Eglises d'Asie

Lors de son dernier synode, l’Eglise syro-malabare a réitéré sa demande d’ériger de nouveaux diocèses en dehors de sa base historique, le Kerala

Publié le 25/03/2010




Le 18 janvier dernier, le Saint-Siège a entériné les décisions prises par l’Eglise syro-malabare, qui était réunie en synode du 10 au 15 janvier à Ernakulam, dans l’Etat du Kerala. Deux nouveaux diocèses ont ainsi été érigés et six évêques nommés pour cette communauté qui constitue l’une des trois Eglises catholiques de l’Inde, aux côtés de l’Eglise de rite latin et de l’Eglise de rite syro-malankar.

A l’issue du synode, le porte-parole de l’Eglise syro-malabare a toutefois déclaré que les responsables de sa communauté souhaitaient continuer à demander au Saint-Siège la faculté d’établir en-dehors du Kerala des circonscriptions ecclésiastiques pour le soin pastoral des catholiques syro-malabars installés dans les grandes villes de l’Inde et du Golfe persique.

La demande d’érection de davantage de diocèses en Inde en dehors du Kerala ainsi que la levée des restrictions territoriales pour être au plus près des milliers de fidèles syro-malabars qui vivent sur des territoires diocésains de l’Eglise catholique latine, sans soutien pastoral de leur propre Eglise, sont des demandes qui ont été en partie entendues par le Saint-Siège (1). En 2004, en effet, Rome a donné l’autorisation au Synode syro-malabar de nommer ses propres évêques. Toutefois, cette autorisation ne vaut que pour les seuls diocèses syro-malabars du Kerala, territoire où se trouve la majorité des 3,5 millions de fidèles de cette Eglise ; elle n’a donc pas éteint le souhait des évêques syro-malabars de pouvoir accomplir, sans restriction territoriale, un ministère pastoral auprès de leurs fidèles où qu’ils soient.

Sur les 162 diocèses catholiques de l’Inde, on compte 128 diocèses de rite latin, 6 diocèses de rite syro-malankar et, désormais, 28 diocèses syro-malabars. L’Eglise syro-malabare dispose de 40 évêques, dont cinq ont pris leur retraite et, mis à part un diocèse établi aux Etats-Unis pour la diaspora syro-malabare, la majorité des diocèses est située au Kerala (18 sur 28). Les deux diocèses érigés ce 18 janvier l’ont été dans deux Etats limitrophes du Kerala, l’un au Tamil Nadu (diocèse de Ramanathapuram) et l’autre au Karnataka (diocèse de Mandya).

Selon le P. Paul Thelakat, porte-parole de l’Eglise syro-malabare, les milliers de catholiques de rite syro-malabar qui vivent à Bangalore, Chennai (Madras), Delhi, Hyderabad ou dans les Etats du Golfe persique ne peuvent pratiquer leur foi que dans le rite latin. Il a souligné qu’à ce jour, les évêques de rite latin maintenaient leur opposition à voir multipliée l’érection de diocèses syro-malabars là où la structure diocésaine de l’Eglise latine maille déjà le territoire.

De leur côté, les évêques de rite latin font valoir que la présence au sein d’une même ville, d’un même territoire, de deux circonscriptions catholiques (de rites différents) n’aboutirait qu’à créer de la division entre les catholiques et apporterait au final « un contre-témoignage » dans un pays où l’Eglise est très minoritaire au sein d’une majorité hindoue.

Le Vatican, pour sa part, explique encore le P. Thelakat, ne souhaite pas trancher ce débat et voudrait voir les deux Eglises parvenir à un consensus. En attendant, ajoute le porte-parole, les syro-malabars vivent comme « une injustice » le fait de ne pas se voir accorder « le droit missionnaire » de travailler à travers tout le pays. L’archevêque-majeur de l’Eglise syro-malabare, le cardinal Varkey Vithayathil, évoque, quant à lui, « la patience » dont fait preuve sa communauté. L’Eglise syro-malabare « attend patiemment d’être entendue et ne veut pas faire scandale. Nous ne voulons pas être perçus comme une Eglise qui se bat pour un territoire », a-t-il déclaré.

Interrogés par l’agence Ucanews (2), des fidèles syro-malabars expriment des vues similaires. Selon Kurian Joseph, catholique de rite syro-malabar et juge à la Haute Cour du Kerala, la difficulté vient du fait qu’« d’un côté, l’Eglise permet l’existence sur un même territoire de plusieurs juridictions (comme c’est le cas au Kerala) et, de l’autre côté, affirme qu’à un territoire donné doit correspondre une seule juridiction. Les fidèles finissent par ne plus comprendre pourquoi ce qui est possible ici ne l’est pas là-bas ». Il ajoute qu’à ses yeux, la dénomination de « syro-malabar » est trompeuse dans la mesure où elle donne à penser que l’Eglise syro-malabare est confinée au Kerala, le mot « malabar » renvoyant à cette région côtière du sud-ouest de l’Inde qui correspond aux Etats actuels du Kerala et d’une partie du Karnataka. Pour Charlie Paul, un autre fidèle de la communauté, cette querelle entre les deux Eglises catholiques à propos de la création de nouveaux diocèses syro-malabars est néfaste car, faute de possibilité pour les syro-malabars de vivre leur foi dans des paroisses dirigées par des prêtres de leur rites, des fidèles se détournent de l’Eglise pour rejoindre des mouvements pentecôtistes ou autres, notamment dans les métropoles du nord de l’Inde et au Moyen-Orient.