Eglises d'Asie – Japon
Le réalisateur Martin Scorsese travaille à une adaptation cinématographique de Silence, l’une des oeuvres majeures du romancier Shusaku Endo
Publié le 25/03/2010
Il est prévu que le tournage débute au mois d’août prochain en Nouvelle-Zélande, mais il n’a pas encore été décidé si le film, dont la sortie est prévue aux Etats-Unis en 2010, sera distribué au Japon, précise le quotidien japonais. C’est la première fois qu’un réalisateur étranger se saisit du thème de la persécution déclenchée contre les convertis japonais au catholicisme.
Selon le Christian Today, quotidien londonien, du 14 février, Martin Scorsese a récemment visité le Musée d’histoire et de culture de Nagasaki, où, en compagnie de son directeur artistique Dante Ferretti et de son producteur E. Bennett, il s’est notamment intéressé aux fumie. Les fumie (de fumi ‘marcher sur’ et de e, ‘image’) sont ces plaques de pierre, de métal ou de bois gravées, représentant le Christ en croix ou la Vierge Marie, que les personnes soupçonnées d’appartenir au catholicisme devaient piétiner afin de prouver qu’elles n’étaient pas des adeptes de la religion chrétienne. Introduit au Japon en 1549 par saint François Xavier, le catholicisme a connu une persécution particulièrement terrible à partir de 1587 avec un premier édit d’expulsion des missionnaires et, en 1614, l’interdiction du christianisme. Les martyrs catholiques japonais se comptèrent par dizaines de milliers (1).
Le supérieur régional des jésuites, Christoforo Ferreira, un Portugais, fut ainsi arrêté en 1634. Sous la torture, il abjura et, peu après, adopta le nom japonais de Sawano pour se retrouver officiellement sous les ordres du gouverneur de Nagasaki. Sous le nom de Chûan, il lui servit d’interprète et d’informateur. A la fin de sa vie, il s’amenda, réintégra la Société de Jésus et mourut martyr vers 1653. Dans Silence, il est ce missionnaire portugais qui devint apostat mais uniquement aux yeux des autres, gardant en lui, dans le secret de sa conscience, toute sa foi chrétienne. Ils furent des milliers de chrétiens à avoir été ainsi sauvagement torturés, mais gardant dans le fond de leur cœur leur foi chrétienne, confiant en la miséricorde de Dieu. Ce sont eux qui sont connus sous le nom des « chrétiens cachés ».
Né en 1923, mort en 1996, Shusaku Endo a été sans conteste le plus grand écrivain catholique du Japon. Baptisé à l’âge de 12 ans sous l’influence de sa mère, il n’avait jamais cessé, au fil de ses livres, de questionner sa foi catholique. Au Japon, le rayonnement de son œuvre dépasse de loin la seule communauté chrétienne. Par ses interrogations (la foi chrétienne peut-elle prendre racine en terre japonaise ?), par son approche de Dieu, par sa découverte d’un Christ pauvre et démuni, il fut, à sa manière et selon les termes du cardinal Shirayanagi, archevêque de Tokyo, « le meilleur missionnaire du christianisme que le Japon ait jamais eu » (2).
Avec une population de 130 millions de personnes, le Japon compte environ 1 % de chrétiens – dont 450 000 catholiques japonais. Le 24 novembre dernier, 188 martyrs japonais, victimes de ces persécutions du XVIIème siècle, ont été canonisés à Nagasaki (3).