Eglises d'Asie

Orissa : condamnations minimales pour les auteurs des violences antichrétiennes

Publié le 25/03/2010




Le 27 juillet dernier, un tribunal de Phulbani, chef-lieu du district du Kandhamal, a condamné cinq extrémistes hindous à six ans de prison ferme et à une amende de 5 000 roupies (75 euros), pour leur implication dans les violences antichrétiennes qui ont touché l’Orissa l’année dernière (1). Déclenchées au lendemain de l’assassinat, le 23 août 2008, …

… du religieux hindouiste Swami Laxmanananda Saraswati, les attaques contre les chrétiens, en particulier dans le district du Kandhamal, ont fait plus de 90 morts, déplacé près de 50 000 personnes et détruit des milliers de maisons et de lieux de culte (2).

Aujourd’hui, la situation reste tendue en Orissa, malgré l’échec des nationalistes hindous aux élections législatives d’avril-mai 2009. « Les inculpations et les condamnations encourageront les gens à revenir chez eux et reprendre le cours de leur vie », espère Mgr Raphaël Cheenath, archevêque catholique de Cuttack-Bhubaneswar, qui rappelle que de nombreux chrétiens sont encore réfugiés dans des camps et n’osent pas rentrer dans leurs villages (3).

Force est de constater que ces condamnations sont loin de correspondre à la gravité des crimes commis, souligne toutefois le porte-parole de l’archidiocèse de Delhi, le P. Dominic Emmanuel. Ce dernier a déclaré à l’agence Ucanews (4) que la décision de la cour « était bien entendu bienvenue, mais que les chefs d’accusation devraient être considérés plus sérieusement ». Il faut, dit-il, que les instigateurs des violences « soient punis sévèrement de façon à donner une leçon à tous ceux qui propagent la haine religieuse ».

Deux cours de justice étaient saisies des crimes commis lors des violences de 2008. L’une d’elles a condamné le 30 juin dernier Chakradhar Mallick, un propriétaire terrien local, à quatre ans de prison ferme et à une amende de 2 000 roupies, pour avoir mené des attaques et des incendies contre des chrétiens. Le tribunal qui a conclu à la culpabilité des six hindouistes examinait, quant à lui, depuis juin le cas de quelque 900 suspects, dont bon nombre ont finalement été relâchés « faute de preuves ».

« Notre principal problème reste l’intimidation des témoins », reconnaît Mgr Cheenath, qui explique que les hindouistes menacent de mort ceux qui sont appelés à témoigner. « Dans la région de Sarangarh, des hommes armés ont pénétré dans les villages et ont menacé de mort tous ceux qui iraient au tribunal et témoigneraient », raconte M. Nayak, un travailleur social qui a reconnu lui-même trois des assaillants.

Maître Pradhan, défenseur des victimes, déclarait début juillet recevoir « des rapports de toutes les régions du district, faisant état de menaces sur les témoins ». Il relate que, le 7 juillet, durant l’instruction d’un meurtre, le frère aîné de la victime a subitement refusé de coopérer « disant à la Cour qu’il ne savait rien sur cette affaire ». L’avocat affirme que le jour précédent encore, ce même témoin jurait de dire la vérité pour aider à punir les meurtriers de son frère. « De source sûre, nous savons que sa vie était en danger s’il disait la vérité. De toute façon, nous ne perdons pas courage car la veuve de la victime et son fils sont déterminés à dire la vérité (…). Bien que leur vie soit en danger, Dieu les protègera », a-t-il déclaré (5).

Ces premières condamnations suivent de près la publication du rapport d’enquête du gouvernement de l’Orissa sur les violences de 2008, rapport qui a été dénoncé par l’Eglise comme gravement partial et inexact. Revues à la baisse, les attaques y sont qualifiées de querelles intertribales et nient toute implication des mouvements extrémistes hindous.

Malgré les difficultés rencontrées pour que justice soit rendue aux chrétiens, le groupe œcuménique United Christian Forum of Orissa vient de lancer un appel à la paix et au pardon, en proposant de déclarer « journée de la paix et de l’harmonie » le 23 août, date anniversaire de l’assassinat du leader hindou et du déclenchement des violences antichrétiennes. « Nous devons pardonner ce qui s’est produit par le passé pour construire une société plus forte qui ne soit plus détruite par des projets criminels », a déclaré Mgr Cheenath, qui est également président du Forum œcuménique (6).