Eglises d'Asie

POUR APPROFONDIR – Récit de l’expulsion des religieux bouddhistes de la communauté de Bat Nha

Publié le 25/03/2010




Dans les colonnes d’EDA 514, en date du 1er octobre 2009, Eglises d’Asie a rendu compte de l’expulsion manu militari, le 26 septembre 2009, de près de 400 religieux et religieuses bouddhistes de leur monastère du Centre-Vietnam. On lira ci-dessous un texte écrit par un religieux du « Village des Pruniers », la communauté installée dans le sud-ouest de la France, …

… qui est en lien avec les religieux expulsés à Bat Nha, au Vietnam (1).

 

Nos Frères et Sœurs battus et chassés de leur monastère

Samedi 26 septembre à 09h45, heure locale, un groupe de 150 personnes a investi le monastère de Prajna, dans la province de Lam Dong au Vietnam, où vivent 379 religieux bouddhistes, hommes et femmes. Il s’agit des membres de la communauté du Village des Pruniers, fondée par Thich Nhat Hanh, lui-même contraint à l’exil en France du fait de ses positions sur la question des droits de l’homme.

D’après de nombreux témoignages, le groupe qui a investi le monastère serait composé de fonctionnaires, de policiers en civil, ainsi que d’inconnus payés pour se joindre à l’attroupement. Des policiers en uniformes ont encerclé le périmètre par des barrages afin d’empêcher quiconque d’accéder au monastère.

Le groupe a violemment pris à parti les moines qui étaient alors en méditation. Ces derniers, formés aux méthodes non violentes, n’ont opposé aucune résistance. Le groupe s’est emparé de deux des principaux moines de la communauté, Phap Hoi et Phap Tu, les traînant sauvagement dehors.

Puis, les manifestants ont violemment expulsé les moines et les novices des bâtiments composant le monastère. Tous ont subi une fouille au corps et tous les téléphones portables et les appareils photo ont été confisqués, les privant de leurs seuls moyens de communication avec l’extérieur. En effet, la police a coupé les lignes téléphoniques au mois de juin. Les rares biens possédés par les moines ont été rassemblés dans la cour centrale, sous la pluie de la mousson.

Trente moines auraient été séparés du groupe principal pour être détenus quelque part au sein du monastère. Un autre groupe de cinquante moines ont été violemment entassés dans un camion de travaux publics ainsi que dans trois taxis. Un novice a été étranglé (il est encore en vie) ; un autre jeune novice a été sévèrement battu. Ils ont été enlevés et on ignore à ce jour où ils sont gardés.

Puis, la troupe s’est dirigée vers les hameaux des nonnes. Ils ont fracassé les portes et violemment expulsé les cent religieuses qui résident au hameau des « Nuages au-dessus de la Montagne ». Elles ont été conduites de force au bas de la colline. Celles qui ont glissé dans la boue ont alors été battues pour qu’elles se relèvent.

Les assaillants ont également tenté de forcer les portes du second hameau de nos sœurs mais ils n’ont pas réussi à briser la porte principale.

Nos frères ont pu se réfugier au temple Phuoc Huê, à 17 km de là. Ils y sont allés à pied, à jeun, sous la pluie battante. Deux d’entre eux, épuisés, se sont évanouis en chemin. Nos sœurs ont eu la permission de rester une nuit de plus, à condition de partir le lendemain matin, sous menace de mort. Elles sont donc allées se réfugier lundi matin dans ce même temple. L’abbé du temple Phuoc Huê, malgré les dangers qu’il encourait, a déclaré prendre sous sa protection toute la communauté. De nombreux Vénérables sont venus apporter leur soutien, ainsi que de nombreuses personnes des environs. Mais les autorités ont exigé que tous nos Frères et Sœurs partent avant la nuit. Ils n’avaient aucun lieu d’accueil.

Les moines et les nonnes de ce monastère ont adhéré en 2005 aux principes et pratiques enseignés par Tich Nhat Hanh, qui a fondé le Village des Pruniers situé en Dordogne. En juin 2008, l’abbé du monastère vietnamien a fait savoir qu’il subissait des pressions de la part du gouvernement (et plus spécialement de la police religieuse et du Comité gouvernemental pour les Affaires Religieuses). Depuis, la situation s’est détériorée et le monastère a été victime d’un certain nombre d’actes de violences. Lors d’une attaque précédente le 29 juin de cette année, des propriétés avaient été confisquées et détruites et des huttes brûlées.