Eglises d'Asie

Le succès d’une campagne municipale pour la stérilisation masculine inquiète l’Eglise catholique

Publié le 25/03/2010




A Tagum, ville de l’île de Mindanao, dans le sud philippin, un programme de stérilisation de la population masculine, lancé en 2001, attire de plus en plus de candidats en proposant 500 pesos (environ 8 euros) pour chaque vasectomie ; un apport non négligeable pour une population déjà pauvre et encore plus fragilisée par la crise. Rosalio Bantuyan, interrogé par l’agence Ucanews, …

… père de six enfants et dont la femme est enceinte du 7e, a subi l’opération. Il est catholique et sait que ce procédé de « planification des naissances » n’est pas accepté par l’Eglise, mais ce conducteur de cyclo-pousse explique qu’il compte acheter avec cet argent plusieurs kilos de riz pour nourrir sa famille, la vie devenant de plus en plus difficile.

Le diocèse de Tagum, qui compte 70 % de catholiques sur 1,5 million d’habitants, est très mobilisé sur ces questions. Suivant l’enseignement de l’Eglise, il promeut « la régulation naturelle des naissances ». Nida Recomba fait partie des catholiques actifs dans ce domaine ; elle explique que les fonctionnaires du gouvernement chargés du planning familial vont jusqu’à tenir des réunions au sein des Communautés ecclésiales de base (Basic Ecclesial Communities) (1) afin de convaincre les catholiques de choisir la vasectomie. Elle rapporte qu’alors qu’elle présentait à la paroisse du Christ-Roi, la méthode Billings (2), une méthode de régulation des naissances approuvée par l’Eglise, « un des participants qui travaille pour le centre de santé financé par la ville, a commencé sa propre conférence dès la fin de [son] intervention ».

Coordinatrice de l’« Apostolat pour la vie et la famille » dans la même paroisse, Gudelia Lorenzana sait que c’est l’argent fourni par le gouvernement pour chaque vasectomie qui décide les couples catholiques à se tourner vers cette solution définitive. Pourtant, « nous expliquons aux couples les avantages et désavantages à ne pas utiliser une méthode de planification familiale qui comporte une contrepartie offerte par le gouvernement », dit-elle. Une enquête de 2008, réalisée sur la paroisse, indique que 531 couples déclarent utiliser des méthodes de régulation naturelle et 353 couples déclarent recourir à des moyens contraceptifs.

De son côté, le Bureau de la Santé de la ville de Tagum a enregistré 15 449 couples ayant utilisé des méthodes contraceptives en 2007 tandis que 6 880 déclaraient utiliser des méthodes de régulation des naissances préconisées par l’Eglise (3). Quant aux stérilisations, elles sont en augmentation : 644 hommes en 2007 pour 549 l’an passé.

Pour Nida Parcon, catholique, infirmière dans le secteur public et chargée des programmes de planification familiale de la ville, ces chiffres montrent les « retombées positives » du travail municipal dans l’éducation des couples aux méthodes contraceptives. Elle refuse de considérer que les hommes seraient « achetés » par une somme d’argent en échange de l’intervention. « La municipalité veut juste compenser la perte de revenus pour le patient due aux jours de repos à prendre après l’opération. » Elle insiste sur le fait que le gouvernement local « n’interfère jamais » et n’est pas « en opposition » avec les propositions familiales de l’Eglise. « Nous donnons aux couples toutes les informations concernant les méthodes de contraception et c’est à eux de choisir laquelle de ces méthodes leur convient. Il est de la responsabilité du gouvernement d’aider les familles à résoudre les problèmes engendrés par l’accroissement de la population », conclut-elle.

A plusieurs reprises, l’Eglise des Philippines a lancé des mises en garde à propos d’arrêtés municipaux promouvant « la santé reproductive », comme en février 2008 pour Quezon City, à Manille (4). Par ailleurs, elle s’est largement mobilisée contre un projet de loi, toujours à l’étude, applicable sur l’ensemble du pays et qui rendra obligatoire le financement public de tous les moyens de contraception (5).