Eglises d'Asie

La délégation européenne a quitté l’Orissa sans avoir pu pleinement réaliser sa mission

Publié le 25/03/2010




Vendredi 5 février au soir, la délégation européenne chargée d’enquêter en Orissa sur la situation après les violences antichrétiennes de 2008 terminait sa courte visite dans le district du Kandhamal, obtenue de haute lutte avec les autorités. Elle n’avait toutefois pas pu contrôler le fonctionnement des cours de justice, comme cela lui avait pourtant été accordé (1).

Le groupe diplomatique, mené par Christophe Manet, de la Délégation de l’Union européenne à New Delhi, s’est dit très « déçu » de n’avoir pu assister aux procès en cours dans les tribunaux spéciaux établis pour juger les responsables des violences antichrétiennes, la vérification du système judiciaire dans le district étant l’un des principaux buts de la mission. Les autorités du Kandhamal avaient prévenu à la dernière minute les diplomates de l’annulation de la visite prévue dans les cours de justice, « pour raisons de sécurité ».

Les représentants de l’Union européenne ont pu cependant rencontrer un groupe de huit avocats à Phulbani, chef-lieu du Kandhamal, avant de quitter dans la soirée le district pour Bhubaneswar, capitale de l’Etat de l’Orissa, puis de s’envoler pour New Delhi.

Un des avocats présents à cette rencontre a rapporté à l’agence Ucanews (2) qu’il avait averti la délégation du mauvais fonctionnement de la justice, aux prises avec « des enquêtes de police inexactes » et « une perpétuelle intimidation des témoins ». L’administration « aurait pu régler les problèmes de sécurité si elle l’avait voulu [mais] peut-être avait-elle d’autres raisons d’empêcher la délégation de pénétrer dans les tribunaux », a ajouté encore l’avocat, qui a préféré rester anonyme.

Les avocats ont rapporté aux délégués que les hindouistes menaçaient les personnes appelées à témoigner devant la cour, des groupes se rassemblant sur les bancs du public dans les tribunaux afin de soutenir les accusés et intimider les victimes. Ils ont également confirmé aux diplomates que de nombreuses personnes accusées d’avoir pris part aux violences n’avaient jamais été arrêtées, et continuaient de faire régner la terreur parmi les chrétiens. Il arrive également, ont-ils rapporté, que les juges convoquent les témoins à la dernière minute, ce qui les empêche de venir à temps au tribunal pour être entendus.

Les délégués de l’Union européenne avaient auparavant visité des camps de réfugiés, malgré l’opposition des activistes hindouistes qui n’avait cessé de manifester durant la visite des diplomates au Kandhamal, réduite finalement à deux jours (4 et 5 février). Au camp de Nandagiri (3), les délégués ont entendu plusieurs victimes qui les ont emmenés voir les ruines de leurs villages et leur ont fait le récit des atrocités commises et des menaces qu’elles reçoivent toujours de la part des hindouistes (4).

Le 3 février, veille de leur déplacement au Kandhamal, la délégation européenne avait rencontré Mgr Raphael Cheenath, archevêque catholique de Cuttack-Bhubaneswar, qui leur avait confirmé que « la situation n’était pas encore revenue à la normale » dans le district qui fut l’épicentre des violences de 2008. « Environ 10 000 personnes continuent de vivre hors du Kandhamal », car elles sont trop effrayées pour retourner dans leurs villages, leur a déclaré le prélat. Il a également évoqué le problème de la reconstruction des locaux d’habitations et des lieux de culte, promise par les autorités, expliquant que les différents groupes chrétiens avaient réussi à collecter assez de dons pour reconstruire près de 2 000 maisons, mais qu’il leur manquait les fonds pour 3 000 autres. L’archevêque a également dénoncé la mauvaise volonté de l’administration locale qui avait failli à sa mission d’assurer la sécurité de la population, laissait perdurer un climat de peur et d’intimidation qui empêche « que justice soit faite », et abandonnait les habitants, forcés de vivre dans le plus grand dénuement.

La délégation de l’Union européenne a assuré Mgr Cheenath qu’elle transmettrait aux nations européennes les graves préoccupations qui persistaient concernant la situation au Kandhamal, ajoutant que les violences qui avaient eu lieu en Orissa avaient ému l’Europe qui les considèrerait comme des violations des droits de l’homme et de la liberté religieuse.