Eglises d'Asie

POUR APPROFONDIR – Allocutions et messages lus ou prononcés à l’occasion des cérémonies d’ouverture de l’Année sainte

Publié le 25/03/2010




Au cours des cérémonies d’ouverture de l’Année sainte 2010, qui se sont déroulées à So Kiên, dans l’archidiocèse de Hanoi, les 23 et 24 novembre 2009, de nombreux messages, déclarations et allocutions ont été lus ou prononcés. Nous avons rassemblé ci-dessous les textes les plus importants. Ils ont tous été prononcés ou lus avant et pendant la messe solennelle du 24 novembre.

Il s’agit du message du pape Benoît XVI, daté du 17 novembre, de la lettre du cardinal Ivan Dias, préfet de la Congrégation pour l’évangélisation des peuples, envoyée le 14 novembre, du discours d’ouverture de Mgr Pierre Nguyên Van Nhon, président de la Conférence épiscopale, et de l’homélie de la messe rédigée par Mgr Joseph Nguyên Chi Linh, évêque de Thanh Hoa.

 

Message du pape Benoît XVI
à Mgr Pierre Nguyên Van Nhon, président de la Conférence épiscopale du Vietnam

Alors que commence la célébration jubilaire du trois cent cinquantième anniversaire de la création des vicariats apostoliques du Tonkin et de la Cochinchine, et des cinquante ans de l’établissement de la hiérarchie catholique au Vietnam, je m’unis de tout cœur à la joie et à l’action de grâce des évêques de votre pays, que j’ai eu la joie de rencontrer en juin dernier, et de l’ensemble de leurs diocésains.

Vous avez désiré que le début de cette célébration coïncide avec la fête des glorieux cent dix-sept saints martyrs de votre pays. Le souvenir de leur noble témoignage aidera l’ensemble du peuple de Dieu au Vietnam à activer sa charité, accroître son espérance et à consolider sa foi que le quotidien éprouve parfois. Parmi ces martyrs émerge la figure singulière d’André Dung-Lac dont les vertus sacerdotales sont des modèles lumineux pour les prêtres et les séminaristes, séculiers et réguliers, de votre pays. En cette Année sacerdotale, puissent-ils puiser dans son exemple et dans celui de ses compagnons une énergie spirituelle renouvelée qui les aidera à vivre leur sacerdoce dans une fidélité plus grande à leur vocation, dans la communion fraternelle, dans la digne célébration des Sacrements de l’Eglise et dans un apostolat dynamique et intense.

Pour l’ouverture de votre célébration, vous avez choisi So Kiên, dans l’archidiocèse de Hanoi, lieu emblématique qui parle particulièrement à cotre cœur. Il fut le siège du premier Vicariat apostolique du Vietnam et il garde encore des vestiges précieux de vos saints martyrs ainsi que leurs nobles reliques. En cette année jubilaire, puisse ce lieu qui vous est si cher être au cœur d’une évangélisation approfondie qui portera à l’ensemble de la société vietnamienne les valeurs évangéliques de la charité, de la vérité, de la justice et de la rectitude. Ces valeurs, vécues à la suite du Christ, prennent une dimension nouvelle qui dépasse leur sens moral traditionnel, lorsqu’elles s’ancrent en Dieu qui désire le bien de tout homme et qui veut son bonheur.

L’année jubilaire est un temps de grâce propice à la réconciliation avec Dieu et avec le prochain. Dans ce but, il convient de reconnaître les manquements du passé et du présent commis contre les frères dans la foi et contre les frères compatriotes et d’en demander pardon. En même temps, il convient aussi de prendre comme résolution d’approfondir et d’enrichir la communion ecclésiale et d’édifier une société juste, solidaire et équitable par le dialogue authentique, le respect mutuel et la saine collaboration. Le jubilé est aussi un temps spécial offert pour renouveler l’annonce de l’Evangile aux concitoyens et devenir toujours davantage une Eglise qui est communion et mission.

L’ensemble de l’Eglise du Vietnam s’est préparée à la célébration du jubilé par une neuvaine de prière afin que cet évènement exceptionnel trouve grâce aux yeux de Dieu, contribue au progrès spirituel de tous les fidèles et consolide la mission de l’Eglise. Ma pensée va tout naturellement vers les religieux et les religieuses dont la vie désire témoigner de la radicalité évangélique à travers le charisme de leurs fondateurs respectifs. Puissent-ils continuer à grandir en Dieu par l’approfondissement de leur vie spirituelle dans la fidélité à leur vocation et par un apostolat fructueux dans la suite du Christ. Mon affection paternelle va également vers l’ensemble des fidèles laïcs vietnamiens. Ils sont présents dans mon souvenir et dans ma prière quotidienne. Puissent-ils s’engager plus profondément et activement dans la vie et la mission de l’Eglise.

Chers frères dans l’épiscopat, je demande à Dieu de vous éclairer et de vous guider afin que vous soyez, à l’exemple de Notre Seigneur et Maître, des bons pasteurs (Cf. Jn 10,11-16) qui se consacrent à faire paître leurs brebis, les encourager et les soigner lorsqu’il faut, et des évêques qui témoignent avec courage et persévérance de la grandeur de Dieu et de la beauté de la vie dans le Christ.

Que Notre Dame de La Vang, chère aux chrétiens de votre nation, vous accompagne de sa tendresse maternelle au long de cette année. Je vous adresse, Monseigneur, mon affectueuse bénédiction apostolique que j’étends volontiers aux évêques, aux prêtres et aux séminaristes, aux religieux et religieuses ainsi qu’à tous les fidèles du Vietnam et à toutes les personnes qui s’associent de près ou de loin à la joie de vos célébrations.

Du Vatican, le 17 novembre 2009

Signé : Benedictus XVI


Lettre du cardinal Ivan Dias
à Mgr Pierre Nguyên Van Nhon, président de la Conférence épiscopale du Vietnam

Le 14 novembre 2009

Excellence Révérendissime,

A l’occasion de l’ouverture de l’Année sainte 2010 pour commémorer les 350 ans de la création de deux premiers vicariats Apostoliques de « Dang Trong » et « Dang Ngoai », et les 50 ans de l’établissement de la Hiérarchie catholique au Vietnam, je suis très heureux de transmettre à Votre Excellence, aux évêques, prêtres, religieux, religieuses, séminaristes et à tout le peuple de Dieu qui est au Vietnam les salutations et les félicitations les plus chaleureuses de la Congrégation pour l’évangélisation des peuples. Je me réjouis de vous manifester notre communion dans l’action de grâce et notre participation spirituelle à cet évènement religieux qui sera certainement vécu avec ferveur et grande solennité.

C’est particulièrement significatif que l’ouverture de l’Année sainte soit célébrée précisément en la fête des 117 martyrs vietnamiens. Cette occasion nous invite en effet à élever notre prière en communion de cœur pour remercier ces héros de la foi, qui ont témoigné de leur fidélité et de leur amour à Notre Seigneur Jésus Christ, en versant leur sang. Ce sang versé en terre vietnamienne, uni au sang du Christ sur la croix, a fait naître aujourd’hui une Eglise catholique florissante, en rapide croissance et pleine de promesses, au milieu d’innombrables difficultés et épreuves. L’Année sainte 2010 nous invite à regarder avec gratitude l’histoire de près de 500 ans de l’évangélisation du pays où la Providence miséricordieuse a envoyé en 1533, le premier missionnaire pour y semer les premiers germes de l’Evangile qui se sont merveilleusement développés, à travers les vicissitudes de l’histoire. L’Année sainte 2010 marque aussi l’étape d’un demi-siècle de l’histoire depuis l’établissement, en 1960, de la hiérarchie catholique et la décision du pape, le Bienheureux Jean XXIII, de confier la direction pastorale des Eglises particulières au Vietnam aux évêques autochtones. Regardant cette histoire comblée de grâces et de bénédictions divines nous n’avons qu’à rendre grâces à Dieu et à chanter sa louange ; « car il est bon, et éternel est son amour ! » (Ps 136,1).

Je souhaite de tout cœur que soit réalisé concrètement l’objectif proposé par la Conférence épiscopale du Vietnam pour la célébration de l’Année sainte, à savoir : encourager et stimuler le peuple de Dieu à correspondre à l’amour immense de Dieu et rénover l’Eglise qui est au Vietnam en la triple dimension : Mystère, Communion, Service. Cet objectif est une heureuse réponse au programme général indiqué par Jean Paul II à l’Eglise universelle pour le troisième millénaire : « Repartir du Christ », un Christ qu’il faut « connaître, aimer, imiter, pour vivre en lui la vie trinitaire et pour transformer avec lui l’histoire jusqu’à son achèvement dans la Jérusalem céleste » (NMI, 29). Aussi, je prie Notre Seigneur afin que l’Année sainte soit une année de grâces et une occasion propice pour que chaque membre du Peuple de Dieu s’engage à vivre pleinement et personnellement ce qui est proposé par les vaillants pasteurs du pays et par le pasteur de l’Eglise universelle, et à poursuivre surtout « la plénitude de la vie chrétienne » et « la perfection de la charité » (LG, 40), la « sainteté », qui doivent être notre première préoccupation en ce monde. J’invite donc tous à répondre généreusement à ce commandement de Notre Seigneur : « Allez…, proclamez la Bonne Nouvelle à toute la création » (Mc 16,15). Le peuple et la société vietnamiens attendent la Bonne Nouvelle qui leur annonce la Voie, la Vérité et la Vie éternelle. « Avancez en eau profonde, et lâchez vos filets pour la pêche » (Lc 5,4). Oui, c’est maintenant le temps d’agir et de dire avec Simon en cette ère nouvelle de l’histoire : « Maître… sur ta parole je vais lâcher les filets » (Lc 5,5).

Avec ses sentiments, j’invoque de tout cœur sur tous et sur chacun l’abondance des bénédictions divines et la protection maternelle de Notre Dame de La Vang, et je vous prie d’agréer, Excellence Révérendissime, l’expression de mes sentiments fraternels et respectueux in Corde Mariae.

Signé : Ivan Card. Dias
Préfet de la Congrégation pour l’évangélisation des peuples


 

Discours d’ouverture par Mgr Pierre Nguyên Van Nhon,
président de la Conférence épiscopale du Vietnam

Eminences, Excellences,
Chers hôtes distingués de notre Eglise,
Chers frères et sœurs,

En ce moment historique, la paroisse de So Kiên de l’archidiocèse d’Hanoi est vraiment devenue le cœur de l’Eglise au Vietnam. La Conférence épiscopale du Vietnam tout entière est ici. Nos hôtes distingués venant de différents horizons sont aussi présents. Des centaines de prêtres, de religieux et religieuses, des milliers de fidèles laïques représentant tous les diocèses du pays sont là. Et des millions de fidèles catholiques présents dans toutes les régions du pays et à l’étranger tournent également leurs cœurs vers ce lieu. Oui, en ce moment historique, la paroisse de So Kiên est assurément le cœur de notre Eglise. Jamais auparavant nous n’avons eu la grâce de vivre le mystère ecclésial de cette manière spéciale en ce lieu, c’est-à-dire de vivre le mystère du Peuple de Dieu unifié et rassemblé. Il convient donc tout d’abord de nous serrer la main en échangeant le souhait de paix ainsi que des sourires amicaux pour saluer ce grand Jour de grâce.

Chers frères et sœurs,

1.) De partout nous nous sommes rassemblés ici pour célébrer l’ouverture de l’Année jubilaire 2010. Ce « Kairos » nous invite à jeter un regard sur l’itinéraire historique parcouru par l’Eglise du Christ dans notre chère patrie : c’est lorsque les premiers missionnaires entamèrent leurs pas aventureux sur le sol vietnamien il y a à peu près cinq cents ans, que la Bonne Nouvelle du Christ fut proclamée pour la première fois sur notre terre natale, et qu’elle se propagea de jour en jour grâce à Dieu jusqu’en 1659, où, il y a exactement 350 ans, deux premiers vicariats apostoliques furent créés au Vietnam. Puis, s’appuyant toujours sur le cours de l’histoire, l’Eglise se développa de plus en plus jusqu’au 24 novembre 1960, date où le bienheureux pape Jean XXIII établit la hiérarchie catholique au Vietnam par une constitution apostolique. Il marquait ainsi la maturité de l’Eglise du Christ dans notre pays.

C’est par un tel regard embrassant notre itinéraire historique que nous découvrons combien le mystère de l’Eglise est contenu en germe dans le tout petit grain de sénevé (cf. Lc 13,18-19) : jeté en terre, il enfonce profondément ses racines dans l’humus de la foi, il ne cesse de croître dans l’espérance pour devenir un grand arbre. Il couvre de son ombre d’amour d’une fraîcheur inouïe des millions d’êtres humains et devient ainsi l’une des Eglises les plus peuplées d’Asie. Ce mystère s’origine en Dieu Lui-même, qui nous a donné son Fils bien-aimé, Jésus-Christ, comme étant le Bien inestimable, et qui nous a envoyé son Esprit tout-puissant pour guider les pas des Missionnaires en les incitant à semer la Bonne Nouvelle dans notre terre natale. Ce rappel du passé historique de notre Eglise locale nous invite à entonner à haute voix le chant du psalmiste : « Rendez grâce à Dieu, car il est bon, car éternel est son amour » (Ps 118,1).

2.) Parallèlement aux actions de grâces envers le Seigneur, nous voulons témoigner notre gratitude à l’égard de nos ancêtres, de nos bienfaiteurs et des témoins héroïques de la Foi. Si le petit grain de sénevé bourgeonne et se lève sous les rayons de la grâce divine, il est en même temps arrosé du sang des martyrs, tel un jet d’eau pure et féconde. Il est aussi arrosé des gouttes de sueur de nos ancêtres et de nos bienfaiteurs comme preuve de leurs sacrifices. C’est pour cette raison que, d’une part, sur proposition de l’archevêque de Hanoi, la Conférence épiscopale du Vietnam a consenti au choix de ce lieu pour organiser la fête d’ouverture de l’Année jubilaire, car c’est ici, à la paroisse de So Kiên que l’on conserve de nombreuses reliques des saints martyrs du Vietnam. C’est d’autre part pour exprimer notre gratitude envers nos bienfaiteurs que nous avons invité à cette fête les cardinaux et les évêques représentant tous les pays qui ont contribué et contribuent encore à l’édification et au développement de notre Eglise.

3.) C’est en exprimant notre profonde reconnaissance envers nos ancêtres que nous prenons conscience du don inestimable de la Foi que Dieu nous a accordé par amour et dans son Fils unique bien-aimé et que le sang des saints martyrs a fait croître. Il s’ensuit que nous devons tenir en haute estime ce don de la Foi et construire ensemble l’Eglise en vue d’un développement selon le cœur de Dieu.

Le Seigneur veut en effet que nous fassions de l’Eglise une famille de Dieu, dont les membres s’aiment et vivent en paix et dans l’unité comme frères et sœurs. Le cadre de cette fête d’ouverture de l’Année jubilaire exprime plus que jamais ce sens ecclésial. Venant des vingt-six diocèses répartis dans toutes les provinces et les villes du pays, et représentant tous les états de vie dans le Peuple de Dieu, nous formons une communauté nombreuse et unie. Nous sommes nombreux à communier au même pain et au même calice eucharistiques, et nous formons tous un seul corps, unis entre nous et unis au Christ (cf. 1Cor 10,17). Cette communion eucharistique doit s’exprimer concrètement dans la vie quotidienne sur le modèle de l’Eglise primitive dans laquelle la multitude de ceux qui étaient devenus croyants n’avait qu’un cœur et qu’une âme ; et ils étaient tous assidus à l’approfondissement de la doctrine de la Foi, à la fraction du pain et aux prières ; et ils partageaient toutes choses ensemble (cf. Ac 2,42-46 ; 4,32). C’est ce que nos ancêtres ont vécu de toutes leurs forces. Cette célébration qui a lieu dans l’archidiocèse de Hanoi, rappelle à notre mémoire la première communauté chrétienne de Thang Long, où les croyants vivaient dans une telle unité et une telle charité que leurs concitoyens non chrétiens les appelaient « les adeptes de la religion de ceux qui s’aiment ».

La célébration de l’Année jubilaire nous invite et nous incite en même temps à construire ensemble une Eglise de communion : une Eglise dans laquelle chaque membre est prêt à « sentir avec l’Eglise » (sentire cum Ecclesia) en accueillant les joies et les souffrances de son Eglise comme siennes ; une Eglise dans laquelle chaque membre se sent tout autant aimé et pris en charge qu’il se sent lui-même responsable des autres et de l’intérêt commun de l’Eglise tout entière. C’est de cette manière qu’il concrétise sa condition de disciple authentique du Seigneur qui a dit : « Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés » (Jn 15,12) et « à ceci tous vous reconnaîtront pour mes disciples : à l’amour que vous aurez les uns pour les autres » (Jn 13,35).

4.) Par ailleurs, le don de la Foi que le Seigneur nous a accordé, doit être aussi partagé aux autres, particulièrement à nos concitoyens qui vivent avec nous dans le même pays, partagent avec nous la même histoire et la même destinée liée à la terre natale. Pour autant que nous ayons conscience du grand don de la Foi et que nous aimions sincèrement nos concitoyens, nous nous sentons poussés à leur annoncer Jésus-Christ et son Evangile, à imprégner la réalité de notre vie quotidienne des valeurs évangéliques, selon le commandement du Seigneur Lui-même : « Vous êtes le sel de la terre…, vous êtes la lumière du monde » (Mt 5,13-14).

Le meilleur moyen qui nous aide à accomplir cette mission consiste à construire notre vie sur le fondement évangélique. Pour parler concrètement, et selon l’exhortation de Sa Sainteté le pape Benoît XVI, que chaque famille catholique devienne à partir de cette Année jubilaire tout autant une école de foi et d’amour qu’un foyer de valeurs et de vertus humaines. Que chaque fidèle catholique s’efforce de mener une vie en accord avec une conscience droite, une vie basée sur la charité, l’honnêteté et l’amour du bien commun, contribuant ainsi à construire une société juste, solidaire et équitable, pour répondre à l’aspiration de tous et leur montrer la beauté et les valeurs positives de la religion chrétienne.

Chers frères et sœurs, l’Eglise du Christ sur terre est une Eglise itinérante, une communauté en route vers le Royaume des Cieux comme étant son but ultime mais pas encore atteint. C’est ce qui explique le fait que nous, catholiques, aussi bien individuellement que communautairement, nous n’avons pas réussi à éviter toutes les fautes et les omissions. Nous reconnaissons donc humblement ces fautes et ces omissions et nous en demandons sincèrement pardon à Dieu et à tous, afin de pouvoir avancer, avec un cœur serein et un esprit rempli de force, sur le chemin missionnaire qui nous mène jusqu’à nos concitoyens, nos frères et nos sœurs, pour leur annoncer Jésus-Christ et son Evangile.

Avec les sentiments de gratitude et le ferme propos de construire l’Eglise selon le cœur de Dieu, et avec le regard plein de confiance tourné vers l’avenir, au nom de la Conférence épiscopale du Vietnam, je déclare solennellement l’ouverture de l’Année jubilaire 2010 de l’Eglise catholique au Vietnam.

So Kiên, le 24 novembre 2010,
en la fête des saints martyrs du Vietnam


Homélie pour la messe d’ouverture de l’Année sainte 2010
à So Kien, Hanoi, le 24 novembre 2009, jour de la fête des Martyrs du Vietnam

(Rédigée par Mgr Joseph Nguyen Chi Linh, évêque de Thanh hoa, vice-président de la Conférence épiscopale du Vietnam)

Messieurs les cardinaux, messeigneurs les évêques, chers hôtes distingués, mes pères, mes sœurs, et vous tous mes compatriotes chrétiens et non chrétiens,

Nous nous retrouvons tous aujourd’hui à So Kiên, aussi appelée Ke So, l’une des grandes paroisses du diocèse de Hanoi avec ses quelque 8 000 paroissiens. Bon nombre d’entre nous peut-être s’interrogent : pourquoi avoir choisi ce lieu pour l’ouverture de l’Année sainte ? Est-ce parce qu’on rencontre ici des ouvrages architecturaux célèbres ou de remarquables paysages ? Non ! Si So Kien a été choisi, c’est parce que ce lieu évoque à lui seul de nombreux souvenirs de l’histoire de l’Eglise du Vietnam et tout particulièrement de l’Eglise du Vietnam du Nord…

Après que l’église de Ke Vinh (Vinh Tri aujourd’hui) eut été détruite en 1858 par les troupes impériales et que, plus tard, en 1862, un accord établissant la liberté religieuse eut été signé, Mgr Hubert Jeantet a choisi So Kiên comme centre du vicariat apostolique du Tonkin occidental. Au fil du temps, un évêché, un séminaire, une école de latin, une école de catéchistes, un économat, une imprimerie, un couvent de la congrégation des Amantes de la croix, une école, un hôpital ont été construits en ces lieux. En 1867, Mgr Puginier a commencé les travaux de construction de la première cathédrale du vicariat apostolique. Il s’agit précisément de l’Eglise qui s’élève ici devant vous. De nombreux évêques y ont été ordonnés ; beaucoup y ont été aussi enterrés. So Kiên est également le lieu où Mgr Gendreau convoqua le deuxième synode du Tonkin qui continua l’œuvre du premier synode du Tonkin, convoqué par Mgr Lambert de La Motte en 1670. Beaucoup plus récemment, le 17 décembre 2008, l’archevêque, Mgr Joseph Ngô Quang Kiêt a élevé l’église de So Kiên au rang de basilique des martyrs, centre de pèlerinage de l’archidiocèse de Hanoi.

Voilà donc qu’aujourd’hui, So Kiên écrit une nouvelle page de son histoire, un fait peut-être sans précédent dans le passé. En effet, jamais encore cette paroisse n’avait accueilli, venant des quatre coins du monde, un nombre d’hôtes aussi élevé qu’aujourd’hui. Jamais encore la population de So Kiên n’avait été témoin d’un rassemblement de l’Eglise du Vietnam aussi complet et aussi impressionnant qu’aujourd’hui. Cardinaux, évêques, prêtres, religieux et religieuses, laïcs, venus de tous les coins du pays, se pressant les uns les autres pour célébrer, solennellement et d’un seul cœur, la messe d’action de grâces sous les drapeaux flottant au vent des vingt-six diocèses de notre patrie.

Mais il ne s’agit pas seulement aujourd’hui d’un rassemblement de caractère régional. Bénéficiant déjà de l’attention toute paternelle que lui portent le père commun de l’Eglise, le pape Benoît XVI, et le cardinal Ivan Dias, préfet de la Congrégation pour l’évangélisation des peuples, So Kiên a le grand honneur de recevoir aujourd’hui des cardinaux et les évêques venant du Saint-Siège, et de diocèses appartenant aux cinq continents. Peut-il y avoir une plus belle image de la communion dans l’Eglise que celle de So Kiên aujourd’hui ? Quel est le catholique vietnamien qui ne serait pas bouleversé devant ce spectacle grandiose ?

Chers frères et sœurs, ensemble, les uns près des autres, en ce lieu rempli de vestiges des temps anciens, nous entamons notre pèlerinage dans le passé de l’Eglise du Vietnam. Ce pèlerinage est destiné à reconnaître pour en rendre grâces, les dons que le Seigneur nous a accordés dans l’intimité et le silence, mais aussi à explorer la route de ces 350 ans d’histoire depuis le jour de la naissance du vicariat apostolique du Tonkin, le diocèse originel du Vietnam du Nord. L’occasion d’accomplir ce pèlerinage nous a été donnée par le 50ème anniversaire de l’établissement de la hiérarchie catholique au Vietnam. Cette période d’histoire de cinquante années fut remplie de bouleversements, mais jamais, ne nous a manqué l’amour et la protection de Dieu.

Mes biens chers frères, voici donc notre première eucharistie officielle de l’Année sainte 2010. Nous la célébrons devant les reliques des martyrs du Vietnam exposées ici. La lettre de proclamation de l’Année sainte rédigée par la Conférence épiscopale du Vietnam contenait ces lignes : « Les martyrs ont déployé tant d’ardeur à porter témoignage de leur foi qu’ils sont allés jusqu’à donner leur vie. Le sang versé par eux a fécondé le sol de notre patrie. Ils ont été la semence qui a donné naissance à de nombreuses communautés de croyants sur la terre du Vietnam. »

En réalité, tout ceci n’est pas particulier au Vietnam. D’une façon générale, l’histoire de l’Eglise est l’histoire des persécutions. Le Seigneur Jésus, le fondateur du christianisme, a été lui-même victime de la persécution. Par la suite, presque tous ses disciples sont morts en suivant ses traces. Les premiers chrétiens de Rome ont subi la persécution pendant trois cents ans. Le christianisme a toujours été l’objet de soupçons et de discriminations. L’Eglise du Vietnam, dès sa naissance a dû traverser des heures obscures, dans la sueur, les larmes et le sang versé. Les dépouilles qui aujourd’hui reposent dans le silence de la basilique de So Kiên sont les éloquents témoignages de ces pages d’histoire écrites dans la douleur.

L’histoire humaine nous apprend qu’un peuple ou une nation ne peuvent subsister que s’ils ont assez de force militaire ou économique pour faire face à l’invasion extérieure et à la violence intérieure. L’Eglise elle, n’est pas un régime politique et, moins encore, une force militaire. Des persécutions féroces et successives se sont appliquées à maltraiter les chrétiens, les interner, les déporter, leur faire subir discrimination et exclusion. On a même voulu les éliminer, voire même effacer le nom de chrétien des cartes de la géographie humaine. Mais avec 1,4 milliard de croyants, un sixième de la population du monde, le catholicisme reste actuellement la plus grande religion sur notre planète.

De nombreuses personnes sont tombées à cause de la persécution, mais l’Eglise a subsisté. Les chrétiens, pour parler dans les termes de la première lecture que nous venons d’entendre, sont des personnes qui n’ont pas peur de la souffrance et de la mort. Cela ne signifie pas qu’ils s’exposent à la mort par entêtement pour s’opposer aux détenteurs du pouvoir. Leur mort est une mort volontaire. Ne pouvant observer la « loi » de leur pays, ils acceptent volontairement de mourir pour rester fidèles à leur Seigneur. Ils ne meurent pas par faiblesse. Le signe distinctif des martyrs est qu’ils meurent dans l’amour. Ils sont les uniques condamnés à mort qui ne haïssent pas ceux qui les condamnent et les forcent à livrer leur vie.

L’Eglise n’est pas une organisation de ce monde. L’Eglise fondée par le Seigneur est un royaume appartenant au monde divin. Telle est la dimension du mystère de l’Eglise. Parce qu’elle est un mystère, les lois de son développement ne sont pas celles qui s’appliquent ailleurs, mais celles que son fondateur a exprimées d’une manière décisive dans le passage de l’Evangile lu aujourd’hui : « Si le grain semé en terre ne meurt pas, il se dessèche… S’il meurt, il donnera naissance à beaucoup d’autres grains. » Le premier à s’être plié à cette loi d’une façon radicale, c’est le Seigneur Jésus. Sa crucifixion et sa mort ont donné naissance à l’Eglise et ont constitué le thème central de la prédication de ses disciples. Les gens du monde considèrent la croix comme une folie, comme une faiblesse, mais selon les paroles de saint Paul dans la seconde lecture d’aujourd’hui, elle est « la force même de Dieu ». C’est là le secret de la force des martyrs héroïques. C’est aussi la clé d’explication de l’histoire de l’Eglise au Vietnam. Mais le chemin de la croix sera encore celui sur lequel nous marcherons dans l’avenir pour entretenir et développer l’Eglise.

Pour conclure, au nom de l’Eglise catholique du Vietnam, au nom du président de la Conférence des évêques du Vietnam, je tiens à adresser quelques mots à tous ceux qui ne partagent pas notre croyance religieuse.

Chers amis, nous avons été touchés par la bienveillance que nous ont manifestée les représentants des autorités à tous les niveaux, du corps diplomatique et des autres religions amies, ainsi que nos compatriotes non chrétiens, présents ici avec nous. On se méprend lorsqu’on pense que les catholiques ont l’esprit de clocher. En réalité, votre présence et les événements qui ont eu lieu ici témoignent du contraire. A cause de circonstances historiques et sociales complexes, du fait de l’inconscience ou de la mauvaise volonté de tel ou tel, à cause du style de vie aberrant d’un certain nombre de croyants, l’image du christianisme a été déformée et l’Eglise catholique a été mal comprise.

En ce jour d’ouverture de l’Année sainte, nous voulons adresser à tous ceux qui ne partagent pas notre foi, le message du Christ, celui qui a fondé notre religion, le message de la communion sans frontières, de la communion de « tous les peuples, tous les pays, toutes les langues et toutes les couleurs de peau… ». Nous voulons partager avec vous le rêve de l’Eglise catholique, à savoir ouvrir plus largement le cercle de l’amitié. Nous voulons demander pardon à tous ceux qui d’une manière ou d’une autre, ne sont pas satisfaits des catholiques et de leur Eglise. Le temps est venu où les Vietnamiens doivent reconnaître qu’ils se sont fait trop souffrir les uns les autres, par la violence, leurs opinions et leurs préjugés, leur esprit partisan, la recherche de leurs intérêts. Il faut mettre un terme à un passé de suspicion réciproque et de méfiance, pour que les futures générations ne nous reprochent pas notre attitude. Ensemble, partageons un rêve commun pour notre pays, notre peuple, notre société, afin que notre jeunesse, le cœur en paix, s’avance avec confiance vers son avenir.

En un mot, portant en eux le cœur du Vietnam, qu’ils se trouvent sur la terre de leur patrie bien-aimée ou à n’importe quel autre endroit, les Vietnamiens sont les frères et sœurs d’une même famille. Amen.
Merci à tous.