Eglises d'Asie

Les chrétiens sont menacés de mort par les extrémistes hindous s’ils ne quittent pas le Népal

Publié le 25/03/2010




Depuis l’attentat à la bombe de mai dernier contre l’église de l’Assomption, qui a fait trois morts et une quinzaine de blessés graves (1), les institutions chrétiennes reçoivent régulièrement des menaces téléphoniques de l’Armée de Défense du Népal (Nepal Defense Army, NDA), groupuscule extrémiste hindou. Mgr Anthony Sharma, vicaire apostolique du Népal, a rapporté à l’agence Ucanews…

… que le pro-vicaire du Népal, P. Pius Perumana, également directeur du Centre pastoral St John Vianney à Godavari, ainsi que les jésuites de l’école St-Xavier, ou encore les religieuses de l’école Sainte-Marie et les Sœurs de la Charité de Nazareth de Baluwatar, avaient été menacés de mort (2). Le NDA, qui avait revendiqué l’attentat du 23 mai, s’était également reconnu responsable en 2008 de l’assassinat du prêtre salésien John Prakash Moyalan, d’un attentat à la bombe meurtrier dans une mosquée, ainsi que d’autres attaques en 2007, dont l’une dirigée contre le quartier général des maoïstes à Katmandou. Formé d’anciens soldats, de policiers de l’ancien régime et de victimes de la guérilla maoïste, ce groupe armé affirme être prêt à commettre d’autres attaques, y compris des attentats suicides, contre les chrétiens, les musulmans et les communistes, afin de rétablir un Etat hindou au Népal (3).

« Le NDA a menacé les prêtres et les religieuses (…) et leur a laissé un mois pour quitter le pays », a déclaré Mgr Sharma, précisant que les dernières intimidations ont été faites au nom du chef du NDA, Ram Prasad Mainali. Toutes les institutions catholiques ont été prévenues et la police exerce désormais une surveillance autour des principaux lieux susceptibles d’être de nouveau la cible des terroristes, comme le centre pastoral de Godavari.

Les Eglises protestantes ont également reçu des avertissements similaires. Sous le couvert de l’anonymat, le pasteur d’une des plus importantes églises de Katmandou explique que leurs communautés se sont regroupées devant l’adversité : « Nous avons formé un comité de cinq à six de nos dirigeants afin de vérifier les menaces reçues et de prendre les mesures nécessaires. » Il ajoute : « Nous avons reçu également une lettre d’un autre groupe hindou nous réclamant 750 000 roupies (7 000 euros) pour empêcher le NDA de nous attaquer. »

Ces menaces de mort ne sont pas une situation nouvelle pour les chrétiens du Népal : déjà en 2008, juste après l’assassinat du P. Prakash Moyalan, le NDA avait, de la même manière, averti les communautés religieuses de s’attendre à une vague d’attentats s’ils ne quittaient pas le pays. Selon Mgr Sharma, les membres du NDA avaient volé le téléphone mobile du P. Prakash après l’avoir tué : « Sur son portable se trouvaient les numéros de différents prêtres, religieux et institutions de tout le Népal et maintenant, ce sont ces personnes qu’ils appellent pour les menacer. » Les lettres et appels téléphoniques étaient également accompagnés de demandes d’argent. A l’époque, Mgr Sharma avait écrit au ministre de l’Intérieur afin qu’il prenne des dispositions pour assurer la sécurité des fidèles et de leurs pasteurs (4). Déjà, le prélat faisait remarquer au gouvernement que ces intimidations répétées envers plus d’une cinquantaine d’établissements d’éducation ou à caractère social gérés par l’Eglise mettaient en danger « dans au moins 60 districts du pays (…) 17 922 élèves et autres membres du personnel, dont 99 % n’étaient pas chrétiens ».

Aujourd’hui, comme les années précédentes, les chrétiens du Népal ne sont toujours pas décidés à « se laisser intimider » et affirment que ce temps d’épreuve les « rapproche davantage de Dieu ». Balann Joseph, 41 ans, originaire du nord de l’Inde, a perdu sa femme et sa fille dans l’explosion du 23 mai. Lui-même grièvement blessé, il a témoigné, auprès de la communauté catholique endeuillée de Katmandou, des « grâces reçues » dans l’épreuve et du pardon qu’il a donné à l’instigatrice de l’attentat (5). Cette dernière, Seeta Thapa Shrestha, âgée de 27 ans, n’a pas fait de difficulté à reconnaître sa culpabilité dès son arrestation par la police, déclarant seulement regretter de « ne pas avoir fait plus de morts ». Bien que la jeune femme affirme appartenir à un autre groupe extrémiste, le Hindu Rashtra Bachao Samiti (Société pour la défense de la nation hindoue), la police est d’autant plus persuadée que « le NDA est le cerveau de l’affaire » (6) que l’Armée de Défense du Népal a rapidement revendiqué l’attentat.

A l’heure actuelle, malgré les promesses du gouvernement népalais, les victimes et les parents des personnes décédées dans l’attentat à la bombe du 23 mai dernier n’ont toujours pas été indemnisés. C’est l’Eglise qui a payé les soins des victimes à l’hôpital et assuré le soutien des familles.

Selon des sources ecclésiastiques locales, on compte aujourd’hui environ 1,5 million de chrétiens au Népal, dont près de 8 000 catholiques dans un pays à très forte majorité hindoue.