Eglises d'Asie

Lors de sa visite dans l’île, le dalai lama s’entretiendra avec le cardinal Shan

Publié le 25/03/2010




En visite à Taiwan du 30 août au 3 septembre 2009, le dalai lama, 74 ans, chef spirituel des bouddhistes tibétains, s’est entretenu avec le cardinal Paul Shan Kuo-hsi, 86 ans, évêque émérite du diocèse catholique de Kaohsiung. La rencontre a eu lieu le 2 septembre à Kaohsiung et, selon le planning communiqué par le gouvernement taiwanais, elle a constitué l’unique entretien du dalai lama avec une personnalité religieuse.

A Taiwan, où les chrétiens forment une minorité d’environ 4 % de la population, un porte-parole de la Conférence des évêques catholiques a déclaré que « l’Eglise préfère toujours le dialogue à la confrontation » et que « s’il n’est pas dans la mission de l’Eglise d’interférer directement dans la vie politique, l’Eglise a toujours enseigné et défendu la liberté de religion, une liberté qui est inhérente aux droits de l’homme ».

Organisée par une fondation bouddhique taiwanaise, l’entrevue entre les deux personnalités religieuses a eu lieu dans l’auditorium d’un centre commercial de Kaohsiung. Devant une assemblée d’un millier de personnes, le dalai lama et le cardinal ont, tour à tour, discuté du thème : « Loi céleste et loi naturelle : le dialogue sur l’humanité et la nature ». Le dalai lama a notamment évoqué le fait que l’éducation reçue aujourd’hui dans les écoles par les jeunes était trop centrée sur les aspects matériels de la vie, au détriment des valeurs morales. De par le monde, on perd de vue l’importance des vertus telles l’amour et la compassion. En Occident, a-t-il noté, autrefois, c’étaient les Eglises qui étaient les principales dispensatrices de l’éducation morale. Le cardinal Shan a abondé dans le même sens, en estimant que le monde avait besoin de développer l’éducation morale, le développement de l’humanité ne dépendant pas uniquement de facteurs matériels mais aussi éthiques, spirituels et religieux. A Taiwan, l’accent mis sur le développement économique et technique a affaibli la société, a-t-il affirmé.

Le dalai lama était invité à Taiwan par le Parti démocratique progressiste (DPP), dans l’opposition depuis l’élection à la présidence, en 2008, de Ma Ying-jeou, chef de file du Kouomintang, le parti nationaliste. Ce sont sept districts et villes du sud de l’île, dirigés par le DPP, qui avaient invité le leader tibétain, donnant à sa visite une tonalité humanitaire. En effet, au deuxième jour de sa visite, le dalai lama s’est rendu dans le sud de Taiwan, très affecté par le passage, le 8 août dernier, du typhon Morakot, qui a tué 475 personnes et causé la disparition de 87 autres. Le dalai lama s’est ainsi rendu dans le village de Hsiaolin, qui déplore 424 morts, mais a annulé une conférence de presse afin de ne pas provoquer l’ire de la Chine populaire.

Le régime de Pékin, qui tient Taiwan pour une province renégate et ne reconnaît pas la souveraineté de Taipei sur Taiwan, a, comme de coutume, violemment protesté contre cette visite. « Le dalai lama n’est pas seulement une personnalité religieuse. Sous prétexte de religion, il n’a cessé de s’impliquer dans des activités séparatistes », a notamment déclaré, à Pékin, un porte-parole du Bureau des Affaires taiwanaises. Toutefois, on peut remarquer qu’en 1997 et en 2001, lors des deux précédentes visites du chef tibétain à Taiwan, les protestations de la Chine avaient été encore plus vives. Cette fois-ci, la nature humanitaire du déplacement du dalai lama a permis à chacune des deux parties de ne pas aller trop loin dans l’escalade verbale. Le porte-parole du président Ma a souligné que la visite du dalai lama était « fondée sur des considérations humanitaires et religieuses qui ne devraient pas nuire aux liens entre la Chine et Taiwan », des liens qui se sont notoirement resserrés depuis l’arrivée au pouvoir du parti nationaliste et la défaite électorale du parti pro-indépendantiste. Dans la presse taiwanaise, certains commentateurs ont écrit que le président Ma avait autorisé la visite du dalai lama pour détourner l’attention de l’opinion publique des mécontentements provoqués par la réponse jugée lente des pouvoirs publics aux destructions provoquées par le typhon.