Eglises d'Asie – Inde
Jharkhand : à Ranchi, la communauté aborigène chrétienne célèbre le centenaire de sa cathédrale et de son évangélisation
Publié le 25/03/2010
… de l’archidiocèse catholique de Ranchi auront duré un an. Le 4 octobre dernier, le cardinal Telesphore Placidus Toppo, archevêque de Ranchi et président de la Conférence des évêques catholiques de l’Inde (CBCI), rappelait lors de la messe de clôture du centenaire que la cathédrale Sainte-Marie était « devenue un véritable lieu de pèlerinage pour l’Eglise aborigène ». Ici, a-t-il expliqué, se trouve la source de l’incroyable développement de la communauté chrétienne dans ces régions du nord de l’Inde et plus particulièrement de celles du plateau du Chotanagpur (Chota Nâgpur) qui couvre la plus grande partie de l’Etat du Jharkhand. Mgr Binay Kandulna, évêque auxiliaire catholique de Ranchi, a souligné, quant à lui, que la cathédrale était « le symbole de la foi, de l’évangélisation et de l’identité de l’Eglise catholique dans la région ».
Les catholiques aborigènes du Chotanagpur jouent aujourd’hui « un rôle clé dans l’Eglise de l’Inde », a ajouté Mgr Toppo, lui-même premier aborigène en Asie à avoir été élevé au cardinalat (1). De cette communauté sont issus des centaines de prêtres et de religieuses qui maintenant travaillent dans toutes les régions du monde, a-t-il précisé.
Aujourd’hui, l’archidiocèse de Ranchi, dont la population est essentiellement aborigène (adivasi ou ‘tribals’), compte 125 000 catholiques répartis sur 32 paroisses, soit plus de 4 % de la population. Un pourcentage relativement élevé au regard de la moyenne nationale, le dernier recensement en date (2001) indiquant que l’Inde compte 2,3 % de chrétiens. L’Eglise joue également au Jharkhand un rôle socio-économique et culturel conséquent avec ses nombreuses institutions d’enseignement, centres médicaux, services d’aide sociale et juridique (2).
La cathédrale Sainte-Marie abrite les restes du P. Constant Lievens, missionnaire jésuite belge que l’Eglise aborigène révère comme « l’apôtre du Chotanagpur ». Se dépensant sans compter, le P. Lievens avait initié et mené avec succès un combat pour la restauration des droits et de la dignité des adivasi, tout en évangélisant la région sans relâche, créant structures sociales, écoles et centres de catéchisme. Au moment de sa disparition, sept ans plus tard, la région, où vivaient moins de 3 000 chrétiens à l’arrivée du missionnaire, comptait plus de 70 000 catholiques (3). Tous les ans, à l’occasion de la commémoration de la mort du P. Lievens, le 7 novembre, une grande célébration rassemble des milliers de chrétiens de tout l’archidiocèse. Une cause en béatification de l’apôtre du Chota Nâgpur a été introduite officiellement en 2001 par le diocèse de Bruges, à la demande de celui de Ranchi.
Si le P. Lievens personnifie l’élan missionnaire qui rayonne depuis plus d’un siècle depuis Ranchi, la cathédrale reste, pour les communautés chrétiennes de la région, le symbole de l’implantation de l’Eglise aborigène en Inde du Nord. Première église catholique du Chotanagpur, elle fut construite par les successeurs jésuites du P. Lievens, avec des fonds apportés par l’Eglise de Belgique. La première pierre de la cathédrale fut posée en 1906 et l’église consacrée solennellement en octobre 1909. La structure monumentale, de style néo-roman, pouvait à l’origine contenir environ 3 000 fidèles. Depuis, de nombreux aménagements ont été entrepris afin d’accroître la capacité d’accueil du lieu de culte, en raison de l’accroissement du nombre des chrétiens ces vingt dernières années.
De nombreuses personnalités religieuses ont tenu, à l’occasion du centenaire, à rendre hommage au symbole que représente la cathédrale de Ranchi, comme Nelson Lakra, chef de l’Eglise évangélique luthérienne Gossner, qui a déclaré qu’« elle était une porte de salut pour beaucoup », ou comme le P. Lucas Tirkey, ancien curé de la cathédrale, qui a rapporté que « même les hindous respectaient la cathédrale Sainte-Marie », certains venant s’y se recueillir, et bon nombre d’entre eux joignant les mains et inclinant la tête en signe de respect lorsqu’ils passaient devant le sanctuaire. Une attitude qui mérite d’être soulignée dans une région où les violences antichrétiennes de la part des extrémistes hindous sont récurrentes (4). Depuis son accession au cardinalat, le cardinal Toppo est ainsi fréquemment la cible des hindouistes, en particulier des membres du BJP, le parti nationaliste hindou, revenu récemment à la tête de l’exécutif du Jharkhand. Le cardinal aborigène personnifie à leurs yeux l’expansion du christianisme parmi les populations adivasi. Accusé régulièrement par les extrémistes hindous de faire pratiquer des « conversions forcées », le prélat se contente de réaffirmer avec constance que « le principe de la conversion forcée n’existe pas dans l’Eglise, celle-ci ne la pratiquant pas et la considérant comme invalide » (5).