Eglises d'Asie

POUR APPROFONDIR – Un Bulletin de théologie et de pastorale pour les communautés aborigènes chrétiennes

Publié le 25/03/2010




A Taiwan, le christianisme représente près de 4 % de la population totale. Parmi les chrétiens, les minorités aborigènes, qui forment les occupants originels de l’île, sont majoritaires. Ils sont cependant et de manière paradoxale relativement peu visibles dans les structures ecclésiales. L’Institut de théologie de l’université catholique de Fujen lance un Bulletin académique…

… pour aider à la promotion d’une réflexion pastorale au service des communautés aborigènes.

 

Le centre de recherche en théologie aborigène attaché à l’institut de théologie de l’université catholique Fujen travaille depuis sept années déjà à la promotion d’une réflexion pastorale au service de la communauté aborigène de Taiwan. Afin de mieux remplir sa mission, le centre a décidé de lancer cet été la publication d’une revue annuelle qui a pour ambition de se faire le porte-parole des agents pastoraux au service de l’inculturation de la foi chrétienne dans la vie des aborigènes catholiques taiwanais.

Le Bulletin de théologie et pastorale aborigène de l’Institut de théologie de Fujen vise non seulement à aider les agents pastoraux de l’Eglise catholique locale à partager entre eux leur expérience, mais aussi à faire connaître leur réflexion pastorale aux autres confessions chrétiennes œuvrant en milieu aborigène taiwanais. Publiée en mandarin, la nouvelle revue espère pouvoir aussi contribuer à la réflexion pastorale de ceux qui, en Chine continentale, participent activement à l’inculturation locale de la foi chrétienne, particulièrement parmi les nombreuses communautés catholiques présentes au sein des minorités ethniques du pays.

Les articles présentés dans le bulletin sont tous l’œuvre d’agents pastoraux ou de chercheurs scientifiques ayant une assez longue expérience d’immersion en milieu aborigène taiwanais. La majorité des auteurs sont des autochtones issus des différents groupes ethniques présents dans l’île bien avant l’arrivée des premiers colons chinois au début du XVIème siècle.

Après un article de réflexion générale sur la compréhension catholique du concept d’« inculturation », écrit par le P. Solomon He, OP, jeune prêtre de l’ethnie Bunun coopérateur actif du centre de recherche, le premier bulletin comprend quatre sections : spiritualité, liturgie, travail pastoral et engagement social.

Le premier article de la section « spiritualité », signé par Mgr John-Baptist Tseng, porte sur l’intégration au sein de la foi catholique de la relation aux ancêtres, qui constitue l’une composante majeure de la religiosité traditionnelle des ethnies aborigènes taiwanaises. D’ethnie Puyuma, Mgr Tseng est évêque auxiliaire du diocèse de Hualien et président du Comité de pastorale aborigène attaché à la Conférence épiscopale de Taiwan. Vient ensuite une contribution écrite il y a quelques années par le P. Tom Browning, SSC, quand il était en mission parmi les Tayal de la région de Miaoli, au moment où ceux-ci décidèrent de rétablir certains rites traditionnels. Un troisième article traite d’une autre composante majeure de la spiritualité aborigène traditionnelle : le chamanisme. L’article présente une enquête réalisée par notre centre sur la résurgence de pratiques chamanistes au sein de plusieurs communautés catholiques locales et tâche d’en faire une analyse théologique et pastorale.

La section « liturgie » s’ouvre sur la présentation du processus, fort récent, qui a abouti à la rédaction d’un livre de messe en langue Tayal romanisée par un groupe de traducteurs ayant reçu l’aval officiel de trois évêques. L’auteur de l’article, M Piling-Wupar, est un des membres du groupe de traducteurs. Il a œuvré pendant plus de 35 ans comme catéchiste, en tant qu’agent pastoral salarié laïc, dans la région de Hsinchu. Suit un article sur la l’inculturation liturgique du chant par le P. Paul Chen, un prêtre du diocèse de Hualien ayant œuvré longtemps au sein de l’ethnie Taroko dont il est lui-même un membre actif. Vient ensuite une présentation détaillée et motivée du mobilier sacré (grand crucifix, autel, tabernacle et fonts baptismaux) produit par un artiste de l’ethnie Paiwan pour décorer l’église de Tupan, dans le sud de la région de Taitung. L’article est écrit par l’ancienne catéchiste du lieu, Mme Ke Hui-yi, qui a contribué à une inculturation assez réussie du sanctuaire de sa paroisse.

La section « pastorale » contient deux articles produits par deux jeunes prêtres autochtones dont l’expérience pastorale est assez originale. Le P. Dominique Tu, prêtre diocésain du diocèse de Kaohsiung, présente son travail pastoral dans son village natal d’une vaste zone de montagnes de la région de Pingtung, habitée par l’ethnie Rukai. Son action est surtout centrée sur la collaboration interconfessionnelle entre les différentes communautés chrétiennes de son village. D’ethnie Tayal, le P. Paul Wu, OFM, partage sur son ministère au service des jeunes aborigènes issus de parents Amis ayant immigrés dans une paroisse citadine de la banlieue industrielle de Taoyuan. Vient ensuite un article défendant la position de l’Eglise catholique contre la libéralisation de l’avortement face à la position fort libérale adoptée récemment par toute une franche de l’Eglise presbytérienne, très influente en milieu aborigène taïwanais. Son auteur, le P. L. Aldrich, SJ, est membre du centre de recherche en éthique de l’Institut de théologie de Fujen.

La section « engagement social » commence par une analyse fort pertinente sur les causes de violence familiale en milieu aborigène. L’auteur, M. Wang Tseng-yung, est un jeune chercheur catholique professeur auxiliaire au département de sociologie de l’université de Yangming, à Taipei. Son article montre comment l’abus d’alcool et la violence familiale sont souvent les symptômes d’un contexte social destructeur et humiliant produit par des facteurs exogènes à la société aborigène traditionnelle. Pour l’auteur, si l’on veut combattre efficacement le problème, il faudrait s’attaquer aux causes structurelles et sociales du mal.

Viennent ensuite deux témoignages concrets d’engagement pour la « justice du royaume de Dieu » au service d’une amélioration des conditions de vie des plus pauvres dans les villages. Sœur Catherine Tang, DC, est une dynamique et créative religieuse de l’ethnie Amis. Son article montre comment une action réfléchie de conscientisation, de mobilisation et d’éducation parmi les vieillards et les femmes des villages ruraux isolés de la région de Taitung peut non seulement faire des « miracles » en matière d’amélioration de conditions psychique et matérielle de vie de tous, mais aussi largement contribuer à l’évangélisation des cœurs. Mlle Chen Ya-chen est chercheuse au département d’écologie de l’université Fujen. Son article présente l’action de « Mana », dont elle est une ardente promotrice. « Mana » promeut dans divers hameaux de la haute montagne taïwanaise l’usage de l’agriculture biologique. La culture « bio » a l’avantage de préserver l’écosystème dans lequel vivent les agriculteurs aborigènes (donc aussi leur santé et celle de leur famille). Sa mise en pratique demande des sacrifices et de la patience durant les deux ou trois premières années, mais elle s’avère plus rentable à long terme et surtout moins lourde en investissement financier.