Eglises d'Asie

Bengale-Occidental : l’Eglise catholique lance une campagne de prévention contre la traite des femmes

Publié le 25/03/2010




Une vaste campagne de sensibilisation et d’information sur le trafic des femmes, a été lancée en juin dernier par le Forum d’Action Sociale Udayani, dans le district 24 Parganas Sud, de l’Etat du Bengale-Occidental, l’une des régions les plus touchées par le fléau de la prostitution et de l’exploitation des êtres humains.Le P. Probal Gomes, à la tête de l’ONG catholique, mène un combat de prévention…

… et de lutte contre la traite des femmes depuis trois ans déjà dans ces villages du Bengale. S’il espère effectuer prochainement une enquête afin d’évaluer l’ampleur du phénomène dans le district, il avoue « que cela prendra probablement six mois avant d’avoir des résultats probants » (1).

Selon le prêtre jésuite, la meilleure technique pour contrer les organisations de trafiquants ne consiste pas à les affronter directement mais plutôt à agir au sein des villages, à travers des groupes de soutien et de sensibilisation pour les femmes, ou encore des équipes de jeunes ou des mouvements chrétiens. « Si nous ne déclenchons pas une prise de conscience parmi les populations de ce district, de nombreuses femmes disparaîtront pour toujours, et pas seulement dans les réseaux de prostitution mais aussi dans ceux de l’exploitation au travail », affirme-t-il.

Le Forum d’Action Sociale Udayani (USAF), travaille avec le service social du diocèse (Association des Collaborateurs au Développement du Bengale, ABCD), très au fait de ce phénomène qui affecte particulièrement la région. Son directeur, le P. Ignatius Philo Sarto, en est conscient : « Le trafic des êtres humains est l’un des plus graves problèmes auxquels nous avons été confrontés depuis 20-30 ans. » Selon les statistiques du Bureau national des délits, l’Etat du Bengale-Occidental a enregistré 61 des 149 cas de trafics de femmes pour la seule année 2005. Mais les médias locaux assurent que ces chiffres officiels ne sont que le sommet de l’iceberg.

Les régions rurales du Bengale sont considérées comme l’un des plus importants viviers des réseaux asiatiques, fournissant jeunes filles, épouses ou même enfants, vendues par leurs parents ou leurs maris, écrasés par le poids des dettes ou ne pouvant payer leur dot. Les victimes de ce trafic se retrouvent prostituées dans les grandes villes de Calcutta, New Delhi ou Mumbai (Bombay), ou encore envoyées dans les pays du Golfe.

Sorodindu Biswas, l’un des hauts responsables de l’USAF, explique que les trafiquants recherchent généralement des femmes entre 15 et 30 ans, spécialement celles ayant charge de famille et ayant des problèmes financiers, afin de les appâter en leur promettant un emploi. Il raconte comment il a tiré ‘in extremis’ d’un réseau de prostitution, une jeune femme qui s’était vue offrir par un officier de police la somme de 25 000 roupies (350 euros) pour un travail en dehors de l’Etat. Elle n’avait pas de compte en banque pour encaisser le chèque et c’est ce petit détail qui a révélé « un réseau de prostitution, dans lequel était impliqué un haut gradé de la police ». La victime était mère d’un petit garçon de 11 ans et cherchait désespérément comment rembourser l’argent que son mari avait emprunté pour ouvrir une échoppe de restauration dans leur village.

Face au manque d’information de la population, la prévention reste le meilleur moyen d’enrayer le fléau. « Chaque enfant entre 9 et 14 ans doit être pleinement informé de ce qui se passe ici », affirme le P. Probal Gomes qui a lancé une campagne de sensibilisation dans les écoles chrétiennes de la région.

Parallèlement, l’USAF implique les responsables locaux dans le travail de prévention, avec notamment la mise en place de « comités de vigilance » dans les quatre régions où travaille l’ONG. Chaque comité comprend des personnes encadrant les groupes de soutien aux femmes, des membres des clubs de jeunes, des responsables d’écoles et des représentants des instances gouvernementales locales.

Le P. Ignatius Philo Sarto explique que le réseau de surveillance s’appuie notamment sur des jeunes chargés de surveiller parmi les leurs, les signes qui indiqueraient que certains d’entre eux seraient mêlés à des trafics d’êtres humains ou qui, à l’inverse, feraient partie des populations ‘vulnérables’ aux trafiquants. Selon lui, l’un des signes décrit comme pouvant éveiller les soupçons, serait un usage excessif du téléphone portable, souvent révélateur, dit-il, d’une appartenance à un réseau de trafiquants.

Mais si ces mesures semblent avoir porté leurs fruits ces dernières années, avec de nombreuses personnes arrachées aux réseaux de prostitution, le prêtre avoue que les efforts des ONG catholiques « ne pourront être véritablement fructueux que lorsqu’[elles] auront reçu le soutien et l’aide des forces de police et des hommes politiques ».