Eglises d'Asie

POUR APPROFONDIR – Petite histoire de la paroisse et de l’église de Tam Toa depuis le début de l’évangélisation du Vietnam

Publié le 25/03/2010




L’une des raisons qui expliquent la passion avec laquelle les catholiques de la région ont défendu le site de Tam Hoa est sans doute le caractère symbolique de ce lieu tout imprégné de l’histoire, souvent dramatique, de l’Eglise du Vietnam. Depuis la toute première évangélisation et tout au long des siècles, événements et drames ont laissé ici leur marque sous une forme particulière.

Ce lieu, aujourd’hui situé dans la rue Nguyên Du, de la ville de Dông Hoi, qui s’appelait autrefois Dong Hai ou Ho Luy, aurait, selon la tradition, abrité une première communauté chrétienne dès 1631. En 1774, selon certains documents, en 1798 selon d’autres, les forces du seigneur Trinh, qui détenait le pouvoir au Tonkin, pénétrèrent dans le sud et dévastèrent les lieux. La communauté se déplaça alors en un autre lieu, la paroisse de Sao Bun. En 1886, celle-ci comptait environ 1 200 fidèles. Un orphelinat y accueillait des enfants pauvres et une communauté de religieuses Amantes de la Croix avait pris en charge l’éducation des enfants et les services caritatifs de la paroisse. Cette année-là, éclata la révolte des lettrés. Leurs troupes envahirent la paroisse, tuèrent 52 fidèles et détruisirent l’église. Les rescapés se réfugièrent à Dong Hoi. Après avoir reçu l’autorisation du pouvoir de l’époque, le curé, le P. Claude Bonin, et ses paroissiens construisirent l’église sur le bord du fleuve. La paroisse se nomma alors Tam Toa. Lorsque fut fondé le diocèse de Huê, elle en fit partie.

Cette première église de Tam Toa avait donc été élevée en 1887. En 1940, le P. René Morineau, alors curé de la paroisse, reconstruisit une église plus belle et plus vaste. Le prêtre français, membre de la Société des Missions Etrangères de Paris, sera, quelques années plus tard, placé en résidence surveillée par le Viêt-Minh dans une paroisse du diocèse de Vinh et y mourra.

En 1954, après les accords de Genève et la séparation du Vietnam en deux parties, la plupart des paroissiens de Tam Toa, comme beaucoup de catholiques de la région, quittèrent leur pays natal pour se réfugier dans le diocèse de Da Nang où ils fondèrent une nouvelle paroisse. Sur place, pendant quelques années, deux prêtres exercèrent encore leur ministère auprès de la communauté chrétienne restante. L’un mourut en 1962, le second fut nommé en un autre lieu en 1964. La paroisse se trouva alors sans prêtre. En 1969, des bombardiers américains prirent l’église comme cible et la détruisirent, ne laissant subsister que quatre murs et un clocher. Le lieu de culte est resté dans cet état jusqu’à nos jours. Malgré leur petit nombre et leur peu de ressources financières, les chrétiens de Tam Toa, ainsi d’ailleurs que l’archevêché de Huê, ont toujours souhaité reconstruire l’église que leur avaient transmise leurs ancêtres et n’ont jamais cessé leurs démarches pour obtenir cette autorisation.

Le 29 mars 1997, le Comité populaire de la province de Quang Binh, de sa propre initiative et sans consulter l’archevêque et les fidèles catholiques, décida de placer les ruines de l’église dans la liste des vestiges historiques destinés à rappeler le souvenir des crimes commis pendant la guerre. Le 15 mai 2006, l’archevêque de Huê procéda au transfert de la paroisse de Tam Toa et de toute la région du sud du Quang Binh au diocèse de Vinh. L’évêque du lieu nomma alors un curé pour sa nouvelle paroisse, une paroisse qui compte aujourd’hui quelque 1 500 fidèles établis pour la plupart dans la ville de Dông Hoi.

L’église étant en ruine, les activités religieuses avaient lieu dans la maison personnelle de l’un des paroissiens, située à une centaine de mètres de l’église. Le diocèse de Vinh avait accompli toutes les formalités demandées par le Comité populaire provincial, pour reconstruire l’église. Il avait justifié la légitimité de cette reconstruction par de nombreuses raisons tenant aux besoins de la communauté catholique, à l’histoire de l’Eglise en ce pays, aux droits accordés aux religions par la Constitution et la législation vietnamiennes. L’évêque avait également fait valoir auprès des autorités que la propriété des lieux par l’Eglise catholique était indubitable. En attendant cette reconstruction, de nombreuses fois, l’archevêque, accompagné de nombreux prêtres, avait célébré la messe sur le terrain de l’église en ruines, haut lieu de l’histoire de l’Eglise au Vietnam.

Ayant échoué dans leur tentative de récupérer le lieu de culte par des démarches auprès des autorités, le curé de Tam Toa et ses fidèles, de plus en plus à l’étroit dans leur lieu de culte provisoire, sont donc venus édifier sur le terrain de l’église un bâtiment provisoire, accolé à l’ancien clocher encore debout, convaincus qu’il s’agissait là d’une entreprise tout à fait conforme à la loi. Les autorités de la province ont pensé le contraire et envoyé des forces de police s’opposer avec une grande violence à cette tentative. Les catholiques du lieu estiment qu’en réagissant ainsi les autorités ont violé les lois en vigueur et ont gravement offensé les citoyens désireux simplement d’exercer leur droit à la liberté religieuse (1).