Eglises d'Asie

Java-Ouest : une foule a saccagé une église catholique

Publié le 25/03/2010




Dans la soirée du 17 décembre dernier, une foule de plusieurs centaines de personnes a attaqué une église catholique située dans une ville proche de la capitale Djakarta. L’incident n’a pas fait de victime mais le lieu de culte, dont la construction avait commencé en mai 2008 et devait s’achever prochainement, a été amplement saccagé.Dédiée à saint Albert, installée dans un quartier résidentiel, …

… l’église saccagée est une chapelle de la paroisse Saint-Michael, située à Bekasi, agglomération proche de Djakarta, dans la province de Java-Ouest. Selon Christina Maria Rantetana, présidente du comité de construction de l’église Saint-Albert et, par ailleurs, conseillère auprès du ministre-coordinateur de la Politique, du Droit et de la Sécurité dans le gouvernement indonésien, « une foule d’un millier de personnes est arrivée aux abords de l’église aux environs de 22h45 (le jeudi 17 décembre) et s’est mise à caillasser l’édifice. Certains sont entrés à l’intérieur et ont tenté d’y mettre le feu ». La police ayant été immédiatement prévenue par Christina Maria Rantetana, plusieurs agents ont rapidement été dépêchés sur les lieux mais ils n’ont pas réussi calmer la foule, parmi laquelle se trouvaient des femmes et des enfants. Selon un témoin, employé sur le chantier de construction, les assaillants criaient : « Détruisez-la ! Détruisez-la ! Remplaçons l’église par une mosquée ! » Le calme n’est revenu qu’aux alentours de minuit lorsque des forces de police supplémentaires, plusieurs centaines de policiers selon le Jakarta Post (1), ont finalement été envoyées sur place depuis le poste principal de Bekasi ; les forces de l’ordre ont fait usage de gaz lacrymogène pour disperser la foule.

Selon Christina Maria Rantetana, la communauté catholique locale compte bien célébrer Noël dans son église, malgré les dégradations commises. « Nous continuerons à utiliser notre église même si elle n’a plus de murs et si nous devons nous asseoir sur des chaises en plastique », a-t-elle commenté. Elle a aussi démenti les accusations selon lesquelles le lieu de culte aurait été construit sans avoir les autorisations nécessaires. « Toutes les procédures administratives et légales ont été observées pour l’obtention du permis de construire », a-t-elle précisé. En Indonésie, la construction des lieux de culte est très étroitement encadrée par la loi, un permis de construire ne pouvant être délivré que si, à l’issue de procédures complexes, le voisinage a explicitement donné son accord à cette construction ; la procédure est si lourde que, concrètement, il s’avère très difficile pour les communautés chrétiennes d’édifier de nouveaux lieux de culte, les islamistes n’hésitant pas à agiter le spectre d’une « christianisation » du pays pour mobiliser le voisinage des terrains choisis par les chrétiens pour y construire une église ou un temple (2). Geovani Baptista Rosi Iwan, responsable de la communauté catholique locale, a assuré que rien ne pouvait laisser prévoir l’attaque du 17 décembre. Dans ce quartier résidentiel en pleine expansion, les catholiques, au nombre de 5 500, se réunissaient sans problème en divers lieux, pour les trois messes dominicales. Construire pour un coût de 15 milliards de roupies (1,1 million d’euros) sur un terrain de 7 000 m², l’église Saint-Albert a été conçu pour accueillir 2 000 fidèles.

Selon Imam Sugianto, chef de la police à Bekasi, dont les propos sont rapportés par le site indonésien tempointeraktif.com, l’attaque de l’église Saint-Albert n’a pas été préméditée. « La foule s’était rassemblée pour célébrer le premier jour du Nouvel An islamique, le début du mois de Muharram. Lorsqu’elle est passée devant l’église, elle a été provoquée et a riposté », a-t-il déclaré après avoir interrogé des acteurs de l’attaque. Le policier a ajouté que, le 18 au soir, une seule personne était encore maintenue en garde à vue.

Selon les observateurs, si l’incident de Bekasi met une nouvelle fois en évidence la difficulté, pour les Eglises chrétiennes, de bâtir les lieux de culte nécessaires à la vie des communautés de fidèles, il intervient quelques jours avant Noël, une période sensible, notamment depuis les attentats de la nuit de Noël 2000 perpétrés dans des églises chrétiennes et qui avaient fait dix-neuf morts. Depuis, le pouvoir indonésien a mis en place un très important dispositif de sécurité aux entrées des lieux de culte chrétiens (3). La nuit de Noël, la mobilisation des forces de l’ordre est comparable à celle déployée pour Idul Fitri, les célébrations de la fin du ramadan.