Eglises d'Asie

A l’Hôpital Sainte-Marie, un centre propose une alternative à l’avortement aux parents dont l’enfant est atteint d’une malformation congénitale

Publié le 25/03/2010




A l’Hôpital Sainte-Marie de Séoul, établissement catholique, les services attachés à la maternité proposent une aide circonstanciée aux parents désireux d’avorter après avoir découvert que leur enfant est porteur d’une maladie congénitale.

Avec 1 200 lits et une équipe médicale forte de 3 500 membres, l’Hôpital Sainte-Marie est le plus important établissement hospitalier du pays. Institution reconnue pour la qualité des soins qui y sont dispensés, sa section maternité s’est dotée, en mars 2009, d’un « Centre catholique pour les maladies congénitales », dont la coordinatrice est une infirmière, Agnès Che Je-hee. Celle-ci explique que l’Hôpital Sainte-Marie est le seul établissement de Séoul à même de traiter les maladies congénitales. Un autre établissement, l’Asan Medical Center, est spécialisé dans le traitement des maladies cardiaques chez les nouveau-nés, mais seule la maternité Sainte-Marie est équipée pour traiter l’ensemble des malformations congénitales. Sa mission au Centre, poursuit-elle, est d’expliquer aux parents qui viennent d’apprendre que leur futur enfant est atteint d’une malformation qu’avorter n’est pas la seule solution qui s’offre à eux.

« Nous leur expliquons que de nombreuses malformations peuvent être soignées après la naissance, explique Agnès Che. Quand ils apprennent que leur enfant peut être soigné, de nombreux parents changent d’avis et choisissent de ne pas avorter. » Depuis l’ouverture du Centre, près de 70 couples ont ainsi choisi de garder leur enfant. « La mission de notre Centre est de faire passer aux parents le message selon lequel l’Eglise catholique considère que l’embryon est un être humain potentiel dès le moment de sa conception. »

La maternité compte une équipe de 30 obstétriciens et pédiatres qui travaillent en étroite collaboration pour soigner les bébés atteints d’une malformation dès leur naissance. Au Centre, le travail des équipes consiste à informer les parents des possibilités de soins qui existent et de l’accompagnement, éventuellement à long terme, qu’ils pourront y trouver. Ce travail d’information est capital, souligne Agnès Che, car la plupart des anomalies congénitales sont découvertes lors de l’échographie pratiquée entre la 20ème et la 25ème semaine de grossesse. A ce stade, les parents ont très peu de temps pour se décider, l’avortement étant légal jusqu’à la 24ème semaine de grossesse.

En Corée du Sud, l’avortement est légal depuis 1973 et le vote de la « Loi sur la santé de la mère et de l’enfant ». L’IVG est autorisée pour une grossesse résultant d’un viol ou d’un inceste, si le fœtus est porteur de certaines anomalies génétiques ou congénitales, ou bien encore si la santé de la mère est mise en danger du fait de la grossesse. Une révision de juillet 2009 de cette loi a abaissé le seuil à partir duquel l’avortement n’est plus légal, de la 28ème à la 24ème semaine de grossesse. La même révision a exclu des anomalies congénitales autorisant un avortement des maladies telles que l’hémophilie et l’épilepsie. L’avortement est toutefois une réalité massive en Corée du Sud, où les grossesses hors mariage sont très largement taboues et où l’IVG est souvent perçu comme un moyen de contraception.

Selon les dernières statistiques en date du ministère de la Santé et des Affaires familiales, 340 000 avortements ont été pratiqués en Corée du Sud en 2005 ; sur ce nombre, seulement 14 939 interventions, soit 4,4 %, peuvent être classées au nombre des avortements « légaux ». Que ce soit dans les hôpitaux, les cliniques ou les cabinets médicaux, avorter n’est pas difficile et bon nombre de médecins pratiquent des avortements sur des patientes qui le réclament pour des raisons sociales ou économiques. L’Eglise catholique estime que 1,5 million d’avortements ont lieu chaque année en Corée du Sud, pays de 48,5 millions d’habitants qui détient le record mondial du plus faible taux de fécondité. Toutefois, en dépit de la banalisation de l’avortement en Corée, un débat commence à s’ouvrir, souligne le site d’information Aujourd’hui la Corée (2). Parmi les voix réclamant l’application de la législation, et donc un recul drastique du recours à l’avortement, figure le Gynob, groupe de médecins obstétriciens qui cherche à dissuader les femmes d’avoir recours à l’interruption volontaire de grossesse et qui a récemment fondé l’organisation « Pro-Life doctors ». Après avoir mis en place un numéro d’appel spécial permettant de signaler les cliniques qui effectuent des avortements, elle envisage désormais de dénoncer leurs confrères qui les pratiquent.

Deux logiques s’affrontent. D’un côté celle du Gynob, soutenu par les milieux chrétiens, qui mettent en avant le caractère immoral de cet acte médical. De l’autre, celle des 4 000 membres de l’Association coréenne des obstétriciens et des gynécologues, soutenus par les groupes féministes. Selon eux, interdire l’avortement sans s’attaquer à ses causes engendrerait de nombreuses conséquences néfastes, telles que des abandons d’enfants, des IVG pratiquées à l’étranger ou encore l’augmentation des risques médicaux, du fait de la plus grande clandestinité dans laquelle elles seront pratiquées.

Mais, dans ce débat de plus en plus médiatisé, les critères de moralité et de santé publique laissent peu à peu apparaître d’autres enjeux. Financièrement d’abord, les avortements permettent à nombre de praticiens d’arrondir leurs fins de mois. Facturé l’équivalent de 250 euros, un tel acte présente par ailleurs l’avantage d’être payé en argent liquide, puisque non remboursé par les assurances. Pour les cliniques obstétriques coréennes, les avortements représentent bien souvent le seul moyen d’éviter la faillite. Car dans ce pays où le taux de fécondité est passé de 4,5 enfants par femme dans les années 1970 à 1,19 en 2008, les naissances ne font plus recette depuis longtemps (3), à tel point que nombre de cliniques ont réorienté leur activité vers les soins de la peau ou le traitement de l’obésité, beaucoup plus lucratifs.

L’autre enjeu est donc démographique, et préoccupe de plus en plus le gouvernement qui voit sa population vieillir. Aussi les autorités ont-elles commencé à mettre en place une politique nataliste, dont l’un des aspects concerne l’avortement. Depuis quelques mois, apparaissent sur les murs du métro des affiches affirmant par exemple qu’« en avortant, vous avortez du futur ».