a eu lieu. « N’oublions pas les véritables causes de cette catastrophe : l’exploitation forestière intensive dans les villages des montagnes, autour de la ville et dans les régions avoisinantes. » Il a accusé également « les opérations minières qui nécessitent d’importants flux hydrauliques et qui ont modifié le régime hydrologique de la rivière Iponan ». Mgr Ledesma a conclu en disant que la population devait reconsidérer ce qu’elle avait fait subir à son environnement.

Dans une interview à Ucanews, Mgr Felixberto Calang, évêque de l’Eglise indépendante des Philippines (6), a également demandé aux autorités de Cagayan de Oro de revoir leur politique foncière autour de la ville, dans les espaces où les banlieues ne cessent de s’étendre. Transformer les exploitations agricoles en zones urbanisées affecte les sols et le couvert végétal, et « cela peut avoir des conséquences terribles sur l’environnement », a-t-il souligné. Il a appelé à soutenir par des dons alimentaires les victimes des inondations hébergées dans les bâtiments de son Eglise.

Le 14 janvier, le maire de Cagayan de Oro, Constantino Jaraula, a déclaré à Ucanews qu’il n’avait plus que quatre jours de nourriture pour les victimes des inondations, lesquelles avaient également besoin de nattes et de couvertures. Il a pris la décision de suspendre l’exploitation minière dans les villages de montagnes proches de la ville. Les autres autorités de la ville ont mis en cause l’exploitation forestière autour des villages limitrophes et des villes, dans toute la région comprise entre Cagayan de Oro et la province de Lanao del Sur.

Après avoir trouvé refuge dans un camp pour évacués, Adelfa Quirante explique qu’elle n’est pas pressée de retourner dans sa maison à Opol, ville du Misamis Oriental : « Je préfère de loin dormir sur ce sol froid que d’être dans ma maison, parce qu’à tout moment, nous pourrions être emportés par une inondation. »