Eglises d'Asie

La candidature d’un prêtre à l’élection présidentielle divise l’Eglise catholique

Publié le 25/03/2010




« J’ai la ferme intention de me présenter comme candidat. » Par ces mots prononcés au cours d’un meeting organisé par l’opposition, le P. Eddie Panlilio a déclenché une vive polémique au sein de l’Eglise catholique des Philippines. Dans un contexte politique difficile, où l’actuelle et controversée présidente du pays, Gloria Arroyo, brigue un troisième mandat pour 2010, …

… la déclaration du prêtre catholique a fait l’effet d’une bombe. Déjà gouverneur de la province de Pampanga, dans le nord des Philippines, Eddie Panlilio est doté d’un charisme indéniable et met en avant sa foi en Dieu pour justifier sa candidature. « Je ne fais pas cela pour moi-même », a-t-il déclaré lors d’une interview télévisée, le 20 juillet dernier, mais parce que « j’ai senti que Dieu m’y appelait » (1).

Dans un pays où l’Eglise n’a pas hésité à peser sur la scène politique, la Conférence des évêques catholiques des Philippines (CBCP) a immédiatement réagi à l’annonce de la candidature du P. Panlilio en rappelant les principes du droit canon, qui « interdit aux clercs de remplir des charges publiques qui comportent une participation à l’exercice du pouvoir civil » (article 285 du Code de droit canonique) (2).

En 2007, le prêtre catholique avait déjà été suspendu par son supérieur hiérarchique, l’archevêque de San Fernando, lorsqu’il s’était présenté aux élections en tant que gouverneur (3). Cette sanction, prévue par le Code de droit canonique, prévoit le maintien de l’état clérical mais interdit cependant l’exercice du ministère. « L’état de prêtre que j’aime tellement, je suis prêt à le laisser pour un plus grand amour, qui est l’amour de mon pays (…). Pour moi, le cœur de la vocation de prêtre est d’accepter d’aimer Dieu et de travailler pour les autres, plus spécialement pour les pauvres », a expliqué le P. Panlilio au cours d’une conférence de presse le 21 juillet (4).

Au sein de l’Eglise catholique des Philippines, le cas du prêtre-politicien fait débat et divise les croyants. Du côté des partisans du P. Panlilio, l’Alliance des ex-séminaristes des Philippines (Philippine Alliance of Xseminarians, PAX) représente probablement son soutien de campagne le plus important. Ce réseau, créé il y a quelques années, rassemble plusieurs groupes d’anciens étudiants des séminaires aux Philippines, qu’ils soient laïcs ou membres ordonnés du clergé. Selon Tyrone Cimafranca, président des Anciens séminaristes SVD (Société du Verbe divin, SVD), le nombre des membres du PAX s’élèverait à plus d’un million d’individus. Ces derniers affirment « soutenir à 100 % » le P. Panlilio ; ils ont déjà commencé à lever des fonds et à démarcher les membres du clergé et les communautés paroissiales du pays (5).

Mais tandis que les militants du P. Panlilio s’enthousiasment, la Conférence des évêques catholiques des Philippines (CBCP) réaffirme clairement les positions de l’Eglise et sa désapprobation. Si, dans une déclaration datée du 12 juillet dernier, la CBCP avait appelé les chrétiens laïcs à s’investir davantage dans la vie politique et sociale, elle multiplie aujourd’hui les mises au point sur son site Internet officiel (6). Mgr Francisco Claver, ancien président de la Commission ‘Justice et Paix’ et de l’Action sociale de la CBCP, s’est déclaré très choqué par l’attitude du P. Panlilio : « Il ne se présente pas en tant que laïc parce que cela lui ferait perdre son aura de prêtre et cela, c’est très malhonnête. (…) C’est justement cette malhonnêteté que [l’Eglise] tente de changer chez nos politiciens » (7). Avec Mgr Claver et l’ensemble de la CBCP, Mgr Oscar Cruz, archevêque de Lingayen-Dagupan, qui dirige le service des dispenses de l’épiscopat, a en effet proposé au P. Panlilio, qui pour le moment n’est que « suspendu », d’être réduit à l’état laïc, avant de briguer la présidence.

Cette affaire qui divise l’Eglise catholique philippine a un précédent, fort récent : la réduction à l’état laïc par le pape Benoît XVI de Mgr Fernando Lugo, évêque devenu président du Paraguay en 2008. Le prélat avait tout d’abord été suspendu « a divinis » de son ministère épiscopal, pour s’être présenté comme candidat aux élections présidentielles du Paraguay. Benoît XVI avait ensuite accordé au nouveau président, après son élection, la perte de l’état clérical « et donc la perte des droits inhérents à cet état », une décision qui sanctionnait une situation inédite encore au sein de l’Eglise, « l’épiscopat étant un service accepté librement et pour toujours » (8).

Aujourd’hui, malgré les nombreuses injonctions de sa hiérarchie, le P. Panlilio n’a toujours pas fait savoir s’il voulait suivre les traces de l’ancien prélat paraguayen et être réduit à l’état laïc avant le début de la campagne pour la présidence des Philippines, qui débute en novembre prochain. Le prêtre-candidat a, tout au contraire, affirmé vouloir, si on l’y autorisait, reprendre l’exercice de son ministère en cas d’échec aux élections.