Eglises d'Asie

Kerala : les Eglises chrétiennes affichent leurs divergences face aux élections législatives

Publié le 25/03/2010




Selon une dépêche du 8 avril dernier de l’agence ENI (1), les Eglises chrétiennes du Kerala, dans le sud de l’Inde, l’Etat où se trouve la plus forte concentration de chrétiens du sous-continent (19 % de la population), ont adopté des positions divergentes concernant les élections législatives qui débutent dans quelques jours. Le Parti communiste est principalement visé par l’Eglise catholique.

L’Eglise catholique, qui représente près de la moitié des six millions de chrétiens du Kerala, a publié des directives à l’intention des électeurs, les incitant indirectement à voter contre le Parti communiste, principal parti de la coalition gouvernementale au pouvoir dans le Kerala. Cependant, Philip N. Thomas, secrétaire du Conseil des Eglises du Kerala (KCC), qui regroupe des Eglises protestantes et orthodoxes, a déclaré à l’agence de presse œcuménique ENI que son Conseil n’adopterait pas une « position agressive » comme celle des catholiques, concernant les élections.

« Nous ne partageons pas les mêmes points de vue et nous ne lancerions pas un appel comme celui-ci », a déclaré Philip Thomas. Une lettre pastorale publiée par la Conférence épiscopale catholique du Kerala demandait à ce que les électeurs exercent leur droit de vote « avec discernement » contre ceux qui propagent l’athéisme, portent atteinte aux croyances religieuses, défient les décisions de justice et encouragent l’euthanasie.

Les critiques émises par les catholiques à l’encontre des communistes au pouvoir font suite à plusieurs propositions de la Commission de réforme législative du Kerala, parmi lesquelles se trouvent la légalisation de l’euthanasie et des mesures visant à pénaliser les familles nombreuses en refusant la gratuité de l’éducation et des traitements hospitaliers aux familles de plus de deux enfants.

Le Kerala est l’un des Etats de l’Union se rendant aux urnes le 16 avril, au cours de la première des cinq phases des élections législatives nationales, qui dureront jusqu’au 13 mai. A moins de dix jours du scrutin, le Front démocratique de gauche (LDF), mené par les communistes, et le Front démocratique uni, mené par le Parti du Congrès, qui est au pouvoir à New Delhi, affirment tous deux avoir l’avantage.

Lors des dernières élections, en 2004, le LDF avait remporté 19 des 20 sièges du Kerala au Lok Sabha, la Chambre basse du Parlement fédéral. Deux ans plus tard, la coalition de gauche remportait la majorité lors des élections pour l’Assemblée législative de l’Etat du Kerala. Depuis, le Front est à couteaux tirés avec l’Eglise catholique, après avoir mis en place un manuel scolaire qui, selon l’Eglise, « ridiculise la foi et la religion » (2).

P. C. Elias, porte-parole de l’Eglise syro-malankare (orthodoxe), qui est membre du KCC, a déclaré à l’agence ENI que son Eglise avait décidé de présenter ses propres membres en tant que candidats dans quatre circonscriptions du centre de l’Etat (Pathanamthitta, Kollam, Idukki et Kottayam), où cette Eglise jouit d’une « présence considérable ». « Nous souhaitons ainsi protester contre l’indifférence totale manifestée envers notre communauté par les deux coalitions, qui n’ont pas désigné un seul membre de [notre] Eglise comme candidat », a déclaré P. C. Elias.

Pour sa part, le cardinal Varkey Vithayathil, archevêque majeur d’Ernakulam-Angamaly, dans l’Etat du Kerala, et président de la Conférence des évêques catholiques de l’Inde (CBCI), a déclenché une controverse en écrivant dans une biographie de lui à paraître que les communistes étaient « pires que » le Bharatiya Janata Party (BJP, Parti du peuple indien) (3), et ce, malgré la responsabilité qui est imputée à ce parti, vitrine politique des nationalistes hindous, dans la vague de violences antichrétiennes qui a touché, ces mois derniers, plusieurs Etats de l’Union indienne. Le chef de l’Eglise syro-malabare a aussi déclaré que les fidèles catholiques étaient libres de militer dans le parti politique de leur choix, pourvu que celui-ci ne s’oppose pas « aux principes de la foi » ; mais ils ne devaient « en aucune façon » adhérer aux partis « safran », couleur associée au BJP et au RSS (Rastriya Swayamsevak Sangh, Corps national des volontaires).