Eglises d'Asie

L’archevêque de Cotabato veut croire que la bombe qui a fait cinq morts devant sa cathédrale ne visait pas l’Eglise catholique

Publié le 25/03/2010




Contrairement à ce que la plupart des commentateurs locaux ont immédiatement affirmé, la bombe qui a fait cinq morts et une quarantaine de blessés le dimanche 5 juillet au matin à Cotabato City n’avait pas pour cible l’Eglise catholique, a déclaré Mgr Orlando Quevedo, archevêque du diocèse catholique de Cotabato, au centre de l’île méridionale de Mindanao.

Quelques heures après l’explosion, l’évêque a précisé devant la presse qu’il pensait que le motif de l’attentat était lié à une affaire d’extorsion « et non à la religion, à la revendication des musulmans pour une plus grande autonomie ou à une quelconque question politique ».

L’attentat s’est produit à 8 h 45, le dimanche matin, peu après la première messe célébrée à la cathédrale, tandis que les fidèles convergeaient vers le lieu de culte pour la célébration de la seconde messe dominicale. La bombe avait été placée sous l’étal d’un vendeur de lechon, le porcelet rôti entier qui est une spécialité philippine de choix. Lorsque l’engin a explosé, une patrouille de soldats passait devant la cathédrale. Le vendeur de lechon, deux soldats ainsi que deux passants sont morts dans l’explosion, tandis qu’une quarantaine de personnes, des femmes et des enfants en majorité, étaient blessées.

Selon Mgr Quevedo, qui se trouvait à Manille au moment de l’explosion où il devait prêcher une retraite sacerdotale, face à l’avalanche de commentaires aux Philippines disant tous que la cathédrale était l’objectif visé par les terroristes, il était urgent de réagir publiquement. Si l’Eglise avait été la cible, il y a fort à parier que la bombe eût été placée dans la cathédrale de l’Immaculée Conception ou bien encore sur le parvis de l’église qui est entouré de grilles. Cela n’a pas été le cas, a-t-il expliqué, appelant au calme. « La violence ne résout rien. La violence appelle la violence. Prions pour la conversion des poseurs de bombe ! », a-t-il ajouté, précisant que les recherches devraient s’orienter vers une affaire d’extorsion, les activités mafieuses de certains groupes s’étant déjà matérialisées, les années passées, par des attentats à la bombe.

Pour le Conseil philippin pour l’islam et la démocratie, un groupe de pression militant pour la paix, la prise de position de Mgr Quevedo est plus que louable : « Nous applaudissions le courage et la sagesse de Mgr Orlando Quevedo, OMI, qui, tout en condamnant l’attentat comme un acte sacrilège, appelle à la retenue. » Le Conseil a par ailleurs condamné l’attentat.

Le lien établi par Mgr Quevedo entre l’attentat à la bombe et une possible affaire d’extorsion renvoie à plusieurs affaires qui ont défrayé la chronique, ces dernières années, dans le sud philippin. A plusieurs reprises, à Cotabato, à General Santos, à Kidapawan, à Koronodal ou bien encore dans les provinces de Maguindanao et de Sultan Kudarat, des enquêtes ont en effet montré que des attentats à l’explosif n’étaient pas liés au contexte politique local mais bien à des règlements de compte économiques ou financiers. Toujours selon Mgr Quevedo, il n’est pas inutile de s’interroger également sur les manœuvres auxquelles certains, au sein de l’administration et de l’armée, peuvent se livrer en vue créer des tensions dans le pays, voire de le déstabiliser, pour donner un prétexte au gouvernement de déclarer la loi martiale et repousser les élections prévues en 2010 – un enjeu politique sensible étant donné l’impossibilité constitutionnelle pour l’actuelle présidente, Gloria Arroyo, de se représenter devant les électeurs en dépit de son souhait de conserver le pouvoir. « Les militaires vont très probablement accuser un groupe terroriste rebelle, issu du MILF mais désavoué par lui – et il se peut que ce soit effectivement le cas ! », a conclu l’évêque.

Depuis le mois d’août 2008 et la rupture d’un cessez-le-feu entre les forces armées gouvernementales et le MILF (Front moro de libération islamique) qui a duré cinq ans, plus de 300 combattants et civils sont morts du fait de la reprise des hostilités (1). Sur le million de déplacés chassés de chez eux par les combats, plus de 300 000 vivent de manière très précaire dans des camps. Dans un communiqué, le porte-parole du MILF, Eid Kabalu, a toutefois démenti que son groupe soit le commanditaire de l’attentat de Cotabato City. Il a rejeté comme parfaitement hâtives les accusations de l’armée en ce sens et déclaré que la bombe pourrait avoir été posée à l’instigation d’un groupe voulant saboter une éventuelle reprise des négociations. De son côté, le porte-parole de l’armée, le colonel Jonathan Ponce, a, quelques heures après l’attentat, affirmé que « le groupe des opérations spéciales du MILF se trouve derrière » l’action terroriste. Le lendemain, il a ajouté qu’un suspect avait été appréhendé.