Eglises d'Asie

La crise politique déclenchée par les maoïstes fait vaciller le gouvernement et inquiète l’Eglise catholique

Publié le 25/03/2010




« La situation pourrait prendre un mauvais pli, vu la nature de nos chefs politiques. La population est fatiguée de cette classe politique qui semble ne s’intéresser qu’au pouvoir, négligeant les besoins réels des gens. » Par ces mots, le P. Pius Perumana, pro-vicaire apostolique du Népal, confiait récemment son inquiétude à l’agence Fides (1). Selon le bras droit de Mgr Sharma, vicaire apostolique de la jeune Eglise catholique du Népal (2), …

… on assiste, depuis l’arrivée au pouvoir des maoïstes en 2008, à la détérioration progressive de la situation des chrétiens : mesures discriminatoires, tentatives de sécularisation forcée, montée des extrémismes, attentats comme celui qui a pris pour cible la principale église du Népal, Sainte-Marie de l’Assomption, et a fait trois morts et de nombreux blessés en mai dernier (3). De plus, un conflit particulièrement sévère a, entre autres, opposé les écoles catholiques aux militants maoïstes de décembre à mai 2009. Mais le retour dans l’opposition des anciens guérilleros, il y a cinq mois, a plongé le pays dans une crise politique et économique encore plus profonde.

« L’Assemblée constituante, élue pour rédiger la nouvelle Charte constitutionnelle, n’a toujours pas commencé ses travaux et rien ne semble bouger dans cette direction. Pendant ce temps, la souffrance et le malaise de la population augmentent. C’est de cela que nous nous occupons et, en tant que communauté catholique, nous faisons notre possible pour les alléger (…), analyse encore le P. Perumana. Les maoïstes ont recommencé à manifester, cette fois au nom de la ‘suprématie de la société civile’… mais eux-mêmes ne savent pas bien ce que signifie ce slogan. L’unique certitude est qu’ils veulent revenir au pouvoir. Ils ont annoncé une semaine d’agitation, menaçant de manifestations encore plus vives si leurs requêtes n’étaient pas écoutées. Mais personne ne semble avoir confiance en eux. L’équilibre politique est vraiment précaire… »

Depuis la démission fracassante, en mai dernier, du Premier ministre Prachanda (4), les militants maoïstes paralysent chaque jour davantage le pays, multipliant les grèves et les manifestations, bloquant les rouages administratifs et législatifs, en usant de leur représentation à l’Assemblée constituante où ils détiennent 40 % des sièges. C’est ainsi que le budget de l’Etat devait être approuvé par le Parlement il y a trois mois et que, par voie de conséquence, les hôpitaux, les écoles, les projets de développement et toutes les institutions dépendant des subsides du gouvernement ainsi que tous les fonctionnaires – qu’ils soient ministres ou simples agents de police –, ne reçoivent plus rien.

Au début du mois de novembre 2009, les maoïstes ont fait monter la tension d’un cran en annonçant une grande offensive dirigée contre le gouvernement, lequel devrait faire face, s’il n’acceptait pas leurs revendications, à un soulèvement du pays, voire à la reprise de la lutte armée. Après avoir bloqué pendant deux jours les voies d’accès à la capitale, ils étaient des milliers à Katmandou, le 12 novembre, à manifester devant Singha Durbar, siège principal du gouvernement, provoquant des émeutes et des affrontements violents avec les forces de l’ordre. Comme annoncé, la manifestation baptisée « IIIème mouvement du peuple » s’était poursuivie le lendemain avec plus de 150 000 participants, auxquels s’est adressé Prachanda : « Aujourd’hui, tout Katmandou est avec les maoïstes mais le gouvernement ne veut pas nous entendre ! »

Jeudi 19 novembre, soit une semaine après leur démonstration de force devant Singha Durbar, les maoïstes ont lancé au gouvernement un ultimatum qui expirait le vendredi 20 novembre, exigeant que soient acceptées « en bloc » toutes leurs revendications, dont la fameuse « suprématie de la société civile ». En cas d’échec des négociations, les militants menés par Prachanda menaçaient de plonger tout le pays dans le chaos. Le 20 novembre, selon les quotidiens locaux, la rencontre du Premier ministre Madhav Kumar avec Prachanda semblait n’avoir rien donné, hormis un engagement à trouver rapidement « une voie moyenne », dont les modalités n’ont pas été définies par les deux protagonistes, afin de sortir le plus rapidement possible de l’impasse. Depuis, toujours sous la menace d’une troisième phase de protestation, différentes échéances ont été fixées par les maoïstes dont la dernière a permis enfin de voter le budget de l’Etat le mercredi 25 novembre (5).

Le blocage de la situation pousse aujourd’hui chacune des parties à aller chercher conseil et appui auprès de ses alliés. Tandis que le ministre de l’Intérieur népalais, Bhim Rawal, allait rencontrer son homologue indien, P. Chidambaram, du 17 au 19 novembre, le parti maoïste envoyait à Pékin, Nanda Kishore Pun Pasang, chef de la guérilla maoïste, toujours active (6).
De l’influence des deux géants qui l’enserrent dépend peut-être aujourd’hui l’avenir de la jeune République himalayenne.