Eglises d'Asie

L’Eglise exprime son inquiétude après l’assassinat d’un témoin-clé dans une affaire de corruption liée aux jeux d’argent

Publié le 25/03/2010




Le 28 février, Wilfredo Mayor a été tué à bout portant par quatre hommes à moto à Pasay City, dans la métropole de Manille, tandis qu’il regagnait son domicile au volant de sa voiture. Agé de 54 ans, il était l’un des cinq témoins-clé que Mgr Oscar Cruz, archevêque émérite de Lingayen-Dagupan, avait convaincu de parler devant une commission d’enquête du Sénat au sujet des jeux clandestins d’argent et de la corruption provoquée par ce phénomène (1).

Aux Philippines, les jeux clandestins d’argent, les jueteng, surnommés « la loterie des pauvres », sont extrêmement répandus et populaires. Le jeu consiste à parier sur deux chiffres de 1 à 37 et le gagnant empoche plusieurs fois sa mise. Fonctionnant parallèlement aux loteries officielles, gérées par la PAGCOR (Philippine Amusement and Gaming Corporation), les jueteng drainent des sommes considérables. En 2001, le président Joseph Estrada fut destitué en partie à cause d’accusations – qu’il a toujours niées – selon lesquelles il aurait reçu des pots-de-vin de la part des « seigneurs des jueteng ». Agé de 75 ans, Mgr Oscar Cruz, qui fut président de la Conférence des évêques catholiques des Philippines de 1995 à 1999, est connu pour son combat contre ces loteries illégales, qu’il accuse de ruiner les pauvres et de favoriser la corruption. En 2005, il était parvenu à se faire entendre du Sénat, sans pour autant que les jueteng disparaissent ou que leurs parrains soient traduits en justice.

Immédiatement contacté par les télévisions nationales après l’annonce de l’assassinat de Wilfredo Mayor, Mgr Cruz a révélé que la victime lui avait rendu visite cinq jours avant sa mort pour lui communiquer le nom de plusieurs personnes impliquées dans des affaires de corruption dans la province d’Albay, au sud-est de Manille. L’archevêque a précisé qu’il pouvait identifier deux « personnalités importantes et influentes » qui pourraient être responsables de la mort de Wilfredo Mayor.

Selon la presse philippine, un « contrat » de 1,2 million de pesos (19 300 euros) existait sur la tête de Wilfredo Mayor. Celui-ci, lors des auditions devant le Sénat en 2005, avait révélé qu’il était le gérant repenti, d’un réseau de jueteng dans la province d’Albay. Il avait affirmé avoir versé des pots-de-vin à des membres de la famille de la présidente Gloria Arroyo, ainsi qu’à des élus et à des hauts fonctionnaires. Plus tard, il s’était toutefois rétracté, ne cachant pas qu’il avait reçu des menaces sur sa vie. Depuis, il vivait chez lui, à Daraga, dans la province d’Albay, où il dirigeait une entreprise de construction.

Pour Mgr Antonio Tobias, évêque de Novaliches, qui a été impliqué dans la campagne de dénonciation des jueteng menée par Mgr Oscar Cruz, l’audace des commanditaires de l’assassinat de Wilfredo Mayor ne peut que faire craindre pour la sécurité de Mgr Cruz. Son statut d’évêque de l’Eglise catholique fera sans doute réfléchir à deux fois d’éventuels tueurs mais Mgr Cruz s’est exprimé devant des caméras de télévision et il n’a pas caché qu’il était porteur d’informations sensibles. « Je suis inquiet pour lui », a déclaré Mgr Tobias.