Eglises d'Asie

Au Jharkhand, le travail de protection de l’environnement, entrepris par un chef de communauté aborigène, épargne tout un district des conséquences de la sécheresse

Publié le 25/03/2010




Tandis que les pluies de la mousson, qui s’étend de juin à septembre, ont été, cette année, d’un tiers inférieures à la normale, provoquant la pire sécheresse qu’a connue la moitié nord du pays depuis 1972, le patient travail de protection de l’environnement entrepris par un chef de communauté aborigène dans un district de l’Etat de Jharkhand porte ses fruits…

… et permet aux agriculteurs d’attendre de leurs terres des rendements satisfaisants.

Créé récemment, en 2000, le Jharkhand se caractérise par un peuplement où la composante adivasi, les communautés aborigènes (ou tribals), est importante. Situé au sud de l’Etat du Bihar, il est connu pour ses denses forêts primaires, ou plus exactement était connu pour son couvert forestier car celui-ci a très nettement diminué ces dernières décennies à mesure que l’exploitation des minerais, dont le sous-sol de l’Etat est riche, prenait de l’ampleur et que les forêts étaient converties en terres agricoles. Cette année, le déficit pluvial est le plus important qu’a eu à connaître le pays depuis 1972 et la sécheresse a eu des conséquences dramatiques, avec, notamment, de nombreux suicides de paysans endettés. Selon des travailleurs sociaux, des paysans ont été contraints de vendre leur femme pour rembourser des dettes. Des scènes de pillage ont par ailleurs été signalées au Jharkhand, des paysans affamés prenant d’assaut les entrepôts d’Etat.

Dans ce paysage marqué par la sécheresse et la désolation, la région de Bero, dans le district de Ranchi, fait toutefois exception. Selon Vidya Bhushan Kumar, fonctionnaire local, la cinquantaine de villages de la région de Bero, couvrant une surface agricole d’un peu plus de 800 hectares, « offrent un saisissant contraste » et leurs habitants se réjouissent de « l’abondance de la récolte » qui s’annonce. Tous créditent un seul homme comme étant l’artisan de leur bonne fortune : Simon Oraon, un paysan de 72 ans, connu sous le nom de « Baba » (‘père’).

Simon Oraon, membre de la tribu des Oraon, est analphabète. Chaque année, depuis 1960, il plante un millier d’arbres, une mission commencée sur les 4 000 m² de terres héritées de ses parents. Au fil des années, il a convaincu ses voisins que planter des arbres contribuait à conserver l’eau tombée du ciel et, à leur tour, les voisins ont accepté qu’il plante des arbres sur leurs terres. A cela, il a ajouté tout un travail de maîtrise de la ressource hydrique. « Baba a construit trois retenues d’eau, cinq étangs et trois canaux, permettant ainsi de transformer des espaces incultes en terres irriguées », explique Vidya Bhushan Kumar.

Simon Oraon est catholique et il compte parmi ses fervents admirateurs le P. Augustine Kerketta, un natif de Bero qui est devenu prêtre pour l’archidiocèse de Ranchi. « Baba travaille sans relâche pour encourager les gens à vivre en harmonie avec la nature », précise le P. Kerketta à l’agence Ucanews (1). Ses connaissances de l’environnement ainsi que ses qualités naturelles de leadership lui ont acquis le respect aussi bien de ses coreligionnaires que des hindous, des musulmans et des autres groupes tribaux de la région, ajoute-t-il, en soulignant que Simon Oraon a été élu Parha Raja (chef tribal) sans interruption depuis 1964. Il est l’unique chef tribal chrétien du Jharkhand et sa popularité a indirectement contribué à l’évangélisation et à la bonne image dont jouissent les chrétiens dans la région, explique encore le prêtre.

Les visiteurs qui franchissent le seuil de la maison de Simon Oraon ne peuvent manquer d’apercevoir le grand crucifix qui orne le mur principal. A côté des cadres qui abritent les distinctions reçues au fil des années, on ne peut pas ne pas apercevoir les images représentant le Christ, la Vierge Marie, la Sainte Famille et Mère Teresa. Interrogé sur son parcours, Simon Oraon reste avant tout modeste. « Des gens importants sont venus voir ce que j’ai fait. Ils m’appellent ‘l’ingénieur’, mais je ne suis pas un ingénieur. Je suis un analphabète, explique-t-il. Lorsque j’étais enfant, j’ai vu les arbres qui étaient coupés dans la forêt et les camions qui les emportaient au loin. Plus tard, j’ai compris l’importance de la forêt pour nos vies. » En 1960, la déforestation était déjà bien entamée et c’est à cette date qu’il a demandé aux habitants de son village de se réunir pour réagir. « Cela n’a pas été sans mal, mais nous avons réussi à donner un coup d’arrêt à la déforestation et à lancer le mouvement de reforestation. »

Dans une région où les communautés adivasi rencontrent souvent des difficultés à faire reconnaître leur droit de propriété sur leurs terres ancestrales, un des épisodes les plus tendus s’est produit en 1978 lorsque l’administration forestière locale a adjugé des parcelles de forêt à un entrepreneur pour une coupe. Les villageois ont dû sortir leurs arcs et leurs flèches pour protéger leurs arbres. L’entrepreneur est revenu plus tard à la charge en obtenant de l’administration la permission de collecter des pierres dans la forêt, en fait pour abattre clandestinement des arbres. Surpris par des villageois, il fut puni et les bûcherons n’ont depuis plus remis les pieds dans la région de Bero.

Les habitants de Bero ne tarissent pas d’éloges envers Simon Oraon, y compris parmi ceux qui ont accepté de sacrifier une partie de leurs terres pour creuser des étangs ou constituer des retenues d’eau. Luisa Kachhap, une aborigène catholique, a ainsi donné 1,6 hectare de terres : « Nous en sommes heureux car aujourd’hui, grâce à cela, des centaines d’hectares sont irrigués. »