Eglises d'Asie

A la veille du procès en appel, les autorités ont retiré sa licence au cabinet de l’avocat défenseur des huit catholiques de Thai Ha

Publié le 25/03/2010




A l’approche du procès en appel des huit catholiques de la paroisse de Tahi Ha, une série de mesures policières avaient empêché Me Lê Trân Luât, leur avocat principal, d’assurer la préparation de l’audience en appel de ses clients, qui devait se tenir à Hanoi le vendredi 27 mars (1). Une décision des services judiciaires le 25 mars a compromis quant à elle définitivement sa participation au procès.

Les agents de la Sécurité de l’arrondissement de Go Vâp ont en effet fait parvenir au cabinet d’avocats « Phap Quyên », dirigé par Me Luât, à Saigon, un avis de sanctions pour infractions administratives qui auraient été commises par le cabinet. Ces sanctions, prises à la suite d’une enquête des services judiciaires de Ninh Thuân qui avait eu lieu la veille dans le cabinet, prévoyaient une amende de quatre millions de dôngs, et surtout, retiraient au cabinet sa licence professionnelle « pour une durée illimitée » (2)

La veille dans la matinée, un groupe d’inspection des Services judiciaires de la province de Ninh Thuân, où est inscrit l’avocat, s’était rendu dans les locaux de son cabinet de Saigon. Le groupe avait relevé deux infractions qui auraient été commises. Un premier procès-verbal faisait grief au cabinet de Saigon d’avoir fermé une de ses annexes dans la province de Long An sans en avertir les autorités judiciaires de Ninh Thuân. La seconde infraction reprochée concernait, elle aussi, une annexe confiée à une personne qui n’était pas l’avocat chargé de la gestion. Me Luât a fourni sur le champ des explications aux faits qui lui étaient reprochés et a démontré que, dans les deux cas, il n’y avait pas eu d’infraction. La portée de cette mesure, prise deux jours avant le procès, n’est toujours pas éclairée d’aucune déclaration officielle. Me Luât, dans une lettre émouvante qu’il a envoyée le 25 mars à ses clients de Thai Ha, a déclaré ignorer s’il pourra être présent à Hanoi le jour du procès.

De précédentes initiatives de la police de l’arrondissement du cabinet Phap Quyên de Saigon avait déjà empêché l’avocat d’être présent auprès de ses clients lors de leur convocation au tribunal le 13 mars dernier, où ils devaient connaître la date du procès en appel. Le jour dit, les huit accusés étaient accompagnés de la secrétaire de leur avocat Me Luât, ce dernier ayant été convoqué ce même jour par les responsables du barreau de la province de Ninh Thuân où il est inscrit, pour affaires le concernant. La veille, le journal de la Sécurité de Saigon, Công An Thanh Phô Hô Chi Minh, avait publié un article très malveillant à l’égard des activités du cabinet de l’avocat et en particulier de sa secrétaire, Mme Ta Phong Tân. Le jour même, celle-ci avait répondu point par point aux accusations de l’organe de la police, sur le blog qu’elle tient avec régularité depuis un certain temps.

Un nombre assez important de paroissiens de Thai Ha avait escorté jusqu’au tribunal les accusés, qui y avaient appris que la date du procès en appel aurait lieu à 8 heures du matin, le vendredi 27 mars, au siège secondaire du tribunal populaire de Hanoi, 2 rue Nguyên Trai, Hà Dông. Cette date avait déjà été annoncée comme probable à l’avocat venu, sans succès, consulter le dossier du procès à Hanoi. À une question posée par le greffier du tribunal, chacun des accusés avait répondu qu’il désirait être défendu par Me Lê Trân Luât.

Dans les jours qui ont suivi, le tribunal de seconde instance à Hanoi, s’est livré à d’étranges manœuvres auprès des huit catholiques devant comparaître en appel. Le samedi 20 mars dernier, deux cadres du tribunal sont venus trouver les huit accusés séparément. Ils leur ont demandé ce qu’ils feraient dans le cas où leur avocat, Me Lê Trân Luât, ne pourrait être présent au procès, ajoutant qu’ayant encore deux autres avocats, ils n’avaient véritablement pas besoin du premier. N’ayant pu convaincre leurs interlocuteurs, les deux cadres se sont retirés en leur donnant rendez-vous le lundi 23 mars, au tribunal populaire, pour y discuter du choix de leur avocat. Ce jour-là, cinq des accusés se sont présentés au tribunal et ont confirmé leur volonté d’être défendu par Me Luât. La veille de ce rendez-vous, ils avaient envoyé au tribunal populaire une lettre de protestation, lui demandant de garantir leurs droits à être défendus, et invitant les pouvoirs publics à faciliter les déplacements de Me Lê Trân Luât vers Hanoi. Entre autres choses, ils faisaient remarquer que, le tribunal lui-même, le 29 janvier dernier, avait délivré à l’avocat un certificat reconnaissant sa qualité de défenseur des accusés du procès qui devait avoir lieu le 27 mars. Le droit de l’accusé à choisir son défenseur est prévu par l’article 132 de la Constitution de 1992.

La paroisse de Thai Ha, très préoccupée par l’issue incertaine du procès en appel et par le sort de Me Luât, avait fait célébrer le samedi 21 mars, une messe par les prêtres rédemptoristes de la paroisse aux intentions des huit accusés et de leurs avocats. La célébration, qui avait été suivie d’une veillée de prière aux flambeaux, avait attiré plus de 2 000 participants, venant principalement du diocèse de Hanoi.