Eglises d'Asie

Sous l’égide du Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux, une rencontre historique entre hindous et catholiques

Publié le 25/03/2010




Une rencontre interreligieuse historique s’est tenue le 12 juin dernier à Mumbai (Bombay), entre les plus hauts représentants du Saint-Siège ainsi que de l’Eglise catholique en Inde et les grands leaders religieux hindous. Ce sommet, tenu à huis clos, avait pour objet de permettre aux deux communautés de dialoguer face à face, après les violences antichrétiennes qui avaient frappé, …

… ces derniers temps, plusieurs régions de l’Inde, en particulier l’Orissa.

Selon les dernières estimations, émanant de sources ecclésiales, les violences perpétrées par les hindouistes depuis août dernier 2008 ont fait plus de 90 morts, près de 60 000 déplacés, détruits 5 000 habitations, et provoqué des dommages dans plus de 150 lieux de culte catholiques et protestants (1).

La délégation catholique était menée par le cardinal Jean-Louis Tauran, président du Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux, avec à ses côtés le cardinal Oswald Gracias, archevêque de Bombay et vice-président de la Conférence des évêques catholiques de l’Inde, Mgr Pedro Lopez Quintana, nonce apostolique en Inde, Mgr Felix Machado, archevêque de Nashik, Mgr Thomas Dabre, évêque de Poona et président de la Commission épiscopale indienne pour la doctrine et la foi, Mgr Raphy Manjaly, évêque de Varanasi (Bénarès), Mgr Gali Bali, évêque de Guntur, et le cardinal Telesphore Toppo, archevêque de Ranchi.

Ils rencontraient dix chefs religieux hindous à la tête desquels se trouvait l’un des plus importants leaders de cette communauté, Shankaracharya Sri Jayendra Saraswati Swami. Etait également présent Sri Sri Ravi Shankar, une autre figure majeure de l’hindouisme, fondateur de l’International Art of Living Foundation et de l’International Association for Human Values.

Dans des échanges, qualifiés par les participants de « francs et directs », les principaux points d’achoppement entre les deux communautés ont été évoqués. Ainsi, Shankaracharya Saraswati a exprimé le principal grief avancé par les hindouistes pour justifier les attaques en Orissa, en demandant à l’Eglise d’arrêter sans délai les « conversions forcées ». Les différents représentants chrétiens ont assuré les leaders hindous que l’Eglise catholique n’était en aucun cas impliquée dans ces conversions et n’avait aucun contrôle sur d’autres groupes qui seraient éventuellement concernés.

Selon l’Osservatore Romano, le cardinal Tauran est revenu sur l’importance du « droit des minorités à pratiquer leur foi dans des conditions pacifiques » (2). S’exprimant devant les médias à l’issue de la rencontre, le cardinal Oswald Gracias, qui était à l’initiative de l’événement, a déclaré que l’ensemble des leaders religieux des deux communautés avait condamné unanimement les violences des mois derniers. Sankaracharya Saraswati a surenchéri en rappelant qu’aucune « violence ne devait être exercée contre les minorités » et que ce qui s’était passé en Orissa ne reflétait pas l’état d’esprit de la majorité des hindous.

Le chef religieux a cependant ajouté que tout dialogue était inutile tant que l’Eglise n’assurerait pas aux hindous le respect de leur sensibilité religieuse et ne mettrait pas cette promesse en pratique. Il a poursuivi en disant qu’il était devenu facile pour les missionnaires de convertir les hindous. Toutes les organisations et associations hindoues devront travailler ensemble pour éduquer les hindous et arrêter les conversions, a-t-il affirmé. Le cardinal Gracias a tenu à réitérer que la conversion était un choix personnel et que les conversions forcées n’existaient pas dans l’Eglise catholique. « Cela n’a pas de sens et c’est considéré comme invalide », a-t-il déclaré. Les deux chefs religieux ont conclu sur une note optimiste, en annonçant que les groupes hindous et chrétiens désiraient s’investir ensemble dans des œuvres sociales, notamment dans les domaines de la santé et de l’éducation (3).

Pour Mgr Dabre, également membre du Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux, une telle rencontre amorce un nouveau départ, « plein d’espoir », dans le dialogue entre chrétiens et hindous et « augure bien de l’avenir » pour les deux communautés, comme pour l’ensemble du pays. Le cardinal Tauran, de retour à Rome, s’est réjoui quant à lui de ce qu’un « nouveau chapitre » ait été ouvert dans les relations entre catholicisme et hindouisme. « Ce que j’ai constaté c’est qu’il y a une grande difficulté pour nos amis hindous à comprendre la différence entre un catholique, un baptiste, un pentecôtiste », a-t-il déclaré à Radio Vatican, soulignant la multiplication récente des Eglises protestantes dans certaines régions de l’Inde (4).

Le meeting avait été prévu pour coïncider avec l’année de la paix et de l’harmonie lancée par l’archidiocèse de Bombay, à Pâques, le 12 avril dernier.