Eglises d'Asie

A l’approche des élections législatives, les partis islamiques, pourtant divisés et minoritaires, pourraient jouer un rôle-pivot dans les alliances à venir

Publié le 25/03/2010




Selon différents observateurs et centres d’études politiques indonésiens, les partis islamiques, lors des élections législatives du 9 avril prochain, pourraient bien ne pas rencontrer la plus large faveur des électeurs mais leur relativement faible popularité ne doit pas cacher qu’ils seront sans doute en position de pivot lors des alliances qui ne vont pas manquer d’être nouées…

… en vue des élections présidentielles du mois de juillet 2009.

Une étude du Centre for Strategic and International Studies (CSIS) (1), publiée au début du mois de mars et dont le Jakarta Post a rendu compte dans son édition du 16 mars dernier, indique que les intentions de vote pour les candidats affiliés aux partis considérés comme islamiques oscillent entre 2,91 % et 4,15 %, soit des pourcentages en baisse par rapport aux précédentes élections de 2004. Les partis tels que le PPP (Parti du développement uni), le PKS (Parti de la justice et de la prospérité) ou bien encore le PAN (Parti du mandat national) feraient donc nettement moins bien que les trois principaux partis politiques indonésiens – le Parti démocrate, le Parti démocratique indonésien de lutte (PDI-P) et le Golkar –, qui, tous trois, défendent des programmes qualifiés de « laïques et nationalistes » (2).

Une disposition nouvelle de la loi électorale, absente lors du scrutin présidentiel de 2004, risque toutefois de changer la donne, explique Sunny Tanudwidjaja, chercheur au CSIS. « Lors des élections législatives, les partis islamiques devront se contenter d’un rôle de second plan. Toutefois, lors des présidentielles, ils seront amenés à assumer un rôle tout à fait significatif », explique le chercheur.

En effet, la loi électorale stipule désormais que pour être candidat à la présidentielle, un homme politique devra être soutenu par un parti – ou une coalition de partis – réunissant au moins 25 % des suffrages exprimés lors des élections législatives. Cette disposition a déjà pour conséquence de multiplier, dans le paysage politique local, les scénarios d’alliance les plus divers. Si les trois grands partis ont désigné leur candidat à la présidentielle (Susilo Bambang Yudhoyono, président sortant, pour le Parti démocrate, Megawati Sukarnoputri pour le PDI-P, et Jusuf Kalla, vice-président sortant, pour le Golkar), aucun n’est certain de parvenir à dépasser à lui tout seul le seuil des 25 % et, par conséquent, tous trois cherchent de possibles alliés.

« Dans la situation présente, la place des partis islamiques prend tout à coup un relief particulier », souligne encore Sunny Tanudwidjaja, en rappelant qu’en 1999, Abdurrahman Wahid n’avait réussi à l’emporter sur Megawati Sukarnoputri que grâce à l’aide d’une coalition de partis islamiques, peu désireux de voir une femme membre d’un parti « laïque » à la tête de l’Etat.

Pour Yudi Latif, président du Centre d’études islamiques de l’Université Paramadina, les grandes manœuvres ont commencé. A titre d’exemple, il cite la rencontre, qui a eu lieu il y a quelques jours et dont rien n’a filtré, entre Suryadarma Ali et Jusuf Kalla ; l’un préside le plus ancien parti islamique du pays, le PPP, et l’autre a relevé l’héritage du Golkar, parti de l’ancien président Suharto. Leur alliance réunirait deux des trois partis politiques fabriqués jadis de toutes pièces par Suharto… De plus, sur une scène politique où les programmes comptent moins que la popularité des principaux leaders politiques, Jusuf Kalla et Megawati Sukarnoputri chercheraient à s’allier pour faire barrage au très populaire Susilo Bambang Yudhoyono (3).

Parmi les partis islamiques, le plus organisé est le PKS, qui, depuis quelque temps, met moins l’accent sur la composante islamiste de son programme pour insister davantage sur la lutte contre la corruption. S’appuyant sur un patient travail de terrain (porte-à-porte et travail social), il insiste sur le préalable à tout renouveau de la politique en Indonésie : l’éradication de la corruption. Il rejoint sur ce plan le Parti démocrate et le président Susilo Bambang Yudhoyono, qui mènent largement campagne sur ce thème. Récemment, Tifatul Sembiring, président du PKS, a déclaré que, s’il était prêt à coopérer avec n’importe lequel des grands partis politiques du pays, son organisation travaillerait plus volontiers avec le parti du président sortant. « Nous estimons que les obstacles [à une éventuelle coopération] sont moins nombreux avec le Parti démocrate », a-t-il déclaré.

Un autre scénario possible serait de voir l’ensemble des partis islamiques se coaliser pour former un bloc capable de réunir les fatidiques 25 % de suffrages nécessaires à la désignation d’un candidat à la présidentielle. Mais, selon Yudi Latif, une telle perspective paraît très hypothétique. « Parce que tous ces partis entretiennent des visions très différentes de l’islam, il est difficile de les imaginer se coaliser. Leurs électorats respectifs préféreront porter leurs voix sur un parti nationaliste plutôt que sur un parti islamiste avec lequel ils entretiennent des divergences de vues », explique l’universitaire, citant à titre d’exemple le PKB (Parti du réveil national, le parti d’Abdurrahman Wahid), déchiré par un conflit interne et dont on peut s’attendre à ce que la moitié de ses partisans votent pour un parti nationaliste et laïque plutôt que pour une formation de type islamiste.

Pour Yudi Latif comme pour Sunny Tanudwidjaja, les partis islamiques continuent de souffrir de deux faiblesses majeures : premièrement, à l’image du PAN et du PKB, ils sont minés par des divisions internes, et, deuxièmement, étant trop nombreux, ils sont dans l’incapacité de faire émerger une personnalité politique de premier plan. Dans la logique institutionnelle d’un régime présidentiel, ces faiblesses constituent de lourds handicaps.

Du côté de l’Eglise catholique, si la hiérarchie se garde de donner des consignes de vote, les organisations de jeunesse catholiques ont tenu congrès à Djakarta. Les 1er et 2 mars derniers, leurs dirigeants ont appelé le gouvernement et la société à adhérer au pancasila, les cinq principes sur lesquels sont fondés l’Indonésie contemporaine et auxquels souscrivent les partis « laïques et nationalistes ». Lors de cette rencontre, le P. Yohanes Rasul Edy Purwanto, secrétaire de la Commission épiscopale pour les laïcs, a évoqué les partis politiques islamiques « qui cherchent à remplacer le pancasila par une autre idéologie » – sous-entendue islamiste ; il a continué en appelant ceux des jeunes catholiques qui militent dans les différents partis politiques à défendre les principes inscrits dans la Constitution de 1945.