Eglises d'Asie – Inde
Ardent promoteur d’une agriculture durable, un évêque catholique se réjouit de l’interdiction de la première aubergine transgénique
Publié le 25/03/2010
« Pour l’heure, un simple moratoire a été décrété. C’est bien mais c’est insuffisant. L’Inde doit agir de manière à défendre sa sécurité alimentaire », a ajouté l’évêque, qui, de longue date, est engagé dans des actions de soutien aux petits producteurs indépendants et à l’agriculture biologique.
L’Inde est le premier producteur d’aubergines au monde et en cultive plus de 4 000 variétés différentes. Premier semencier du pays, Mahyco, dont le géant Monsanto détient 26 % du capital, a mis au point une nouvelle variété d’aubergine, baptisée BT Brinjal (1), présentée comme étant résistante aux insectes nuisibles et nécessitant donc moins de pesticides. En octobre 2009, l’instance fédérale responsable, le Genetic Engineering Approval Committee, avait donné son autorisation pour une mise sur le marché de la nouvelle semence. Toutefois, bien que sensée être source de meilleurs rendements et donc d’accroître les revenus des agriculteurs indiens, la nouvelle variété avait soulevé de vives critiques dans les milieux associatifs et politiques. Les milieux anti-OGM avaient notamment mis en avant le manque d’objectivité des recherches sur le BT Brinjal, affirmant que la plupart des laboratoires impliqués dans la recherche étaient soutenus financièrement par Mahyco. Le 9 février dernier, ces critiques ont été entendues et le ministre fédéral de l’Environnement, Jairam Ramesh, a annoncé un moratoire, le temps que de nouvelles études scientifiques fassent la preuve de l’innocuité du nouveau légume sur la santé humaine et l’environnement. « L’opinion publique est négative et c’est mon devoir d’appréhender le problème avec précaution », a fait valoir le ministre devant la presse.
Pour Mgr Arackal, la dépendance des agriculteurs à des semenciers tels que Mahyco auquel conduit le développement de semences génétiquement modifiées est contraire aux intérêts véritables des agriculteurs indiens. Au Kerala, l’évêque développe, depuis 1980, une coopérative baptisée Peermade Development Society, dont l’objet est de permettre un développement complet de la campagne indienne (2). Démarrée dans le district très pauvre d’Idukki, au Kerala, la coopérative vise à sortir les petits agriculteurs de la misère en leur proposant « de s’organiser en communautés pour développer une agriculture durable ». Ces deux dernières années, explique Mgr Arackal, près de 10 000 paysans ont ainsi été aidés, sans considération de caste ou de croyance. Encourager le développement des OGM ne ferait que « balayer ces paysans pauvres et marginalisés », déclare l’évêque, qui ajoute : « Assurer la sécurité alimentaire du pays passe par la protection du monde paysan traditionnel. »
Selon Chacko Sebastian, un agriculteur qui a bénéficié de l’aide de Peermade Development Society et qui jouit désormais d’une certaine prospérité, le moratoire décidé à New Delhi peut être le déclic qui va amener les campagnes indiennes à penser leur développement de manière plus durable et écologique. Cette année, où les récoltes ont été très insuffisantes du fait d’une mousson inhabituellement faible, le nombre des suicides de paysans (souvent, par absorption de pesticides) s’est maintenu à un niveau très élevé. Bon nombre de ceux qui choisissent de mettre fin à leurs jours sont pris en étau entre une récolte trop faible en quantité et des traites à payer pour régler les semences, les engrais et les pesticides nécessaires aux cultures. Si les paysans choisissaient un autre mode de développement que celui proposé par l’agriculture intensive, ils pourraient s’en sortir humainement et économiquement, affirme Chacko Sebastian.
Si l’aubergine transgénique BT Brinjal est la première culture comestible à laquelle la mise sur le marché a été, pour l’heure, interdite, l’Inde a déjà autorisé l’introduction de cultures OGM : en 2002, le BT Cotton, également produit par Mahyco, a été mis sur le marché et a rencontré un vif succès. Selon certaines études, 85 % du coton indien est désormais issu de cette semence et la production nationale a doublé en sept ans. Le pays est ainsi devenu le second producteur et exportateur mondial de coton, après la Chine. La presse indienne rapporte toutefois que les études sur cette culture ont été biaisées (manipulation des données relatives à son innocuité et injonction faite aux paysans de ne pas produire leurs propres semences).