Eglises d'Asie – Népal
Lors de sa visite en Chine, le Premier ministre népalais a déclaré soutenir la politique de Pékin envers le Tibet et ne plus tolérer d’actions antichinoises sur son territoire
Publié le 25/03/2010
… confirmant les craintes de la diaspora tibétaine réfugiée sur son territoire qui a vu ses conditions de vie et de statut se dégrader au Népal depuis l’arrivée au pouvoir des maoïstes en 2008.
Madhav Kumar Nepal, accompagné de plusieurs membres de son gouvernement, a entamé son séjour officiel par la visite, les 26 et 27 décembre, de Lhassa, capitale de la Région autonome du Tibet de la République populaire de Chine. Il a ensuite rencontré, le 29 décembre, son homologue chinois Wen Jiabao à Pékin ainsi que les plus hauts dirigeants du Parti communiste chinois. A cette occasion et à l’issue de son entretien très médiatisé du lendemain 30 décembre avec le président chinois Hu Jintao, le Premier ministre népalais a réaffirmé officiellement le soutien de son gouvernement à la politique de souveraineté de Pékin et la reconnaissance « des régions autonomes de Taiwan et du Tibet comme des parties inaliénables de la Chine ». Madhav Kumar Nepal a également déclaré que l’Etat népalais ne « tolérerait plus que son territoire soit utilisé par des activistes antichinois », faisant clairement allusion aux « activités séparatistes » des réfugiés tibétains récemment sanctionnés par son gouvernement (1).
Dans un communiqué daté du même jour, les deux pays ont fait état de différents accords bilatéraux afin « de développer une coopération plus étroite pour le bien commun, basée sur les Cinq principes de la coexistence pacifique » (2). Selon l’agence officielle chinoise Xinhua, le président Hu Jintao a déclaré que les relations sino-népalaises abordaient une nouvelle phase, avec la mise en place d’une vaste collaboration dans des domaines aussi variés que le commerce, le tourisme, la création d’infrastructures, l’agriculture, la santé, l’éducation, les ressources humaines ou encore les échanges interculturels. De son côté, Katmandou a proposé de créer des zones économiques spéciales sur son territoire afin de faciliter les investissements chinois, lesquels comprendront notamment une aide logistique et financière à la réalisation de constructions hydroélectriques.
Le Premier ministre népalais a également souligné la nécessité de développer entre les deux pays le réseau routier et les liaisons aériennes (3) ainsi que les activités économiques, tout particulièrement dans la zone frontalière constituée par le Tibet. Pour le Népal, qui partage 1 400 kilomètres de délimitations montagneuses avec la Région autonome du Tibet, le commerce frontalier représente une part très importante de ses bénéfices avec la Chine, laquelle a proposé de favoriser l’importation des produits népalais.
Les déclarations du chef du gouvernement népalais, si elles n’ont pas surpris, ont néanmoins, de par leur caractère officiel, contribué à nourrir les inquiétudes des quelque 20 000 Tibétains actuellement réfugiés au Népal (4). Ces derniers mois, les autorités népalaises ont en effet fortement renforcé les mesures de rétorsion envers la diaspora tibétaine, traquant les activistes pro-dalai lama, bouclant les camps de réfugiés, et arrêtant des centaines de ressortissants tibétains lors de manifestations antichinoises.
En faisant ainsi publiquement allégeance à la Chine, Madhav Kumar Nepal, leader du Parti communiste du Népal (PCN-MLU), n’a cependant fait que poursuivre la politique des maoïstes auxquels il a succédé en mai dernier (5). Avant même leur victoire aux élections d’avril 2008, ces derniers avaient en effet publié un communiqué reconnaissant la légitimité chinoise sur la province du Tibet et condamnant les « revendications autonomistes » au Népal. Une fois au pouvoir, l’ancien chef de la guérilla maoïste Prachanda et ses ex-compagnons d’armes avaient durement réprimé les manifestations qui s’étaient succédées dans la capitale népalaise, en réaction aux émeutes de mars à Lhassa, et interdit tout rassemblement « antichinois » (6). Dès septembre, le Premier ministre maoïste, qui s’était engagé en août auprès de Pékin à « réprimer plus fermement le mouvement de protestation antichinois », avait fait édicter toute une série de mesures visant à sanctionner l’immigration tibétaine, exigeant un certificat de réfugié – qui n’était plus délivré par les autorités népalaises depuis les années 1990 – et expulsant du pays de nombreux ressortissants tibétains.
En reprenant à son compte « l’amitié » sino-népalaise cultivée si ostensiblement par Prachanda, Madhav Kumar Nepal, dont l’opposition aux maoïstes est pourtant bien connue, semble avoir voulu se disculper des accusations d’inféodation à l’Inde qui lui sont faites par les anciens rebelles, qui paralysent le pays depuis des mois, enchaînant grèves, manifestations et ultimatums au gouvernement (7).
Toutefois, la visite officielle en Chine du Premier ministre népalais ne semble pas avoir réussi à stopper le mouvement de déstabilisation intérieure orchestré par les maoïstes. Le 7 janvier 2010, les ex-guérilleros ont entamé leur quatrième « phase de protestation » qui aboutira à une manifestation générale, annoncée pour le 19 janvier, et se poursuivra par une grève « d’une durée indéterminée » dès le 24 janvier si le gouvernement ne satisfait pas à leurs exigences. Malgré la démarche de Madhav Kumar Nepal auprès du voisin chinois, la principale accusation brandie par Prachanda et ses anciens combattants reste toujours et encore la soumission du gouvernement népalais aux diktats de l’Inde. « Nous nous sommes battus pour notre indépendance nationale et notre souveraineté (…). Le gouvernement actuel est téléguidé par l’Inde et n’a reçu aucun mandat du peuple népalais », a déclaré le leader maoïste lors de la manifestation du mercredi 7 janvier (8).
Entre deux visites rendues, l’une à l’Inde fin novembre afin de solliciter son aide contre les maoïstes, et l’autre à la Chine il y a quelques jours afin de poursuivre le rapprochement initié par Prachanda, le gouvernement de Madhav Kumar Nepal semble pris entre le marteau et l’enclume.