Eglises d'Asie

Karnataka : trois églises catholiques ont été attaquées en représailles aux agressions de ressortissants indiens en Australie

Publié le 25/03/2010




Trois églises catholiques ont été attaquées au Karnataka ces jours derniers, après la menace d’un groupe hindouiste de recourir à la violence si le gouvernement fédéral ne réagissait pas contre les agressions qui se sont produites en Australie à l’encontre de ressortissants indiens.Alors que l’ensemble de l’Union indienne célèbrait sous haute sécurité le mardi 26 janvier 2010, …

… le 60ème anniversaire de la république, l’Etat du Karnataka, en la personne de son ministre-président B. S. Yeddyurappa, tenait à affirmer que ces actions communautaristes « n’avaient pour but que de ternir l’image du gouvernement [local] » (1). Le Karnataka est dirigé par un gouvernement dominé par le BJP, le parti nationaliste hindou.

Mais de l’avis des médias locaux comme des représentants chrétiens, ces attaques sont les représailles annoncées par les groupes extrémistes hindous qui avaient menacé de s’attaquer à l’Eglise si le gouvernement indien ne sanctionnait pas suffisamment les récentes agressions, dont deux mortelles, contre la communauté indienne, très nombreuse, qui travaille ou étudie en Australie (2). Le Sri Ram Sena (‘Armée du Seigneur Rama’, SRS), qui dit « défendre les valeurs traditionnelles indiennes » et a son siège au Karnataka, avait ainsi publié le 19 janvier une déclaration disant que « les chrétiens en Inde faisaient activement partie de la conspiration touchant les Indiens hindous d’Australie » et que si New Delhi n’agissait pas afin d’empêcher ces attaques d’ici deux jours, il « garantissait qu’il ne resterait plus une seule église à Bhatkal ».

Le 22 janvier, date d’expiration de l’ultimatum, un groupe d’hindouistes tentait de mettre à bas la croix dressée près de l’église de Notre-Dame de Lourdes à Mundalli, près de la ville de Bhatkal, dans le diocèse de Karwar. Selon la chaîne de télévision locale Kannada TV 9, la croix a été endommagée mais la résistance des paroissiens aurait empêchée sa destruction. Parmi les agresseurs, sept d’entre eux ont été arrêtés par la police de Bhatkal, dont Shankar Naik, l’un des leaders (3). Dans la nuit du 24 au 25 janvier, la grotte de Notre-Dame de Lourdes de l’église Saint-Antoine à Taranmakki, toujours à proximité de Bhaktal, était saccagée et les vitres protégeant la statue de la Vierge Marie brisées à coups de pierres. La dernière attaque s’est produite à Mysore, aux petites heures du matin du lundi 25 janvier, lorsque des personnes non identifiées ont mis en pièces la statue de la Vierge de la grotte de Lourdes, située devant l’église de la Sainte Famille de la paroisse catholique d’Inkal.

Le 26 janvier, Mgr Thomas Antony Vazhappilly, évêque catholique de Mysore, a déclaré à l’agence Ucanews (4) que, de toute évidence, il ne pouvait s’agir d’une tentative de cambriolage, comme la police l’affirmait, s’appuyant sur le fait que la statue de la Vierge se trouvait au-dessus d’un tronc d’offrandes, mais que l’incident était bien à replacer dans la série des agressions antichrétiennes. « C’était un acte délibéré », a affirmé le prélat, rappelant cependant que, selon lui et le P. Joseph, curé de l’église de la Sainte Famille, le groupe d’assaillants ne pouvait venir de la communauté d’Inkal où les hindous et les 250 familles de chrétiens de la paroisse entretiennent de très bonnes relations.

En février 2002 cependant, cette église avait déjà subi une attaque d’un groupe d’environ 70 extrémistes hindous, qui, armés de sabres, de couteaux et de barres de fer, avaient agressé les fidèles au cours de la messe, femmes et enfants compris. L’action avait été menée au motif que les chrétiens pratiquaient des conversions forcées, une accusation qui, bien que réfutée régulièrement par l’Eglise catholique, est récurrente, en particulier dans les Etats du Karnataka et de l’Orissa.

Quant à Mgr Derek Fernandes, évêque catholique de Karwar, il ne doute pas non plus que les activistes hindouistes soient derrière ces attaques successives, de même que Sajan George, président du Global Council of Indian Christian (GCIC), qui déplore que « les attaques contre les minorités religieuses soient en augmentation au Karnataka ».

Mgr Bernard Moras, archevêque de Bangalore et président du Conseil des évêques catholiques du Karnataka, a réagi lui aussi, condamnant fermement les agressions et demandant au gouvernement de mettre tout en œuvre afin de protéger les communautés chrétiennes (5).

Ces récentes agressions ne peuvent que rappeler aux chrétiens du Karnataka les souvenirs douloureux de la vague de violence antichrétienne qui, depuis l’épicentre du Kandhamal en Orissa, avait déferlé à l’automne 2008 sur plusieurs Etats de l’Union indienne. Le Karnataka avait été l’un des Etats les plus touchés et son gouvernement, aux mains du Bharatiya Janata Party (Parti du peuple indien, BJP), vitrine politique du mouvement pro-hindou, avait été accusé par les responsables chrétiens de complaisance manifeste envers les groupes activistes hindous responsables des violences.