Eglises d'Asie

Les Eglises chrétiennes sont divisées sur le cas de Robert Park, militant chrétien emprisonné à Pyongyang pour intrusion illégale sur le territoire nord-coréen

Publié le 25/03/2010




Alors que l’on vient d’apprendre l’arrestation en Chine d’un homme qui aurait aidé Robert Park à entrer illégalement en Corée (1), l’acte du militant américano-coréen fait plus que jamais débat au sein des Eglises chrétiennes.Le 24 décembre dernier, Robert Park, 28 ans, qui s’était déjà fait connaître pour ses actions militantes contre les persécutions antichrétiennes en Corée du Nord, était arrêté par les autorités de Pyongyang…

…  après avoir traversé à pied le fleuve Tumen, gelé à cette époque de l’année, qui délimite une partie de la frontière entre la Chine et la Corée du Nord. Le jeune missionnaire évangélique transportait des lettres à l’intention du dictateur nord-coréen Kim Jong-il. Selon les médias sud-coréens, il aurait franchi la frontière une Bible à la main, en criant : « Je vous apporte l’amour de Dieu ! Dieu vous aime ! » Avant son départ, il avait expliqué, lors de conférences de presse en Corée du Sud, qu’il cherchait à se faire arrêter par le gouvernement de Pyongyang et était déterminé à rester en prison jusqu’à ce que les camps de travail en Corée du Nord soient fermés sous la pression internationale.

Robert Park fait certainement allusion ici à l’affaire très médiatisée des deux américaines d’origine coréenne et chinoise qui avaient été emprisonnées il y a quelques mois en Corée du Nord, pour le même motif : entrée illégale dans le pays. La communauté internationale s’était mobilisée pour les deux jeunes femmes condamnées par Pyongyang à 12 ans de travaux forcés. Mais c’est l’intervention directe de Bill Clinton qui avait permis finalement de libérer Euna Lee et Laura Ling le 5 août dernier.

Ce mardi 19 janvier, différentes organisations chrétiennes européennes pour les droits de l’homme, qui étaient réunies à Londres, ont désigné la Corée du Nord comme le pays où les chrétiens étaient les plus persécutés. Parallèlement à la dénonciation du régime de Pyongyang, aux côtés de l’ONG néerlandaise protestante Portes Ouvertes (2) ou du groupe britannique Release International (3), l’organisation Christian Solidarity Worldwide (4) a profité de l’occasion pour appeler à la mobilisation en faveur de Robert Park, en envoyant des lettres de protestation à l’ambassade de Corée du Nord à Londres.

Si l’ONG a reconnu que l’attitude messianique et exaltée de Robert Park pouvait frôler le ridicule, elle a rappelé le travail inhumain, les pénuries alimentaires et les tortures dans les camps de travail nord-coréens, où l’on estime que 200 000 personnes sont détenues. L’association chrétienne a déclaré avoir appris d’une ancienne prisonnière que 30 à 40 personnes mouraient chaque mois dans le camp où elle était internée.

Mais, de leur côté, et avec une quasi-unanimité, les responsables des Eglises chrétiennes en Corée du Sud ont condamné l’action de Robert Park, affirmant que son geste risquait de faire plus de mal que de bien. « L’Evangile ne doit pas être annoncé de manière agressive… Cela n’aidera en rien la liberté religieuse », a déploré, auprès de l’agence Ucanews (5), le Rév. Kim Tae-hyon, directeur du Bureau pour l’œcuménisme du Conseil national des Eglises de Corée (NCCK). Le gouvernement nord-coréen a probablement considéré le geste de Robert Park comme un acte de provocation, politiquement motivé, a-t-il ajouté.

Le P. Raphaël Seo Jong-yeob, secrétaire exécutif du Comité épiscopal pour la réconciliation du peuple coréen, s’est déclaré également convaincu que l’acte du missionnaire était « contre-productif », ne ferait « qu’aggraver l’hostilité du Nord envers le Sud et le reste du monde » et serait un obstacle de plus à la réunification des deux Corées.

Même écho du côté du Comité catholique des droits de l’homme, dont la présidente Regina Pyon Yeon-shik, a également condamné l’intrusion du militant évangélique en territoire nord-coréen : « Essayer de mettre un coup de projecteur sur le problème des droits de l’homme avec un tel acte fanatique ne contribuera sûrement pas à améliorer la situation ici », s’est-elle indignée.

Parmi les rares Sud-Coréens à défendre Robert Park, le Rév. Lee Soo-bong, secrétaire général de la Mission chrétienne pour la Corée du Nord, a plaidé : « Personne ne peut préjuger des résultats de son geste. En voyant les choses du bon côté, cela pourrait être une nouvelle chance d’évangéliser la Corée du Nord. » Le pasteur presbytérien déclare apporter le même soutien aux groupes missionnaires protestants de Corée du Sud qui, au péril de leur vie, ont déjà apporté des bibles aux Nord-Coréens (6).

Selon des sources ecclésiastiques, en Corée du Nord, les chrétiens seraient quelques milliers, se réunissant sans prêtres résidents ou religieux, dans des lieux privés. Une église catholique, deux églises protestantes (et récemment une église orthodoxe) sont visibles dans la capitale nord-coréenne, mais, selon les rares observateurs étrangers, elles ne sont que des institutions-façades, sans fidèles ni desservants.