Eglises d'Asie

Pour l’Eglise catholique, venir en aide aux Philippins détenus dans les prisons d’Arabie Saoudite est une tâche quasi impossible

Publié le 25/03/2010




Selon le P. Edwin Corros, secrétaire exécutif de la Commission pour la pastorale des migrants de la Conférence des évêques catholiques des Philippines, apporter un soutien ou une aide aux Philippins détenus dans les prisons d’Arabie Saoudite est une tâche quasi impossible, en raison des obstacles mis par le royaume saoudien aux initiatives venues de personnes n’appartenant pas à l’islam.

Dans un entretien accordé à l’agence Ucanews (1), le prêtre explique que, dans tous les pays du monde où des Philippins se trouvent emprisonnés, « leur situation véritable ne peut être connue que si nous-mêmes ou nos contacts pouvons les visiter ou, du moins, communiquer avec eux ». Or, en Arabie Saoudite, « ces contacts sont quasiment impossibles, tant les obstacles sont importants ».

La principale difficulté réside dans le simple fait de pouvoir se rendre en Arabie Saoudite. Pour cela, afin de se voir délivrer un visa, le demandeur doit obtenir d’être invité par un citoyen du royaume saoudien qui se portera garant de son hôte. Dès lors que le demandeur fait état de son appartenance à un organisme de l’Eglise catholique, la demande est le plus souvent rejetée. La solution la plus courante est de passer par Mgr Paul Hinder, vicaire apostolique d’Arabie, mais ce dernier a expliqué, lors d’un congrès sur les migrations à Rome en novembre dernier, qu’il était littéralement assailli par les demandes de visas pour le royaume et qu’il ne pouvait malheureusement répondre positivement à toutes car Riyad avait établi un quota sur le nombre de demandes de visa qu’il pouvait soutenir.

Dans ce contexte, il est difficile d’avoir une idée précise du sort réservé aux Philippins qui ont maille à partir avec la justice du royaume saoudien. Selon le Bureau national des statistiques des Philippines, 400 000 Philippines et Philippins travaillaient en Arabie Saoudite en 2008. Quant au nombre des Philippins emprisonnés dans ce pays, il n’est pas connu avec précision. Selon John Leonard Monterona, coordinateur régional du groupe philippin de défense des droits des travailleurs expatriés Migrante-Middle East (2), on peut penser que 3 000 ressortissants philippins se trouvent derrière les barreaux en Arabie Saoudite, mais ce chiffre n’est qu’une estimation que l’ambassade philippine elle-même à Riyad n’est pas en mesure de confirmer.

Auparavant, explique encore le P. Corros, la Commission pour la pastorale des migrants avait pris pour habitude de contacter par lettre les rares prêtres catholiques qui vivaient en Arabie Saoudite, des franciscains principalement, afin de solliciter leur aide. Mais ces courriers ne recevaient jamais de réponse et, après un entretien avec Mgr Paul Hinder et des conversations avec des travailleurs philippins de retour d’Arabie Saoudite, le P. Corros a compris que les prêtres ne pouvaient se permettre de répondre, au risque de mettre leur situation en danger. « Notre problème avec les pays du Moyen-Orient est que le système judiciaire y est différent. Nos prêtres, les aumôniers de prison et les laïcs avec qui nous travaillons ne peuvent intervenir car ils ne sont pas familiarisés avec les arcanes de la loi islamique, la charia », précise le P. Corros, qui ajoute que, dans le cas de l’Arabie Saoudite, il est préférable, dans la mesure du possible, de laisser le gouvernement philippin agir, les interventions directes d’instances émanant de l’Eglise catholique aboutissant généralement « à faire plus de mal que de bien ».

Le sort des étrangers détenus dans les prisons saoudiennes est récemment venu sur le devant de la scène lorsque des médias saoudiens ont évoqué la possibilité qu’une amnistie soit prononcée par le roi Abdullah à l’occasion du retour à Riyad, le 11 décembre dernier, du prince héritier Sultan Ben Aziz, tenu éloigné du royaume par la maladie durant un an. L’amnistie pourrait concerner les prisonniers « ne constituant pas une menace pour la sécurité ou l’ordre public » et condamnés à des peines légères. Selon divers rapports, les Philippins détenus à la prison centrale de Malaz, à Riyad, qui seraient au nombre de 79 et qui, pour la plupart, se trouvent là pour des délits mineurs tels que la possession illégale d’alcool, pourraient être concernés par l’amnistie.