Eglises d'Asie – Indonésie
Des religieux musulmans proposent que leurs fidèles adaptent les règles islamiques pour s’intégrer à un environnement où l’islam est minoritaire
Publié le 25/03/2010
… à Djakarta, de la Conférence internationale des experts sur l’islam (ICIS – International Conference of Islamic Scholars).
L’ICIS, dont la première assemblée a eu lieu à Djakarta en 2004 sous les auspices de la Nahdlatul Ulama, s’est donné pour objet de renforcer la position de l’Indonésie comme « pays démocratique possédant la plus importante population musulmane modérée au monde » ; elle milite pour l’image d’un islam « tolérant, modéré et prônant la paix ». Les 18 et 19 février derniers, l’ICIS tenait sa quatrième réunion nationale en Indonésie sur le thème de l’« Edification d’une communauté musulmane modérée dans le contexte de l’intégration nationale ».
C’est à cette occasion qu’une trentaine de responsables religieux et d’intellectuels musulmans de Bali, des Moluques, des provinces de Célèbes-Nord, du Timor occidental et de Papouasie occidentale ont plaidé pour la promotion d’un islam compris comme Rahmatan lil’ Alamin (‘bénédiction pour le monde’) et l’implication des responsables religieux musulmans dans la paix et la prévention des conflits ; pour cela, ont-ils fait valoir, il est nécessaire de définir les relations de la communauté musulmane avec les non-musulmans, que ce soit au plan des relations avec les personnes, les groupes ou la nation.
A titre d’exemple, Abdul Kadir Makarim, de la province majoritairement catholique de Timor occidental (Nusa Tenggara Timur) (1), a dit regretter que les musulmans de sa province ne puissent prendre part aux célébrations de Noël. En effet, en 1981, le Conseil des oulémas indonésiens (MUI) a prononcé un édit religieux interdisant à tout musulman en Indonésie de participer à des célébrations organisées par des religions autres que l’islam.
Pour dépasser de telles situations, la trentaine de religieux et intellectuels musulmans a appelé le MUI à adapter la jurisprudence islamique pour les musulmans qui vivent dans des régions où ils se trouvent être minoritaires – ce qui est le cas des provinces d’où viennent ces trente religieux et intellectuels. Concrètement, ils souhaitent que le MUI édicte un fiqh, du mot arabe signifiant ‘comprendre’ et qui désigne la jurisprudence islamique relative aux avis juridiques pris par les docteurs de l’islam sur les limites à ne pas dépasser par les musulmans.
Ce fiqh, ont-ils poursuivi, pourrait s’appuyer sur un concept « des relations que les musulmans et les non-musulmans peuvent entretenir dans une société ou une nation où les musulmans forment de petits groupes », ces relations passant par un engagement des musulmans dans la vie politique, économique et sociale locale. « Les musulmans, où qu’ils vivent, doivent témoigner de l’affection, de la tolérance et avoir l’amour de la paix et de l’unité », ont-ils déclaré.
Pour cette trentaine de religieux et d’intellectuels musulmans, de tels avis juridiques manquent aujourd’hui car les religieux musulmans qui sont en position de prendre de tels édits vivent, pour la quasi-totalité d’entre eux, dans des environnements très majoritairement islamiques. Ils ont donc par conséquent rarement pris en compte les situations où les musulmans se trouvent vivre en minorité, au sein d’un environnement majoritairement non musulman.
L’enjeu est pourtant de taille, ont-ils souligné. Il s’agit pour les musulmans qui vivent dans un environnement non islamisé de maintenir de bonnes relations sociales avec leurs voisins, d’éviter les conflits avec les non-musulmans, d’interagir de manière positive avec leur entourage, sans pour autant diluer l’identité culturelle et religieuse qui leur est propre. « Il est à espérer que tout musulman sera à même de faire la distinction entre l’aqidah (la profession de foi musulmane) et les relations sociales, de manière à adapter son comportement sans sacrifier sa foi », ont-ils encore déclaré.
Yunahar Ilyas, porte-parole de l’ICIS, a pour sa part expliqué que le fiqh pour des musulmans vivant en contexte minoritaire pourrait prendre la forme d’un édit religieux précisant tel ou tel point de ce qui est licite (halal) pour l’alimentation.