Eglises d'Asie

Alors que les affrontements entre l’armée et le groupe Abu Sayyaf s’intensifient, les responsables religieux tentent de construire la paix

Publié le 25/03/2010




Mardi 29 septembre, une mine posée par le groupe Abu Sayyaf (1) près de la ville d’Indanan, sur l’île de Jolo, a causé la mort de deux soldats américains, d’un marine philippin, et a blessé grièvement deux autres militaires. Il s’agit de la seconde attaque meurtrière contre les soldats américains présents dans l’île depuis 2002, afin de former l’armée des Philippines…

… à combattre le groupe islamiste, soupçonné de liens avec Al-Qaïda.

Selon les autorités militaires, l’attentat a été commis sur un convoi qui revenait de mission humanitaire, les marines américains n’étant pas autorisés à participer aux combats. Il intervient une semaine après la prise par l’armée philippine du camp retranché d’Abu Sayyaf dans la ville d’Indanan, considéré comme le principal bastion du groupe terroriste sur l’île de Jolo. Les militaires s’étaient emparés le 21 septembre de la place-forte des islamistes, à l’issue d’affrontements ayant fait, selon le général Benjamin Dolorfino, responsable des opérations dans le sud du pays, plus de 30 morts du côté des islamistes et huit du côté de l’armée.

Les îles de Jolo et de Basilan, à l’extrême sud des Philippines, sont le fief d’Abu Sayyaf ainsi que du Moro Islamic Liberation Front (MILF), dont l’armée a annoncé, le 23 septembre dernier, avoir capturé l’un des chefs, Camarudin Hadji Ali (‘Commandant Mudi’), recherché avec le commandant Ameril Umbra Kato, pour avoir brisé une trêve de cinq ans avec le gouvernement par des actes de violence armée. Le MILF a cependant démenti la nouvelle de l’arrestation de son chef de guerre.

L’offensive du 22 septembre contre le repaire d’Abu Sayyaf, fortement médiatisée par le gouvernement philippin, a fait cependant l’objet de vives critiques, et ce malgré les griefs que nourrit la population à l’égard du groupuscule islamiste. Le fait que l’armée philippine ait lancé son attaque le jour de l’Eid-al-Fitr, fête qui clôt le mois du ramadan, a profondément choqué l’ensemble de la population musulmane. Sur MindaNews, le 23 septembre, le Conseil philippin pour l’islam et la démocratie (PCID), ainsi que la Conférence nationale des oulémas des Philippines (NUCP), tout en réaffirmant leur condamnation des agissements d’Abu Sayyaf ainsi que de « tout autre groupe terroriste », s’interrogent sur les intentions véritables du gouvernement, qui a choisi de bombarder Indanan « au moment où les musulmans sont les plus vulnérables, en prière à la mosquée ».

Les critiques ont été d’autant plus vives que, dans les localités de Mindanao et de l’archipel de Sulu où vit une importante communauté musulmane, les chrétiens avaient souhaité participer avec les musulmans aux festivités de l’Eid-al-Fitr, dans un esprit de dialogue et de réconciliation. Parallèlement aux actions lancées récemment par le gouvernement afin de relancer le processus de paix avec le MILF, en créant notamment un nouveau groupe de médiation, les communautés chrétiennes et musulmanes du sud des Philippines avaient multiplié ces derniers temps les initiatives communes de réconciliation. L’une d’entre elles, « la Semaine pour la Paix », organisée par la Conférence des évêques et des oulémas (Bishop-Ulama Conference, BUC), se tiendra à Mindanao du 29 novembre au 3 décembre 2009, pour sa 11ème édition. Parmi les nombreux objectifs que se fixe la Conférence pour faire participer l’ensemble de la population au dialogue pour la paix, figurent en première ligne le tissage de liens entre les jeunes des communautés chrétienne et musulmane, ainsi que le développement de l’éducation et des échanges culturels (2).