Eglises d'Asie

La campagne pour les élections législatives étant officiellement ouverte, les responsables des communautés chrétiennes appellent les partis politiques à s’engager pour la justice

Publié le 25/03/2010




Le 2 mars dernier, N. Gopalaswami, chef de la Commission électorale indienne, a officiellement annoncé que les opérations électorales, gigantesque processus dans un pays où le corps électoral compte 714 millions de personnes, débuteront le 16 avril prochain pour être closes le 13 mai. Le décompte des résultats est fixé au 16 mai et le nouveau gouvernement…

… qui sortira du Parlement sera normalement en place vers la mi-juin. Quelques heures avant cette annonce officielle, les responsables des Eglises catholique et protestantes du pays ont tenu une conférence de presse à New Delhi pour annoncer qu’ils avaient rédigé un mémorandum destiné à être communiqué aux chefs de tous les partis politiques en présence. « Tous les partis politiques doivent placer la sécurité des minorités religieuses, et particulièrement celle des communautés chrétiennes, en tête de leurs plateformes électorales respectives », peut-on lire dans ce document.

Réunis à la résidence de l’archevêque catholique de New Delhi, Mgr Vincent Concessao, les responsables chrétiens ont replacé leur démarche dans le contexte de ces derniers mois, marqués par les violences antichrétiennes en Orissa et dans plusieurs autres Etats de l’Union. Ainsi, ils ont appelé les leaders politiques indiens à s’engager à traduire en justice « les coupables de ces actes criminels ». Durant le dernier tiers de l’année 2008, les violences antichrétiennes en Orissa ont provoqué la mort de plus de 80 personnes et le déplacement de 50 000 chrétiens (1).

Les responsables chrétiens ont rappelé que les organisateurs des violences en Orissa n’avaient à ce jour toujours pas été arrêtés. Mgr Concessao a très nettement dénoncé « les campagnes de haine » menées dans plusieurs régions du pays contre les chrétiens et les musulmans pour mobiliser l’électorat hindou autour des mots d’ordre des partis politiques hindouistes. L’archevêque de Delhi souhaite que tous les partis politiques, sans exception, s’engagent à dénoncer tout acte de violence perpétré à l’encontre des minorités religieuses, tout spécialement les musulmans et les chrétiens.

« Il est vrai que nous sommes peu nombreux, mais nous participons à la construction de la nation par notre présence dans les secteurs de l’éducation, de la santé et du travail social ; nous sommes aussi la voix de ceux qui sont opprimés et marginalisés », peut-on lire dans le mémorandum. Les responsables chrétiens y réaffirment également « leur confiance dans le processus démocratique », ainsi que dans les principes de pluralisme et de laïcité (secular) tels qu’ils sont inscrits dans la Constitution de 1950.

Par ailleurs, le mémorandum remet sur le devant de la scène une revendication récurrente des chrétiens, à savoir la mise en place de programmes visant à favoriser le développement économique des chrétiens. Il est ainsi rappelé que les chrétiens dont les origines personnelles les rattachent aux basses castes et aux hors-castes n’ont pas accès aux mesures de discrimination positive mises en place pour aider à la promotion sociale des basses castes et des hors-castes, au motif que le système des castes n’a pas cours dans la religion chrétienne.

L’évêque auxiliaire de Delhi, Mgr Franco Mulakkai, a précisé qu’une délégation œcuménique allait être constituée et qu’elle recevra pour mission de présenter ce mémorandum à tous les chefs des partis politiques du pays.

Dans un contexte de crise économique, l’issue de ce scrutin électoral est incertaine. La coalition sortante, au pouvoir depuis cinq ans et menée par le Parti du Congrès de Sonia Gandhi, fait face à la très sérieuse concurrence du Bharatiya Janata Party (BJP, Parti du peuple indien), vitrine politique du mouvement hindouiste. Il est toutefois très improbable que l’un ou l’autre parti puisse former à lui seul une majorité ; au sein d’un Parlement de 543 députés, les alliances avec d’autres formations seront inévitables. De plus, selon les experts de la carte électorale indienne, le récent redécoupage des circonscriptions électorales va renforcer une tendance déjà à l’œuvre depuis plusieurs années, à savoir le renforcement des partis politiques régionaux ou fondés sur une appartenance de caste. L’un des enjeux du scrutin est le glissement induit par une plus grande représentation des dalits (les ex-intouchables) et des aborigènes sur la scène politique.

Si aucune des deux grandes formations n’émerge du scrutin en position suffisamment forte pour rassembler une coalition autour d’elle, les analystes indiens évoquent la perspective d’un « troisième front » (‘third front’), à savoir la formation d’une coalition, plus ou moins lâche, d’un grand nombre de petits partis politiques.

Quoi qu’il en soit, avant même l’issue du scrutin, l’organisation matérielle de celui-ci est un défi logistique et sécuritaire de taille : 714 millions d’électeurs potentiels – dont, reflet de la jeunesse de la population indienne, 43 millions voteront pour la première fois –, 2,1 millions de policiers et de gardes nationaux déployés pour assurer la sécurité de 828 000 bureaux de vote. Dans un souci d’efficacité et de sécurité, les opérations électorales se dérouleront en cinq phases successives, un processus nécessaire pour respecter les différents jours chômés, les fêtes religieuses, la saison des semailles, de la mousson et des examens scolaires.