Eglises d'Asie

Malgré les reports successifs de la visite du président américain, le pays continue de se préparer à accueillir Barack Obama

Publié le 08/04/2010




En dépit du fait que la Maison Blanche a de nouveau ajourné la visite du président des Etats-Unis, en raison des difficultés d’adoption par le Congrès américain de la loi sur la réforme de l’assurance maladie qui requiert la présence de Barack Obama à Washington, l’Indonésie poursuit les préparatifs de la visite présidentielle, attendue désormais pour le mois de juin.

Dans les deux écoles qu’avait à l’époque fréquenté le jeune Barack Obama – surnommé « Barry » –, les élèves répètent les chants d’accueil depuis plusieurs semaines et le menu des plats de bienvenue ont depuis longtemps été fixés. L’école élémentaire catholique Saint-François-d’Assise de Djakarta où le jeune Barack Obama a étudié de 1968 à 1970, est aujourd’hui un établissement important avec plus de 1 000 élèves, et des classes qui vont du primaire à la fin du lycée. En 1968, lorsque la mère américaine du futur président Obama et son beau-père indonésien y avaient inscrit leur jeune fils, la fondation de cette école catholique remontait à tout juste un an. Quarante ans plus tard, le souvenir du passage du jeune Barack Obama est soigneusement entretenu : une photo du président américain et de son épouse trône dans le hall de l’école, ainsi que la chaise et le pupitre qui sont censés avoir été les siens.

Maria Yohana dirige l’équipe chargée de la préparation de la visite du prestigieux ancien élève. « Nous ne sommes pas encore certains que le président Obama nous rendra visite, mais nous nous y préparons. Nous lui servirons du riz et des ramboutans, qu’il appréciait particulièrement. C’est un grand honneur pour nous », explique-t-elle, alors qu’aux Etats-Unis les pressions s’accumulent pour que la visite indonésienne conserve une certaine discrétion. Les républicains ironisent à l’avance sur les photos de vacances de la famille Obama, présentées à une Amérique en proie à une forte hausse du chômage.

Mais pour Maria Yohana, ces polémiques sont lointaines. « Nous respectons le président Obama au titre d’ancien élève de notre école. Nous voulons le remercier de nous aider à motiver nos élèves, de leur donner de hautes aspirations », exprime-t-elle, ajoutant qu’« une classe de leadership » a été montée et devrait être inaugurée par Barack Obama.

Outre les deux années passées à l’école Saint-François-d’Assise, le jeune Barack Obama a fréquenté une autre école indonésienne, publique celle-ci, durant le séjour de quatre ans où il a vécu en Indonésie (1967-1971). Dans cette seconde école, l’école Menteng 01 (autrefois appelée Besuki), où il était le seul étranger, le dossier d’inscription rempli par ses parents indiquait à la rubrique ‘religion’ celle de son beau-père, le « javanisme » (1). Pendant la campagne électorale pour l’investiture de 2008, un éditorialiste néo-conservateur avait prétendu que Barack Obama avait été un musulman pratiquant durant son séjour en Indonésie (donc entre l’âge de 6 et 10 ans). Barack Obama affirmait quant à lui que son foyer n’était pas religieux.

Cependant, la visite en Indonésie du président américain ne restera toutefois pas cantonnée à un registre familial ou nostalgique. Nombreux sont ceux, en Indonésie, qui attendent de son séjour un impact positif dans les domaines des droits de l’homme, de la démocratie et de la liberté religieuse. Récemment, la Maison Blanche a fait part de l’intention de Barack Obama d’évoquer également les problèmes du changement climatique

Le Rév. Gomar Gultom, secrétaire général de la Communion des Eglises protestantes, estime que le président est bienvenu car « il fait preuve d’une nouvelle approche faite de dialogue avec les musulmans ». Dans un pays où l’islam est très largement majoritaire, les discours que le président américain prononcera pourraient ouvrir la voie à un dialogue renouvelé avec les musulmans. « Je sais que Barack Obama prête une vraie attention aux groupes minoritaires et à la liberté religieuse », poursuit le responsable protestant, qui espère que cette visite amènera les Indonésiens à se montrer plus ouverts aux différentes communautés religieuses qui composent le pays.

Selon le programme, encore provisoire, de la visite présidentielle, une rencontre est prévue avec les responsables religieux, souligne le P. Antonius Benny Susetyo, de la Commission pour l’œcuménisme et les affaires interreligieuses de la Conférence des évêques catholiques d’Indonésie. A Washington, le 12 mars, le porte-parole de la Maison Blanche a annoncé que le discours que Barack Obama doit prononcer à Djakarta a été pensé comme le « prolongement » de celui du Caire du 4 juin 2009. En Egypte, le président américain avait prononcé un discours sur l’islam au « monde musulman », présenté comme un jalon important dans sa stratégie pour réduire les tensions au Moyen-Orient et au-delà, avec l’ensemble des musulmans.

Pour le P. Susetyo, la visite de Barack Obama permettra de souligner « trois problèmes auxquels l’Indonésie et la communauté internationale font face : le terrorisme, les droits de l’homme et la démocratie ». Tous les efforts que le président américain peut entreprendre pour ramener la paix aux Moyen-Orient « ont un impact en terme de stabilité en Indonésie ».

Du côté de la petite communauté bouddhiste d’Indonésie, la visite présidentielle est vue comme « une bonne opportunité d’améliorer la compréhension mutuelle ». Philip Wijaya, secrétaire général du Conseil bouddhiste d’Indonésie (Walubi), estime qu’en dépit des oppositions exprimées ici et là à cette visite, les Indonésiens devraient comprendre qu’elle représente une chance pour le pays.

Au Conseil des oulémas indonésiens, instance qui délivre des conseils juridiques à l’adresse des musulmans, on ne croit pas que la visite de Barack Obama contribuera à faire baisser la pression au Moyen-Orient. Amidhan, son président, se contente de souligner qu’il s’agit là d’une visite d’Etat et que « selon l’islam, un invité doit être respecté » (2).

Ces dernières semaines, des groupes musulmans radicaux ont manifesté dans différentes villes du pays pour dénoncer la visite de Barack Obama, laquelle s’accompagnera d’un impressionnant déploiement de mesures de sécurité.