Eglises d'Asie

Tamil Nadu : l’Eglise catholique demande une meilleure représentation des chrétiens en politique

Publié le 25/03/2010




Le 6 avril dernier, le P. Vincent Chinnadurai, porte-parole du Conseil des évêques catholiques du Tamil Nadu, a déclaré que l’Eglise catholique souhaitait que les partis politiques laïques accordent une place plus importante aux chrétiens sur leurs listes électorales (1). Les élections générales débutent le 13 mai prochain dans l’Etat du Tamil Nadu, pour la dernière phase…

… de la gigantesque opération de vote qui commence le 16 avril dans l’Union indienne.

Selon le P. Madurai Anand, rédacteur en chef de Nam Vazhu (‘Notre Vie’), hebdomadaire catholique tamoul, les chrétiens, qui forment près de 7 % de la population du Tamil Nadu – un chiffre élevé en comparaison des autres Etats de l’Union – n’ont pas « une représentation équitable » au sein de leur Parlement, qui ne compte à l’heure actuelle que neuf députés chrétiens sur 234 élus.

Dans cet Etat du sud de l’Inde, où un très grand nombre de chrétiens sont dalit (‘intouchables’), les conflits de caste renforcent les communautarismes religieux. Les tensions entre dalit et membres de basses castes appartenant aux mêmes paroisses chrétiennes ne sont pas rares (7). Le P. Chinnadurai, qui est également directeur de l’officielle Commission pour les minorités de l’Etat du Tamil Nadu et donc à double titre concerné par la situation des communautés souffrant d’un manque de représentation politique, explique que « les minorités religieuses sont toujours considérées comme un ‘vote bank’ » (‘réservoir de voix’) – procédé très fréquent en Inde qui consiste à faire voter en bloc une communauté en échange de la promesse de défendre ses intérêts. Le prêtre reconnaît qu’aux dernières élections, les chrétiens du Tamil Nadu ont soutenu une alliance menée par le Dravida Munnetra Kazhakam (DMK, le Front progressiste des dravidiens), un parti régional. Mais, dit-il, « nous voulons changer ce système (…) et obtenir que les partis laïcs nous offrent une représentation adéquate, en contrepartie du soutien de notre communauté chrétienne (…). [Nous désirons] davantage d’élus chrétiens qui puissent parler en notre nom et exprimer nos valeurs ».

Cette requête s’inscrit clairement dans la ligne du mémorandum adressé le 2 mars dernier aux principaux partis politiques en lice pour les élections, par des responsables des Eglises catholique et protestantes de l’Inde, demandant de « placer la sécurité des minorités religieuses, et particulièrement celle des communautés chrétiennes, en tête de leurs programmes ». A cette occasion, Mgr Franco Mulakkal, évêque auxiliaire de Delhi, avait également rappelé aux fidèles qu’en tant que citoyens, ils se devaient « d’exercer avec responsabilité [leur] droit de vote » (2).

La vague de violences antichrétiennes qui a déferlé sur l’Inde ces derniers mois (3) rend encore plus urgent cet appel des responsables catholiques à un engagement fort des croyants en politique, un milieu dont l’Eglise réprouve pourtant traditionnellement la corruption. Ces derniers temps, les communautés chrétiennes de l’Inde ont multiplié les appels à la défense des minorités, après avoir constaté l’immobilisme des instances gouvernementales chargées d’assurer leur protection.

La récente présentation comme candidat, en Orissa, de l’extrémiste hindou Dara Singh, reconnu coupable du meurtre, en 1999, du missionnaire australien Graham Staines et de ses deux jeunes enfants, brûlés vifs dans leur véhicule, a soulevé un vent d’indignation dans la communauté chrétienne (4), qui y a vu, une fois de plus, la démonstration de la totale impunité dont jouissent les coupables. Si la candidature du meurtrier (en Inde, le cas d’un candidat se présentant aux élections alors qu’il purge une peine de prison n’est pas inédit) a finalement été rejetée par la Commission électorale en Orissa, elle n’en a pas moins incité Mgr Oswald Gracias, cardinal de Bombay et président de la Conférence des évêques catholiques de l’Inde (CCBI), à faire part de « sa profonde consternation » que puisse se produire un fait semblable dans « la plus grande démocratie du monde » (5).

La situation toujours critique de l’Orissa, en particulier dans le district du Khandamal, a par ailleurs conduit Mgr Raphael Cheenath, archevêque catholique de Cuttack-Bhubaneswar, ainsi que le Rév. Enos Das Pradhan, secrétaire général de l’Eglise du Nord de l’Inde, d’obédience protestante, à demander aux autorités fédérales un report des élections dans la région. En raison du « climat de peur » qui règne toujours dans l’Etat, les conséquences d’un scrutin ne pourront être que « désastreuses », explique le prélat qui souligne que les chrétiens de l’Orissa, étant actuellement dans l’impossibilité totale de faire entendre leur voix lors du vote, subiront une persécution accrue après la victoire prévisible des extrémistes responsables des violences (6).

L’implication progressive des chrétiens en politique afin de sauvegarder leurs intérêts semble donc de plus en plus d’actualité au sein de l’Eglise. C’est également la conclusion du P. Chinnadurai : « Une meilleure représentation des chrétiens permettrait davantage de justice pour la communauté chrétienne et aiderait à matérialiser ses demandes et ses intérêts (…). Sans une présence [politique] équitable des chrétiens, il ne pourra y avoir de véritable démocratie pour notre communauté. »