Eglises d'Asie – Corée du sud
L’Eglise catholique voit dans les mesures de relance économique, « une politique au service des riches »
Publié le 25/03/2010
Mgr Boniface Choi Ki-san, évêque d’Incheon et président de ‘Justice et Paix’, intervenant en prévision de la tenue du 28ème « Dimanche des droits de l’homme », le 6 décembre dernier, a particulièrement dénoncé dans un communiqué publié en novembre « les projets de développement menés à marche forcée qui se traduisent systématiquement par l’expulsion de citoyens économiquement défavorisés ». Il a notamment pris pour cible le projet présidentiel de « Réhabilitation de quatre grands fleuves », récemment lancé.
Ce projet, qui prévoit le dragage et la construction de plusieurs barrages sur le cours de quatre des principaux fleuves du pays, a pris la suite du grand projet de canal qui devait rallier Séoul à la ville portuaire de Busan (Pusan). Face aux multiples oppositions soulevées par cette entreprise pharaonique, le président Lee Myung-bak avait fait machine arrière, pour finalement présenter le projet de « réhabilitation » des quatre fleuves. Ses adversaires politiques dénoncent ce nouveau plan comme une continuation déguisée du grand canal initialement envisagé.
Dans son communiqué, Mgr Boniface Choi a joint sa voix aux multiples oppositions que le projet de réhabilitation des fleuves suscite. « Parce qu’il entraînera la destruction des écosystèmes en place, il aura pour conséquence une atteinte irrémédiable à l’environnement », a dénoncé le prélat, mettant en avant le coût très élevé du projet (22,2 trillions de wons, soit 13 milliards d’euros). Il a aussi fait remarquer que ce plan bénéficierait en premier lieu aux plus grandes entreprises coréennes, onze d’entre elles ayant déjà été retenues pour construire les 16 barrages prévus. Les grands noms de l’économie coréenne y figurent : Hyundai, Daewoo, Samsung ou encore POSCO. En filigrane, Mgr Boniface Choi souligne la permanence des liens supposés proches entre le président Lee, qui est l’ancien PDG de la branche construction du géant Hyundai, et le monde des affaires (1).
Dans son communiqué, le président de ‘Justice et Paix’ est également revenu sur l’affaire connue sous le nom de « l’incident de Yongsan », qui s’est produit en janvier de cette année. A Yongsan, un quartier de Séoul, l’expulsion de locataires d’un immeuble promis à la destruction dans le cadre d’un programme de rénovation urbaine avait mal tourné ; des échauffourées avaient eu lieu entre, d’un côté, des locataires et des militants et, de l’autre, les forces de l’ordre ; un incendie avait éclaté et cinq occupants de l’immeuble ainsi qu’un policier y avaient trouvé la mort. Selon Mgr Boniface Choi, les autorités ont fait preuve d’« une attitude irresponsable » à l’égard des victimes, « brûlées vives au cours d’une intervention violente de la police ». L’incident de Yongsan, qui avait provoqué d’importantes manifestations anti-gouvernementales au printemps 2009 (2), est revenu au premier plan de l’actualité en octobre dernier lorsqu’un tribunal de Séoul a prononcé des peines de prison ferme contre des locataires de l’immeuble en question, accusés d’avoir blessé des policiers par des lancers de cocktails Molotov. « Dans bien des cas, les projets de rénovation ou de réhabilitation (…) ne sont menés que dans le seul intérêt des riches et des puissants, sans considération pour les pauvres », écrit encore Mgr Boniface Choi.
En appui aux déclarations du président de ‘Justice et Paix’, l’évêque émérite du diocèse de Suwon, Mgr Paul Choi Deog-ki, a célébré une messe en plein air, le 24 novembre, sur les rives de l’un des quatre fleuves concernés par les futurs grands travaux gouvernementaux. Quelque 400 prêtres, religieux et militants associatifs des diocèses de Séoul, Incheon, Suwon et Uijeongbu l’entouraient.
Du côté du gouvernement, les autorités répondent aux critiques qui leur sont faites en affirmant que le projet des quatre fleuves présente toutes les garanties nécessaires en matière de protection de l’environnement. A la municipalité de Séoul, on explique que le programme de rénovation urbaine à Yongsan vise justement à revitaliser un quartier marqué par la pauvreté. « Les tensions sont apparues entre les propriétaires des immeubles et leurs locataires qui, expulsés, réclament des indemnités plus élevées. La ville, quant à elle, a toujours pris en considération les droits des locataires », explique, sous le sceau de l’anonymat, un haut fonctionnaire de la métropole (3).