Eglises d'Asie

Bien qu’interdit par deux évêques philippines, un prêtre catholique poursuit ses activités de thaumaturge

Publié le 25/03/2010




Malgré le fait que deux évêques lui aient interdit de poursuivre ses sessions de guérison dans leurs diocèses, le P. Fernando Suarez, un prêtre d’origine philippine faisant partie des Compagnons de la Croix (1), continue de drainer des milliers de fidèles à ses célébrations.Né aux Philippines en 1967 dans la province de Batangas, Fernando Suarez est arrivé en 1995 à Winnipeg, au Canada, …

… nanti d’un diplôme d’ingénieur chimiste, puis s’est engagé (après un parcours chaotique dans différents ordres religieux dont les franciscains et la Société du Verbe divin) au sein des Compagnons de la Croix, où il a été ordonné prêtre en 2002. Le P. Suarez aime à raconter comment, à l’âge de 16 ans, il a reçu la révélation de son charisme en priant auprès d’une femme paralysée qui a été guérie. En 2003, sa communauté lui confie un ministère spécial afin d’exercer son charisme de guérison : il devient rapidement célèbre, particulièrement aux Philippines et ses messes, retraites et sessions attirent des foules importantes.

Le 11 février dernier, à l’occasion de la Journée mondiale des malades, le P. Suarez dirigeait à Pasay City, près de Manille, une célébration dans l’astrodôme de Cuneta. Des milliers de personnes ont assisté à l’événement, qui était retransmis par Radio Veritas, la plus importante radio catholique d’Asie, émettant à partir des Philippines.

A la veille de son retour au Canada, où il doit mener une série de sessions charismatiques, le P. Suarez a répondu, le 16 février dernier, aux questions de l’agence Ucanews (2). Le prêtre s’est exprimé sur les interdictions qui lui sont faites de mener des rassemblements de guérison collective dans deux des diocèses de la région nord des Philippines où il exerce principalement ses activités. Ces interdictions ont été prononcées en 2008 par Mgr Jose Olivares, évêque de Malolos à Bulacan, et Mgr Oscar Cruz, à l’époque archevêque de Lingayen-Dagupan.

Outre le fait que le prêtre guérisseur n’avait pas demandé l’autorisation d’organiser ces célébrations aux évêques comme l’exigent les consignes du Vatican (3), le financement des rassemblements du P. Suarez, ainsi que la commercialisation de son activité avaient attiré la suspicion des prélats. « La grosse question, c’est l’argent. Il vend des rosaires et autres articles religieux qui auraient de prétendus pouvoirs de guérison », avait expliqué alors Mgr Cruz. Des doutes s’étaient portés également sur l’utilisation des messes de guérison pour financer l’édification du sanctuaire marial que le P. Suarez est en train de faire construire à Batangas. « L’argent destiné au sanctuaire vient exclusivement de donations, a répondu le prêtre à Ucanews. C’est un peu comme une liste de mariage (…) ; nous avons un catalogue de ce dont nous avons besoin pour la construction de l’édifice. Les gens font des promesses de dons, qui peuvent être une brique, un mur, un cierge, ou n’importe quoi d’autre » (4). Ces dons, comme les achats d’articles religieux, sont gérés par la fondation « Marie, mère des pauvres », créée par le P. Suarez et dont le l’objet est de soutenir des projets « pour les plus pauvres », dont des programmes de scolarisation ou des missions médicales.

Le sanctuaire, qui sera consacré à la Vierge Marie, prendra le nom de « MonteMaria » et s’élèvera dans le nord-ouest de Batangas, sur un terrain fourni par un donateur. Conçu comme un gigantesque complexe, ce projet ambitieux comprend entre autres un centre de soins pour la guérison physique et spirituelle, différents lieux d’accueil pour les pèlerins, un centre pour les pauvres, un columbarium, des salles de séminaires et un grand oratoire surplombé par une monumentale statue de la Vierge de 110 m de haut, la plus grande représentation mariale du monde.

A Ucanews, le P. Suarez a déclaré que tout l’argent collecté lors des messes de guérison allait aux nécessiteux de la paroisse, précisant qu’il ne se préoccupait pas des sommes récoltées. « Il y a des dons [lors des célébrations], mais honnêtement je n’ai aucune idée de leur montant (…) », a-t-il affirmé.

Un autre aspect de l’activité du P. Suarez qui préoccupe les responsables catholiques est la nature même de ses séances de guérisons collectives. « Il y a un phénomène d’hystérie, en plus de l’exploitation de la crédulité des fidèles », s’était indigné Mgr Cruz dans une déclaration à la presse, le 2 février 2008 (5). « On ne peut pas laisser dire que le P. Suarez ressuscite les morts. Seul le Christ a ce pouvoir (…). » Ces messes de guérison sont la porte ouverte « aux abus, tels que la superstition, l’hystérie, le fanatisme, et le détournement d’argent », avait ajouté le prélat.

Quant à Mgr Olivares, l’autre évêque à avoir interdit au prêtre guérisseur de tenir des célébrations thaumaturgiques dans son diocèse, il avait déclaré avoir appris de la bouche même de l’évêque de Toronto, dont le P. Suarez dépend, que ce dernier avait été également interdit d’organiser des célébrations de guérison dans le diocèse canadien, en raison de la vente d’articles religieux en lien avec son ministère, et de la violation de l’Instruction sur les activités de guérison, par laquelle le Saint-Siège a précisé que ce type de session devait être explicitement autorisé par l’ordinaire du lieu.

Le P. Suarez est également contesté du fait que les messes de guérison qu’ils organisent sont souvent le théâtre d’accidents graves (convulsions, épilepsie, bousculades et même décès) (6). Toutefois, des évêques philippins, tel Mgr Gaudencio Rosales, cardinal-archevêque de Manille, continuent de lui accorder leur confiance, concélébrant parfois avec lui.