Eglises d'Asie

Un évêque catholique demande que toute la lumière soit faite au sujet de l’assassinat d’un leader paysan

Publié le 25/03/2010




« Nous condamnons cet acte de violence dans les termes les plus fermes. Je demande aux autorités locales d’accorder toute leur attention à cette affaire », a déclaré, le 6 juin dernier, Mgr Antonio Ledesma, archevêque catholique de Cagayan de Oro, au lendemain du meurtre de Renato ‘Ka Rene’ Penas, tué de onze balles dans la nuit du 5 au 6 juin.

Renato Penas, âgé de 51 ans, était la figure emblématique du combat des paysans sans terre des Philippines, dans un pays où les grands propriétaires terriens ont presque toujours su échapper aux conséquences d’une réforme agraire mise en place en 1988 mais peu ou mal appliquée. Né dans une famille pauvre de pêcheurs à Basay, dans la province de Negros Oriental, au centre des Philippines, il choisit, une fois marié et père de famille, de migrer vers Mindanao, la grande île du sud philippin où le gouvernement promettait des propriétés pour les paysans sans terre.

Renato Penas s’installe à San Vincente, un village de la région de Sumilao, dans la province de Bukidnon, dans la partie nord de l’île de Mindanao. En 1997, il attire une première fois l’attention lorsqu’il entame, avec d’autres paysans, une grève de la faim pour protester contre le fait que les terres qui leur ont été allouées dans le cadre de la réforme agraire (CARP, Comprehensive Agrarian Reform Program) sont soudainement classées en terrain non agricole. Renato Penas créée alors une première organisation paysanne, baptisée MAPALAD, à Sumilao. Dix ans plus tard, il prend la tête d’un groupe de 137 paysans pour effectuer une longue marche de 1 700 kilomètres plein nord, qui les mène à Manille, aux portes de Malacanang, le palais présidentiel. Il s’agit cette fois-ci d’aider des paysans aborigènes Higaonon de la province de Bukidnon à récupérer 144 hectares de terres qui leur avaient été confisquées et sur lesquelles San Miguel Corp., un des principaux conglomérats philippins, avait des intérêts. Soutenu par la Conférence épiscopale philippine, le groupe sera reçu par la présidente du pays, Gloria Arroyo, et un accord signé en présence du cardinal Gaudencio Rosales, archevêque de Manille (1).

En mars dernier, Renato Penas avait été élu vice-président du principal syndicat des paysans philippins, PAKISAMA (acronyme en langue locale, le tagalog, de la « Coalition nationale des organisations paysannes »). C’est à ce titre qu’il était à Manille quelques jours avant son assassinat pour obtenir du Congrès la reconduction de la loi sur la réforme agraire, votée le 4 juin. Il était revenu chez lui peu après le vote de la loi CARPer (pour Comprehensive Agrarian Reform extension with reforms), le texte qui, après bien des péripéties législatives, a reconduit la réforme agraire en la dotant d’un budget de 100 milliards de pesos (1,5 milliard d’euros) (2).

En l’espace de huit mois, trois leaders paysans ont été assassinés aux Philippines. Le 22 novembre 2008, des tueurs ont abattu Vicente Paglinawan, vice-président pour Mindanao de PAKISAMA ; il a été tué en plein jour, à Davao City, une ville où des escadrons de la mort opèrent en quasi impunité. Le 9 mars dernier, c’était au tour d’Eliezer Billanes, secrétaire général d’un syndicat de paysans affiliés à PAKISAMA, d’être tué par balles à Koronadal City, ville située au sud-ouest de Davao. Enfin, le 5 juin, Renato Penas trouvait la mort près de chez lui. Dans les trois cas, aucun suspect n’a été identifié (3).

Mgr Ledesma a exprimé l’espoir que le sacrifice de ces leaders paysans ne sera pas vain. Il appelle les syndicalistes paysans et les militants de droits de l’homme à « ne pas se laisser intimider » par l’assassinat de Renato Penas, et le gouvernement à assurer leur sécurité. Il appelle aussi « tous les petits propriétaires partout dans le pays » à mettre en valeur les terres qui leur ont été confiées dans le cadre de la réforme agraire, afin de convaincre le gouvernement et ceux qui sont opposés à cette réforme, que les petits propriétaires sont bien en mesure de contribuer à la prospérité de la nation.