Eglises d'Asie

Assam : des pèlerins catholiques attaqués par une foule hindoue sur l’île de Majuli

Publié le 25/03/2010




Le 24 janvier dernier, sur l’île de Majuli, dans l’Etat de l’Assam, dans le nord-est de l’Inde (1), des groupes d’extrémistes hindous ont agressé environ 500 catholiques aborigènes qui revenaient de l’ordination du premier prêtre issu de l’ethnie Mishing, le P. Hemanto Pegu (2). Les fidèles étaient venus de plusieurs paroisses en dehors de l’île afin d’assister à la célébration…

… et s’en retournaient en passant par la ville de Kamalabari.

Le P. William Horo, chargé de communication pour le diocèse de Dibrugarh, dont dépend la région de Majuli, a condamné, dans une déclaration du 2 février, « l’attaque brutale » qui marque « une rupture dans une coexistence jusque-là harmonieuse » entre les différentes ethnies de l’Assam. Il rapporte également les faits concernant l’agression.

En début d’après-midi, la cérémonie terminée, un premier groupe de prêtres et de religieux traversait la ville de Kamalabari en jeep afin de rejoindre le bac qui franchit le fleuve Brahmapoutre sur lequel se trouve l’île, lorsqu’il a été arrêté de force par un groupe d’hommes et de femmes qui les ont insultés et menacés : « Vous les missionnaires, pourquoi venez-vous convertir les aborigènes ? Ne revenez jamais ici, sinon nous vous couperons en morceaux que nous jetterons dans le Brahmapoutre ! » (3). Un peu plus tard, deux prêtres sont arrivés dans la ville en voiture, suivis de deux cars et d’un camion transportant des centaines de fidèles. La foule, qui avait grossi jusqu’à atteindre environ 500 personnes, leur a barré la route, fait sortir de force de leurs véhicules et frappés violemment à coups de pieds et coup de poings. « Voilà les missionnaires », ont-ils dit, « tuons ces chiens ! ». L’un de ces prêtres, le P. Caesar Henry, curé de l’église St Anthony à Mariani, située dans la partie continentale du diocèse de Dibrugarh auquel appartient la mission de Majuli, témoigne : « Ils ont roué les hommes de coups et les ont traités comme des chiens (…). Ils les ont insultés [en leur disant] : ‘Vous n’êtes que des cueilleurs de thé, des coolies qui travaillent pour seulement 2 roupies, vous êtes des chiens. Ici c’est le pays des hindous et vous, les mangeurs de viande, n’avez aucun droit de venir ici !’ Les enfants avaient peur et criaient. » Ils ont également attaqué deux autres prêtres qui arrivaient en motocyclette et menacé de mort les fidèles s’ils s’avisaient de revenir dans l’île.

Les agresseurs ont couvert d’insultes les femmes et les religieuses qui tentaient de venir en aide aux prêtres. La foule a ensuite ordonné à tous les voyageurs de descendre des véhicules et de se rendre pieds nus jusqu’au départ du bac, à cinq kilomètres de là, sous les menaces et les jets de pierre, lesquels ont blessé plusieurs étudiants. Le P. Horo souligne que la violence des faits a fortement marqué les pèlerins, surtout les femmes et les enfants qui, près de deux semaines plus tard, sont encore profondément traumatisés par les événements.

L’agence Ucanews (4) rapporte que le 2 février, Mgr Jospeh Aind, évêque de Dibrugarh, a dénoncé vigoureusement cette atteinte aux droits de l’homme et a répercuté les propos du P. Caesar Henry qui déplorait le fait que l’agression avait eu pour résultat de diviser les chrétiens et les hindous de Majuli, qui avaient jusqu’ici vécu en bonne intelligence sur l’île (5). L’agression « a profondément blessé les sentiments de l’ethnie Mishing, en ne respectant pas leur appartenance religieuse ».

Mgr Thomas Menamparampil, archevêque de Guwahati, le principal diocèse de l’Eglise catholique en Assam, a, pour sa part, appelé au dialogue entre Assaméens et communautés Mishing, afin de ne pas envenimer davantage la situation. Mgr Aind a également rejeté fermement l’allégation selon laquelle les catholiques auraient une démarche prosélyte envers les aborigènes de Majuli (6).

Selon Allen Brookes, l’un des responsables laïcs catholiques de l’Assam, les agresseurs étaient les membres d’une secte locale hindouiste et ne sont pas représentatifs de l’ensemble de la communauté hindoue de l’île. Il rappelle que Majuli sert de base à des groupes séparatistes qui s’indignent du fait que l’Eglise dirige de nombreuses écoles et mène des projets de développement sur l’île (7).