Eglises d'Asie

La statue d’un nationaliste hindou controversé ne sera pas érigée à Marseille

Publié le 08/04/2010




Il y a un an, des organisations hindouistes ont demandé à Marseille le droit d’ériger une statue de Vinayak Savarkar, considéré comme le père de l’idéologie nationaliste hindoue ou hindutva. Le gouvernement indien, qui a récemment eu vent du projet, s’y est toutefois opposé.

Le buste d’une des figures historiques du mouvement nationaliste hindou érigée près du célèbre port de Marseille ? Une vision improbable qui a pourtant failli devenir réalité. Passée sous silence, l’histoire peu banale a refait surface le 15 mars dernier, lorsque le gouvernement indien a indiqué son opposition au projet dans le quotidien Hindustan Times, alors que la ville de Marseille n’était pas contre l’idée.

Ce projet, vieux de dix ans, a germé dans l’esprit des organisations politiques hindouistes en 2000. Ce buste devait commémorer le centenaire de l’évasion de Vinayak Savarkar, qui s’était échappé d’un navire anglais alors qu’il quittait la cité phocéenne. Révolutionnaire et idéologue considéré comme le fondateur du nationalisme hindou moderne, il était réputé proche de Nathuram Godse, l’assassin de Gandhi. Accusé d’être impliqué dans le meurtre du Mahatma, il avait cependant été acquitté par la justice lors de son procès.

C’est le gouvernement indien qui finalement a mis le holà au projet de buste marseillais de Savarkar. « Nous ne sommes pas favorables à la poursuite du projet. C’est une question sensible. Même les autorités marseillaises sont en train de faire une relecture du projet après avoir pris connaissance de l’histoire », a déclaré un responsable du ministère des Affaires étrangères indien. La question n’est pas à prendre à la légère puisque beaucoup pensent encore que Savarkar avait une responsabilité – du moins indirectement – dans l’assassinat de Gandhi, homme auquel il s’était toujours farouchement opposé. Mais si le fait de construire une statue de Vinayak Savarkar passe visiblement inaperçu dans l’hexagone, ce n’est pas le cas pour celui d’introduire la statue d’un étranger en terre hindutva, même si ce dernier fait l’unanimité à travers le monde.

Il y a un an de cela en effet, une initiative semblable avait été prise dans la ville côtière d’Udupi, dans l’Etat de Karnataka. Le réalisateur de cinéma Hemant Hedge projetait de faire construire une statue de Charlie Chaplin de 20 mètres de hauteur, pour un film qu’il tournait dans la région, avec l’intention de laisser l’œuvre sur le terrain en guise d’attraction touristique. Mais un détail lui a échappé : la ville, un des nouveaux bastions de l’hindutva, est réputée, depuis quelques années, pour ses tensions intercommunautaires.

En mars 2009, des activistes hindouistes ont donc investi le chantier, affirmant que la construction de l’effigie d’un « chrétien » à proximité d’un de leur temple était une offense. « Je suis très surpris que les gens associent Charlie Chaplin à la religion chrétienne », avait déclaré peu après Hemant Hedge au Guardian. Baptisé dans l’Eglise anglicane, « Charlot » était en effet connu pour être un agnostique et incarnait plus la figure du clown que celle du dévot. Mais cela n’a pas empêché les opposants au projet de le faire avorter.

Sans surprise, le projet du buste de Savarkar semble ne pas être au cœur des préoccupations de la cité phocéenne, la mairie n’ayant pas pu répondre aux questions d’Aujourd’hui l’Inde. L’agence d’information spécialisée sur l’Inde estime surprenant qu’une grande ville prenne l’installation d’un buste public avec autant de légèreté, et que ce soit à l’Inde de la renseigner sur le dossier.