Eglises d'Asie

Nouvelle profanation d’une église au Karnataka : l’archevêque de Bangalore dénonce l’inaction du gouvernement

Publié le 25/03/2010




Dans la nuit du samedi 7 novembre, l’église catholique Saint-Anthony à Kavalbyrasandra, dans la banlieue de Bangalore, a été vandalisée et profanée. Le sacristain a découvert le saccage en ouvrant l’église pour préparer la messe dominicale, vers 5 heures du matin, le dimanche 8 novembre. Le tabernacle avait été fracturé et les hosties jetées à terre, les placards mis à sac, …

… les troncs des offrandes forcés, un calice en or, deux ciboires et d’autres objets liturgiques dérobés (1). Selon le curé de la paroisse, le P. Arockiadas, l’église, qui compte près de 5 000 paroissiens, venait de rouvrir, le 11 septembre dernier, après des travaux d’agrandissement, et aucun incident ou affrontement avec les communautés non chrétiennes n’avait été rapporté.

L’Etat du Karnataka a subi « de très nombreuses attaques d’églises » mais « aucun coupable n’a jamais été appréhendé, malgré les promesses qui m’ont été faites par les forces de police », s’est indigné Mgr Bernard Moras, archevêque catholique de Bangalore, lequel s’est adressé aux médias le jour-même. Le prélat a également déclaré qu’il était choqué par l’inaction du gouvernement et qu’il avait totalement perdu confiance en la police. « Je suis profondément blessé par cette profanation du Saint-Sacrement, qui est au cœur de notre foi », a-t-il ajouté. Il a appelé au calme les paroissiens, qui, au nombre d’un millier environ, s’étaient rassemblés à l’église pour prier. Des forces de police ont patrouillé dans le quartier avec des chiens policiers, pendant que des experts cherchaient à relever des empreintes et des indices.

Le 10 septembre dernier, une autre église avait été vandalisée, alors que les chrétiens du Karnataka s’apprêtaient à commémorer le triste anniversaire des attaques antichrétiennes de l’année dernière, perpétrées par des extrémistes hindous. L’église Saint-François de Sales à Hebbagudi, dans la banlieue de Bangalore, avait été forcée en pleine nuit par un groupe d’environ 25 individus non identifiés ; une dizaine de vitraux avaient été brisés et les statues d’un calvaire s’élevant devant le sanctuaire avaient été détruites. Le curé de la paroisse en avait appelé au gouvernement de l’Etat : « Nous réclamons justice auprès du gouvernement et des autorités concernées afin que les citoyens indiens puissent pratiquer leur religion en sécurité (…). » A l’époque, un débat houleux avait agité l’Assemblée législative du Karnataka : « Depuis que le Bharatiya Janata Party (BJP) est arrivé au gouvernement en mai 2008, il y a sans cesse des attaques d’églises, de mosquées et d’autres lieux de culte. Il n’y a plus d’harmonie sociale et religieuse », avait accusé l’un des chefs de l’opposition (2).

Après l’Orissa, épicentre des violences antichrétiennes de 2008, l’Etat du Karnataka a en effet été l’un de ceux les plus touchés par les attaques, avec plus d’une quarantaine de lieux de culte saccagés et de nombreux chrétiens agressés et grièvement blessés (3). L’inaction, voire la complicité du gouvernement et de la police lors des attaques – des membres des forces de l’ordre ayant été jusqu’à prêter main forte aux agresseurs –, avaient été montrées du doigt, en particulier par Mgr Moras. Comme il l’avait fait avec l’Orissa, le gouvernement fédéral avait alors menacé le Karnataka de reprendre la situation en main si l’Etat se montrait incapable de contrôler les fanatiques hindouistes. La Constitution du pays permet en effet une intervention fédérale si l’un des Etats ne peut plus protéger les droits des citoyens.

De leur côté, les chrétiens du Karnataka avaient décidé, toujours à l’initiative de Mgr Moras, de se regrouper dans un forum œcuménique, le KUCFHR, afin de défendre leurs droits fondamentaux. Des délégations de 113 dénominations chrétiennes s’étaient rassemblées dans une grande démonstration d’unité le 19 juin dernier. Le Forum s’était doté d’une direction tricéphale, avec Mgr Moras, également président du Conseil des évêques catholiques du Karnataka, l’évêque de la l’Eglise de l’Inde du Sud (Church of South India, CSI) et celui de l’Eglise méthodiste (4).

Selon les statistiques nationales de 2001, l’Etat du Karnataka compte près de 53 millions d’habitants, en grande majorité hindous, les musulmans représentant environ 12 % de la population et les chrétiens moins de 2 %, subissant régulièrement les attaques des fondamentalistes hindous.

Comme lors de l’attaque de septembre dernier, le ministre de l’Intérieur du Karnataka, V. S. Acharya, membre du BJP, a qualifié la profanation de l’église Saint-Anthony d’« incident mineur ».