Eglises d'Asie

Andhra Pradesh : remous politiques autour du statut des dalit chrétiens

Publié le 25/03/2010




Le 26 août dernier, l’Assemblée législative de l’Andhra Pradesh a adopté une motion visant à étendre le statut de Scheduled Castes (SC, ‘castes répertoriées’) aux dalit chrétiens (1). Cette proposition d’amendement à la Constitution de l’Union indienne devra être présentée et votée par les instances fédérales avant d’avoir une chance de devenir effective.

La motion était présentée au Parlement de l’Etat par le ministre-président de l’Andhra Pradesh, Y.S. Rajasekhara Reddy, un membre éminent du Parti du Congrès. Agé de 60 ans, chrétien protestant lui-même, Y.S. Rajasekhara Reddy est connu pour son combat en faveur de l’élimination de toute discrimination fondée sur une appartenance de caste ou de croyance (2). A l’Assemblée de l’Andhra Pradesh, l’ensemble des partis, à l’exception notable de la droite nationaliste hindoue, a voté en faveur de la motion, y compris des formations qui sont dans l’opposition, telle le Telugu Desam Party, un important parti régional (3).

Le jour même où le texte était voté, le Bharatiya Janata Party (BJP, Parti du peuple indien), porte-drapeau des nationalistes hindous, ainsi qu’un autre parti extrémiste, le Lok Satta, ont tenu une conférence de presse pour déclarer qu’ils projetaient de lancer un vaste mouvement de protestation contre le gouvernement de l’Etat. L’un des leaders du mouvement nationaliste, Kishan Reddy, a réitéré les principales accusations des extrémistes hindous concernant la conversion des dalit au christianisme, assurant que la motion laisserait le champ libre aux missionnaires chrétiens et accentuerait les conversions d’hindous au christianisme. Bandaru Dattatreya, président du BJP pour l’Andhra Pradesh et ancien ministre au gouvernement de l’Union indienne, a déclaré que la proposition d’amendement était une manœuvre du Parti du Congrès afin de déposséder les Scheduled Castes de leurs droits légitimes accordés par la Constitution indienne. « La décision du gouvernement du ministre-président Y.S. Rajasekhara Reddy n’est rien d’autre qu’une politique de vote bank », a-t-il affirmé (4). Enfin, selon Jayaprakash Narayan, président du parti Lok Satta, la motion est anticonstitutionnelle. Il a rappelé que la Cour Suprême avait déjà statué sur le sujet des convertis au christianisme en 1986, leur refusant les privilèges accordés aux Scheduled Castes. Il a aussi précisé que, selon lui, un tel amendement nuirait aux intérêts des Scheduled Castes, qui se retrouveraient, entre autres, obligés de partager leur quota de 15 % de « postes réservés » au sein de la fonction publique (5).

Y.S. Rajasekhara Reddy a répondu à ces accusations en affirmant qu’il était nécessaire d’obtenir ce statut pour les dalit chrétiens, en raison des « discriminations qu’ils continuaient de subir de la part des hindous ». Accorder le statut de SC aux dalit chrétiens, a-t-il poursuivi, permettra à cette communauté de jouir de l’accès à l’éducation, des mêmes avantages socio-économiques et des mêmes droits que les autres dalit.

Au parti Majlis-e-Ittehadul Muslimeen (MIM), qui avait soutenu le projet devant l’Assemblée et avait demandé à ce que les dalit convertis à l’islam puissent également recevoir le statut de SC, le ministre-président a assuré que le gouvernement s’y montrait tout à fait favorable.

Les responsables des différentes Eglises chrétiennes n’ont pas tardé à réagir. Ils ont exprimé leur satisfaction de voir enfin aboutir cette première étape d’un amendement espéré depuis longtemps. Le secrétaire exécutif de la Fédération des Eglises de l’Andhra Pradesh, le P. Anthoni Raj Thumma, prêtre catholique, a fait remarquer, en réponse aux nationalistes hindous, que la Constitution avait déjà été amendée deux fois afin d’étendre le statut de Scheduled Castes aux dalit sikhs ainsi qu’aux dalit bouddhistes.