Eglises d'Asie

Emigrés philippins : les hommes, principaux clients d’un site catholique de conseil en ligne

Publié le 25/03/2010




L’émigration des Philippins, hommes et femmes, est un phénomène bien connu : il est estimé que 8 millions des 91 millions de Philippins, soit un cinquième de la population active, vivent à l’étranger. L’Eglise catholique a souvent dénoncé les dangers de cette émigration systématique ; elle a aussi œuvré à mettre en place des structures pour venir en aide aux Philippins partis s’employer à l’étranger.

A l’heure d’Internet, la célèbre université jésuite de Manille, l’Ateneo de Manila University, a mis en place un site dédié aux migrants et à leur famille, OFWOnline.com (pour Overseas Filipino Workers Online), afin d’apporter à cette population aide et conseil personnalisés.

Lancé en juillet dernier, le site est animé par un département de l’université jésuite, le Center for Organization Research and Development (CORD). Disponible en tagalog, langue vernaculaire de la partie nord des Philippines, et en anglais, il permet aux internautes qui viennent s’y connecter de discuter en ligne avec leur famille restée au pays, de prendre part à des forums de discussion afin d’échanger sur leurs expériences de vie, et enfin de contacter directement et personnellement un conseiller spécialement formé par le CORD.

Regina Hechanova fait partie des conseillers choisis pour répondre aux questions des émigrés philippins et de leurs familles. Psychologue de formation, elle explique que le flot des connexions va régulièrement en augmentant depuis le lancement du site. Environ 60 % des visites proviennent du Moyen-Orient, le reste étant réparti entre l’Asie, l’Afrique, l’Australie et l’Amérique du Nord ; une petite partie du trafic vient des migrants qui sont rentrés au pays et se connectent pour chercher conseil. Parmi toutes les motivations qui amènent les Overseas Filipino Workers (OFW) à se connecter, la principale, analyse Regina Hechanova, est la solitude, suivie des questions liées à la fidélité dans le couple, l’homosexualité, les problèmes financiers ou bien encore le harcèlement sexuel au travail. « Les problèmes liés aux relations interpersonnelles sont les plus fréquents », note la psychologue, les Philippins partis gagner leur vie au bout du monde se plaignant du fait qu’ils vivent loin de leur femme et disant craindre l’infidélité conjugale. « Ils vivent mal ce qu’ils ressentent comme des pressions exercées sur eux par leur foyer et ils ne comprennent pas ce que leurs proches attendent d’eux », poursuit-elle.

Après quelques mois de fonctionnement du site, l’une des principales surprises est que les OFW qui se connectent sont en majorité des Philippins – et non des Philippines. « Traditionnellement, dans le domaine du conseil personnel, ce sont les femmes qui répondent majoritairement présentes », reconnaît pourtant Regina Hechanova. Or, il s’avère que trois sur quatre des visiteurs du site – à qui il est demandé de s’enregistrer avec un identifiant et un mot de passe – sont des hommes. Cette caractéristique, « très inédite », s’expliquerait par le fait que, parmi les Philippines et les Philippins expatriés, les hommes ont un accès à Internet plus facile que les femmes. De plus, le fait que le site garantisse l’anonymat à ses utilisateurs, s’ils le souhaitent, rassure sans doute certains hommes, qui, dans le cas contraire, s’estimeraient « menacés » ou « honteux » de chercher ainsi à se faire aider.

« Parmi nos utilisateurs, ce sont principalement des ‘cols blancs’ qui se connectent : des architectes, des infirmières, des informaticiens ; il y a peu d’employées de maison ou de travailleurs non qualifiés, précise encore Regina Hechanova. Ceci explique certainement pourquoi les hommes sont surreprésentés sur notre site : ils ont accès à Internet dans le cadre de leur travail. »

Pour le P. Edwin Corros, secrétaire exécutif de la Commission pour la pastorale des migrants de la Conférence épiscopale philippine, le succès d’OWFOnline indique qu’il y avait là une demande et il se réjouit que l’Eglise sache y répondre. Toutefois, souligne-t-il pour le déplorer, ceux des émigrés qui ont sans doute le plus besoin des conseils proposés ne figurent pas ou peu parmi les « clients » du site, à savoir « les employées de maison ou bien les travailleurs isolés et vulnérables ».

Regina Hechanova espère qu’à l’avenir, le site parviendra à toucher ces personnes. Des contacts ont été pris avec les organismes publics qui organisent le départ de la main-d’œuvre philippine à l’étranger. Dorénavant, les candidats au départ seront informés de l’existence du site et des services qu’il propose durant les formations qu’ils suivent avant de quitter les Philippines.