Eglises d'Asie

Orissa : entre menaces hindouistes et attaques naxalites, les chrétiens votent sous haute surveillance

Publié le 25/03/2010




La deuxième phase du scrutin de « la plus grande démocratie du monde » s’est ouverte jeudi 23 avril 2009, dans les Etats de l’Orissa, du Jharkhand et du Bihar. L’encadrement policier est à la mesure de la tension régnant dans ces Etats depuis le début des élections, qui s’échelonneront du 16 avril au 16 mai. Les électeurs de l’Orissa doivent voter en deux étapes pour choisir leurs 21 parlementaires…

… à la chambre basse de l’Union indienne (Lok Sabha, Chambre du peuple), ainsi que leurs représentants au Parlement de l’Etat (1).

L’Orissa, où les violences antichrétiennes orchestrées par les hindouistes ont fait ces derniers mois une centaine de morts et des milliers de déplacés, doit faire face pour le scrutin, à la double menace des extrémistes hindous et des rebelles naxalites dont l’Etat est l’un des bastions (2).

Le Premier ministre indien Manmohan Singh considère qu’aujourd’hui les maoïstes naxalites représentent « la plus grande menace pour la sécurité nationale ». Priorité a donc été donnée pendant toute la durée des élections, à la sécurisation des zones où les rebelles sont les plus actifs, c’est-à-dire le centre et l’est du pays. Cette région que l’on appelle le « corridor rouge » rassemble la plupart des Etats les plus pauvres de l’Union indienne : l’Orissa, le Jharkhand, le Chhattisgarh, le Bihar, le Maharasthra et l’Andhra Pradesh. Les mesures de sécurité ont été encore renforcées à la suite des attentats meurtriers qui se sont produits durant la première partie des législatives indiennes ; le 14 avril, les naxalites ont pris d’assaut une mine de bauxite en Orissa, puis le 15 avril, mené différentes attaques simultanées dans le Jharkhand, le Bihar et le Chhattisgarh, lesquelles ont fait une vingtaine de morts (3). Mercredi 22 avril, veille de la deuxième étape du scrutin, le groupe rebelle a pris en otages 300 passagers d’un train au Jharkhand (relâchés quelques heures plus tard) et attaqué un convoi de camions au Bihar, faisant un mort. Dans certains Etats, les maoïstes, qui appellent au boycott des élections, ont enlevé des responsables électoraux et menacé de couper les mains des électeurs (4).

Pour la deuxième étape du scrutin, l’Orissa a déployé environ 6 000 paramilitaires dans les zones sensibles afin de prévenir d’éventuelles attaques (5). Mais ces récents attentats naxalites ont rejeté dans l’ombre les menaces hindouistes qui pèsent pourtant plus que jamais sur les chrétiens de l’Orissa. L’assassinat le 19 mars dernier, de Prabhat Panigrahi, le responsable local du Rashtriya Swayamsevak Sangh (RSS), branche extrémiste du Bharatiya Janata Party (BJP, Parti du peuple indien), pro-hindou nationaliste, a relancé l’hostilité antichrétienne, comme, l’avait fait, il y a moins d’un an, le meurtre du leader hindou swami Laxmanananda Saraswati. La mort du religieux hindouiste avait été à l’origine de la vague de violence qui avait déferlé sur la communauté chrétienne de l’Orissa, et plus particulièrement celle du Kandhamal (6).

Malgré les rapports des autorités qui se veulent rassurants et ont souligné que le scrutin « s’était déroulé dans le calme », on n’a compté, pour cette première phase des législatives, que 54 % de votants dans le district du Kandhamal. Si les principaux représentants des Eglises reconnaissent que « les conditions de sécurité mises en place par le gouvernement [pour les votants] étaient satisfaisantes » (7), nul ne conteste le fait que la majorité des chrétiens était dans l’incapacité de se rendre aux urnes. Plus de 50 000 d’entre eux, menacés de mort, avaient quitté le district, et ceux qui étaient toujours dans les camps de déplacés, n’avaient bien souvent plus de papiers d’identité leur permettant de voter.

L’archevêque de Cuttack-Bhubaneshwar, Mgr Raphael Cheenath, s’était inquiété avant les élections, du climat de tension dans lequel le scrutin allait se dérouler, rendant « le processus démocratique impossible ». Avec d’autres représentants de l’Eglise, il s’était adressé aux autorités de l’Etat, afin de demander un report des législatives pour le district du Kandhamal notamment, requête à laquelle le gouvernement n’avait pas répondu (8).

De nombreuses sources ecclésiastiques font mention de la campagne d’intimidation, prévisible, que les extrémistes hindous ont exercée contre les chrétiens durant cette première phase des élections en Orissa, leur donnant pour consigne de voter « pour le lotus », le symbole du BJP. Quant à ceux qui se risquaient à voter malgré les menaces, ils étaient nombreux à être refoulés sous le prétexte que « leurs papiers n’étaient pas en règle », rapporte Sajan George, président du Global Council of Indian Christians (GCIC), un organisme qui rassemble les minorités chrétiennes en Inde. Les religieux ont été soumis aux mêmes pressions : sur l’ensemble de la communauté des Missionnaires de la Charité (MC) de Sukananda au Kandhamal, seules deux religieuses ont pu se présenter avec une carte valide pour le vote (9), raconte Sr Mary Samuel, MC. Elle ajoute qu’un grand nombre de chrétiens parmi ceux encore présents dans la région, n’ont pas pu voter malgré l’important encadrement policier, à cause des menaces de mort proférées contre eux par les groupes hindouistes.

Pour Mgr Cheenath, les hindouistes poursuivent un but précis : « Le programme inavoué des membres du BJP est de chasser les chrétiens du Kandhamal, qui est le district de l’Orissa où ils vivent en majorité […]. C’est ce qu’ils ont clairement essayé de faire avant les élections et s’ils gagnent à nouveau, il n’y a aucun doute qu’ils continueront dans la même voie » (10).